jeudi 29 mai 2014

Relier ciel et terre !

Ascension 2014

Triste fin, pourrait-on croire !
Après un rebondissement inattendu, Jésus semble abandonner ses apôtres qui regardent le ciel où il disparaît...
Le Vendredi Saint, tout semblait conclu.
Mais au matin de Pâques tout était à nouveau possible. Durant quarante jours, il leur avait manifesté sa présence plus forte que la mort.
Et maintenant, jour de l'Ascension, il les quitte... !

S'ils l'avaient suivi durant trois ans, c'est qu'il apportait un "plus", ce charpentier de Nazareth ! Les solides pêcheurs du lac de Galilée n'auraient pas abandonné leurs filets si Jésus ne les avait pas fait "rêver", si je puis dire, aspirer à un monde plus beau, à une vie qui en vaille vraiment la peine.
Ses paroles étaient d'or.
Son accueil était pour tous, sans jugements ni condamnation.
Sa bonté pour les pauvres et les malades était sans égale.
Était-ce donc simplement une parenthèse dans leur vie, dans l'histoire morose de notre humanité ?

Rassurons-nous tout de suite !
L'Ascension que nous fêtons aujourd'hui n'est pas une évasion. Jésus ne prend pas son envol dans des galaxies lointaines ! Mais il passe de l'autre côté du voile, de ce voile que peut percer désormais le regard de la foi, le regard de la foi pascale, depuis que le voile du temple s'est déchiré au moment de sa mort ! Le chemin du ciel est ouvert !

En effet, le cœur de la "Bonne Nouvelle" de Jésus, c'est sa Pâque, son passage vers le Père où il entraîne toute l'humanité à sa suite. Et le temps pascal qui rappelle cet événement, ce mystère, se déploie durant cinquante jours - pendant lesquels le cierge de la lumière du matin de Pâques nous éclaire - ... ce temps pascal se déploie en trois tableaux :
Le matin de Pâques, l'Ascension et la Pentecôte.
Une seule fête en un triptyque !

À Pâques, la tombe est vide !
La mort n'a pu garder sa proie, notre terre n'est pas le tombeau de l'amour - "la Charité ne passera jamais", dira St Paul ! (I Co. 13.8) -.
Lorsque Jésus ressuscita Lazare, on vit apparaître un homme prisonnier de ses bandelettes. Sitôt celles-ci ôtées, on put le reconnaître aisément. Quelques mois, voire quelques années de sursis étaient seulement offerts à Lazare.
Mais quand les femmes arrivent au tombeau, c'est un grand vide qu'elles découvrent : "Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ?, leur demandent les anges. "Il n'est pas ici, mais il est ressuscité". (Luc 24.5-6).Il est toujours vivant !

À l'Ascension, il nous est dit clairement où est ce Jésus dont le corps n'est plus dans le tombeau : il est "assis à la droite du Père". "Notre Père qui es aux cieux", nous a appris Jésus.
Expression paradoxale !
- Par son amour, Dieu est proche des hommes. Il est Père, "notre Père !". Mais il est aux cieux, hors de notre portée, comme le ciel qui enveloppe notre planète. Proximité et grandeur, tel est Dieu.
- Tel est aussi le mystère du Christ ! Ne cherchons pas à le situer géographiquement, bien sûr. Dieu est partout et de nulle part. Voilà pourquoi celui qui est aux cieux, nous pouvons le prier dans le secret de notre chambre. Son temple est le cœur des justes, disait saint Augustin. Le Christ est là !

À la Pentecôte, nous prenons conscience de la responsabilité qu'il nous laisse. À nous de poursuivre son œuvre.
Et l'Esprit du Christ nous est donné pour que nous affrontions toute peur et que nous puissions aller jusqu'au bout de la terre proclamer sa "Bonne nouvelle", la "Bonne Nouvelle" de la grandeur et de la proximité du Christ !
Dans le Cénacle de la Pentecôte, l'Esprit du Christ nous fait découvrir que nous sommes "Église", c'est-à-dire le "Corps du Christ", du Christ ressuscité. Nous devenons, nous devons être "présence du Christ" pour le monde d'aujourd'hui. Avec lui, nous sommes une seule chair et un seul sang, ainsi que nous le célébrons à chaque Eucharistie !

