Ascension 2014
Triste fin,
pourrait-on croire !
Après un
rebondissement inattendu, Jésus semble abandonner ses apôtres qui regardent le
ciel où il disparaît...
Le Vendredi
Saint, tout semblait conclu.
Mais au
matin de Pâques tout était à nouveau possible. Durant quarante jours, il leur
avait manifesté sa présence plus forte que la mort.
Et
maintenant, jour de l'Ascension, il les quitte... !
S'ils
l'avaient suivi durant trois ans, c'est qu'il apportait un "plus", ce
charpentier de Nazareth ! Les solides pêcheurs du lac de Galilée n'auraient pas
abandonné leurs filets si Jésus ne les avait pas fait "rêver", si je
puis dire, aspirer à un monde plus beau, à une vie qui en vaille vraiment la
peine.
Ses paroles
étaient d'or.
Son accueil
était pour tous, sans jugements ni condamnation.
Sa bonté
pour les pauvres et les malades était sans égale.
Était-ce
donc simplement une parenthèse dans leur vie, dans l'histoire morose de notre
humanité ?
Rassurons-nous
tout de suite !
L'Ascension
que nous fêtons aujourd'hui n'est pas une évasion. Jésus ne prend pas
son envol dans des galaxies lointaines ! Mais il passe de l'autre côté du
voile, de ce voile que peut percer désormais le regard de la foi, le regard de
la foi pascale, depuis que le voile du temple s'est déchiré au moment de sa
mort ! Le chemin du ciel est ouvert !
En effet, le
cœur de la "Bonne Nouvelle" de Jésus, c'est sa Pâque, son passage vers le Père où il
entraîne toute l'humanité à sa suite. Et le temps pascal qui rappelle cet
événement, ce mystère, se déploie durant cinquante jours - pendant lesquels le
cierge de la lumière du matin de Pâques nous éclaire - ... ce temps pascal se
déploie en trois tableaux :
Le matin de
Pâques, l'Ascension et la Pentecôte.
Une seule
fête en un triptyque !
À Pâques, la tombe est vide !
La mort n'a
pu garder sa proie, notre
terre n'est pas le tombeau de l'amour - "la
Charité ne passera jamais", dira St Paul ! (I Co. 13.8) -.
Lorsque
Jésus ressuscita Lazare, on vit apparaître un homme prisonnier de ses
bandelettes. Sitôt celles-ci ôtées, on put le reconnaître aisément. Quelques
mois, voire quelques années de sursis étaient seulement offerts à Lazare.
Mais quand
les femmes arrivent au tombeau, c'est un grand vide qu'elles découvrent : "Pourquoi chercher parmi les morts
celui qui est vivant ?, leur demandent
les anges. "Il n'est pas ici, mais
il est ressuscité". (Luc 24.5-6).Il est
toujours vivant !
À l'Ascension, il nous est dit clairement où
est ce Jésus dont le corps n'est plus dans le tombeau : il est "assis à la droite du Père". "Notre Père qui es aux cieux",
nous a appris Jésus.
Expression
paradoxale !
- Par son
amour, Dieu est proche des hommes. Il est Père, "notre Père !". Mais il est aux cieux, hors de notre
portée, comme le ciel qui enveloppe notre planète. Proximité et grandeur,
tel est Dieu.
- Tel est
aussi le mystère du Christ ! Ne cherchons pas à le situer géographiquement,
bien sûr. Dieu est partout et de nulle part. Voilà pourquoi celui qui est aux
cieux, nous pouvons le prier dans le secret de notre chambre. Son temple est le
cœur des justes, disait saint Augustin. Le Christ est là !
À la
Pentecôte, nous
prenons conscience de la responsabilité qu'il nous laisse. À nous de poursuivre
son œuvre.
Et l'Esprit du
Christ nous est donné pour que nous affrontions toute peur et que nous
puissions aller jusqu'au bout de la terre proclamer sa "Bonne nouvelle",
la "Bonne Nouvelle" de la grandeur et de la proximité du Christ !
Dans le
Cénacle de la Pentecôte, l'Esprit du Christ nous fait découvrir que nous sommes
"Église", c'est-à-dire le "Corps du Christ", du Christ ressuscité.