Voilà la Pâques du Christ : Matin de Pâques, Ascension, Pentecôte.

Aussi, l'Ascension est une fête joyeuse. St Luc le dit clairement : "les disciples s'en retournèrent à Jérusalem pleins de joie" (24.52). Comprenant mieux la Pâques du Christ, ils chantent leur "merci", leur "action de grâce" à ce Seigneur de gloire. Chantons, nous aussi, notre "action de grâce". Oui, grande action de grâce à Jésus qui s'en va !

Action de grâce ! Tout d'abord parce que Jésus, avec confiance, nous confie, en partant, sa mission. Désormais, c'est à nous de proclamer la "Bonne Nouvelle" aux pauvres, de réveiller l'espérance, d'inviter à l'amour. Lui, il s'était contenté de la Palestine ; nous, à la suite des Apôtres, nous sommes invités à aller jusqu'au bout du monde. Son aventure devient la nôtre. Quelle responsabilité !

Action de grâce ! Car l'Ascension manifeste que notre vie aboutit auprès de Dieu. Jésus ne l'a-t-il pas dit ? "Je pars vous préparer une place", disait-il. La destinée humaine débouche en plein ciel. Elle ne retourne pas au néant. La vie ne va pas à la tombe. Jésus a emporté avec lui un petit goût de la terre, disait Péguy.

Action de grâce ! Car Jésus n'abandonne pas les siens. La tâche sera rude, il est vrai ; mais il nous a promis l'Esprit Saint, force d'En-Haut, force du Père. Ce souffle qui a animé Jésus durant toute sa vie, nous habite dorénavant. Et lui-même, Jésus, sera avec nous jusqu'à la fin des temps. Nous ne le voyons plus, certes ; mais il nous voit ! Il est là !

Décidément, l'événement "Jésus de Nazareth" n'est pas une parenthèse au cœur de l'histoire des hommes. C'est une source qui jaillit encore, un flambeau que l'on se passe de génération en génération. "Allez de par le monde entier ; de tous les peuples, faites des disciples...".

Aussi, les anges de l'Ascension nous invitent à cesser de fixer le ciel !
Mais il fallait un instant le regarder pour voir où aboutit l'existence humaine. Maintenant, il est urgent de regarder la terre pour y faire déjà le ciel par l'amour divin reçu au matin de Pâques pour que la volonté de Dieu soit faite "sur la terre comme au ciel", là où Jésus nous précède.

Aussi, pour terminer, je vous transmets une parabole que je viens de lire, parabole héritée d'ailleurs des Pères de l'Eglise : un jour, un grand-père voulut faire découvrir à son petit-fils la beauté des arbres et l'importance de leur travail : "Ils rattachent la terre au ciel", lui disait-il. "Le ciel, en effet, c'est si léger. Si les arbres ne le retenaient pas fermement, il s'en irait loin de la terre".

L'arbre, expliquait-il, est comme une grosse corde tressée de plusieurs fils qui se desserrent et s'élargissent.
D'un côté, ce sont les branches qui accrochent le ciel ;
de l'autre, ce sont les racines qui pénètrent la terre.
Les racines cherchent leur chemin dans le sol tout comme les branches apprivoisent le ciel.
Et le travail des branches n'est pas plus facile que celui des racines. Celles-ci rencontrent un sol souvent rocailleux ; celles-là doivent résister au vent parfois houleux. "Le vent voudrait séparer le ciel de la terre. Mais les arbres tiennent bon. C'est une grande bataille, mon fils !"

Telle est la rude bataille des chrétiens : veiller à ce que le ciel ne s'échappe jamais de la terre. Et les Pères de l'Eglise d'ajouter paradoxalement à propos de la parabole : il s'agit sans doute d'un arbre, mais d'un "arbre renversé" ! Car nos véritables racines ne sont-elles pas déjà dans le ciel ?

En ces temps où la paix semble si compromise, sachons où sont nos véritables racines ! C'est plus urgent que jamais. C'est notre mission, celle de l'Eglise, celle de chaque chrétien : relier ciel et terre !

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