Nous devenons, nous devons être "présence du Christ" pour le monde
d'aujourd'hui. Avec lui, nous sommes une seule chair et un seul sang, ainsi que
nous le célébrons à chaque Eucharistie !
Voilà la
Pâques du Christ : Matin de Pâques,
Ascension, Pentecôte.
Aussi, l'Ascension
est une fête joyeuse. St Luc le dit clairement : "les disciples s'en retournèrent à Jérusalem pleins de joie"
(24.52). Comprenant mieux la Pâques du
Christ, ils chantent leur "merci", leur "action de grâce" à
ce Seigneur de gloire. Chantons, nous aussi, notre "action de grâce".
Oui, grande action de grâce à Jésus qui s'en va !
Action de
grâce ! Tout
d'abord parce que Jésus, avec confiance, nous confie, en partant, sa mission. Désormais,
c'est à nous de proclamer la "Bonne Nouvelle" aux pauvres, de
réveiller l'espérance, d'inviter à l'amour. Lui, il s'était contenté de la
Palestine ; nous, à la suite des Apôtres, nous sommes invités à aller jusqu'au
bout du monde. Son aventure devient la nôtre. Quelle responsabilité !
Action de
grâce ! Car
l'Ascension manifeste que notre vie aboutit auprès de Dieu. Jésus ne l'a-t-il
pas dit ? "Je pars vous préparer une
place", disait-il. La destinée humaine débouche en plein ciel. Elle ne
retourne pas au néant. La vie ne va pas à la tombe. Jésus a emporté avec lui un
petit goût de la terre, disait Péguy.
Action de
grâce ! Car Jésus n'abandonne
pas les siens. La tâche sera rude, il est vrai ; mais il nous a promis l'Esprit
Saint, force d'En-Haut, force du Père. Ce souffle qui a animé Jésus durant toute
sa vie, nous habite dorénavant. Et lui-même, Jésus, sera avec nous jusqu'à la
fin des temps. Nous ne le voyons plus, certes ; mais il nous voit ! Il est là !
Décidément, l'événement
"Jésus de Nazareth" n'est pas une parenthèse au cœur de
l'histoire des hommes. C'est une source qui jaillit encore, un flambeau que
l'on se passe de génération en génération. "Allez
de par le monde entier ; de tous les peuples, faites des disciples...".
Aussi, les
anges de l'Ascension nous invitent à cesser de fixer le ciel !
Mais il
fallait un instant le regarder pour voir où aboutit l'existence humaine.
Maintenant, il est urgent de regarder la terre pour y faire déjà le ciel par
l'amour divin reçu au matin de Pâques pour que la volonté de Dieu soit faite "sur la terre comme au ciel",
là où Jésus nous précède.
Aussi, pour
terminer, je vous transmets une parabole que je viens de lire, parabole
héritée d'ailleurs des Pères de l'Eglise : un jour, un grand-père voulut faire
découvrir à son petit-fils la beauté des arbres et l'importance de leur travail :
"Ils rattachent la terre au ciel",
lui disait-il. "Le ciel, en effet,
c'est si léger. Si les arbres ne le retenaient pas fermement, il s'en irait
loin de la terre".
L'arbre,
expliquait-il, est comme une grosse corde tressée de plusieurs fils qui se
desserrent et s'élargissent.
D'un côté,
ce sont les branches qui accrochent le ciel ;
de l'autre,
ce sont les racines qui pénètrent la terre.
Les racines
cherchent leur chemin dans le sol tout comme les branches apprivoisent le ciel.
Et le travail
des branches n'est pas plus facile que celui des racines. Celles-ci rencontrent
un sol souvent rocailleux ; celles-là doivent résister au vent parfois houleux.
"Le vent voudrait séparer le ciel de
la terre. Mais les arbres tiennent bon. C'est une grande bataille, mon fils
!"
Telle est la
rude bataille des chrétiens : veiller à ce que le ciel ne s'échappe jamais de
la terre. Et les Pères de l'Eglise d'ajouter paradoxalement à propos de la
parabole : il s'agit sans doute d'un arbre, mais d'un "arbre
renversé" ! Car nos véritables racines ne sont-elles pas déjà dans le ciel
?
En ces temps
où la paix semble si compromise, sachons où sont nos véritables racines ! C'est
plus urgent que jamais. C'est notre mission, celle de l'Eglise, celle de chaque
chrétien : relier ciel et terre !
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