2ème
Avent 13 - A -
Il n'y a rien d'étonnant à voir les foules
se précipiter au Jourdain pour voir et entendre le nouveau prédicateur dont
la renommée s'étend rapidement !
Ascète, homme de Dieu, impressionnant
témoin du “vertical”, ce Jean n'annoncerait-il pas la prochaine venue du Messie,
du Sauveur que chacun attend ? Le pays est occupé, la paix constamment menacée,
la sécularisation s'infiltre jusque dans le Temple. Que d'humiliations pour le
peuple élu ! Mais, avec ce prophète Jean, l'espoir renaît. C'est un nouvel
Isaïe, porteur d'une étonnante nouvelle : “Le
Royaume des cieux est tout proche !”.
La venue d’un grand témoin du Christ, à
Rome ou ailleurs, un message du ciel - que ce soit à Lourdes, Fatima ou
ailleurs -, n’ont-ils pas les mêmes effets ? On se précipite en ces lieux
privilégiés où le ciel semble venir à la rencontre de la terre. Il en était
ainsi sur les bords du Jourdain autour de la “vedette” du moment !
Et St Matthieu le fait pressentir :
tous les âges, toutes les classes sociales et toutes les tendances sont bien représentés.
Les responsables, les initiés, les spécialistes sont là, prêtres et
laïcs, autorités religieuses et civiles.
Présents, oui ; motivés, sans doute ; mais très
mal reçus. Comme mot d'accueil, des invectives ; comme encouragement, des
reproches.
Leur crime ? Se croire “arrivés” et déjà
sauvés par leur piété et leurs bonnes œuvres, leur fidélité scrupuleuse aux
préceptes et l'observance rigoureuse des rites. Péguy aura le même langage pour
notre temps : "Il y a quelque chose
de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute
faite... Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme perverse. C'est
d'avoir une âme habituée. On a vu les jeux incroyables de la grâce, et les
grâces de la grâce pénétrer une mauvaise âme... Mais on n'a pas vu mouiller ce
qui était verni ; on n'a pas vu traverser ce qui était imperméable ; on n'a pas
vu tremper ce qui était habitué !". Les gens sûrs d'eux-mêmes "ne mouillent pas à la grâce !".
Tellement sûrs qu'ils en deviennent hautains
et méprisants. Un ghetto de purs ! Qu'auraient-ils donc à craindre de la colère
de Dieu ? N'est-elle pas provoquée bien davantage par ces marginaux du Temple
et de la Loi, ignorant dogmes et règlements et empêtrés dans leur infidélité ?
Des pécheurs. C'est à eux que le discours s'adresse !
Eh bien non ! L'appel à la conversion
est pour tous. La mobilisation ne connaît pas de "privilégiés".
Aussi, le changement de vie ne s'adresserait-il
pas, par priorité, aux "installés". Les croyants n'auraient-ils pas à
sans cesse se convertir pour devenir de plus en plus fidèles au Dieu trois fois
Saint ?
Ainsi, n'est-ce pas à nous tous, ici
présents, que ce message s’adresse ? Quand la foi est chantée,
proclamée célébrée, l'authenticité de la conversion du cœur doit se traduire dans
la vie de chaque instant ; elle doit pouvoir se mesurer aux fruits qu'elle
produit. Des fruits d'amour, de justice et de paix. Les changements de vie ne
se font ni une fois pour toutes, ni en une seule fois. Ils sont constamment à
entreprendre et à mener à bien. C'est quotidiennement qu'il nous faut passer
des intentions à l'engagement, du rite à la vie, du baptême d'eau au baptême de
l'Esprit. Changer de vie, c'est accepter de revoir constamment à la lumière de
l'Évangile sa manière de regarder et de juger.
C'est chaque dimanche que retentit
inlassablement sur des tons variés cet appel pressant à la conversion... Mais
souvent, la Parole de feu glisse, glisse et glisse encore sur la savonnette de
nos habitudes d'inconscience et d'indifférence. Et nous sortons de cette dominicale
épreuve de vérité que nous demande le Seigneur, voire de ses interpellations quotidiennes
en discutant de la pluie et du beau temps, ou en pensant à tout autre chose...
Pour ce qui est du message transmis, des
exigences d'amour, de conversion proposée et des retournements attendus, qu’en
est-il véritablement ? Oui, la parole de Jean-Baptiste, cet austère
annonceur du "Royaume de Dieu", est toujours d'actualité et
profondément contemporaine : “Convertissez-vous...
et produisez donc un fruit qui exprime votre conversion”. C'est donc bien à
nous que cette parole s'adresse.
“Convertissez-vous.
Ne désespérez pas !” Le "Royaume de Dieu" est tout
proche malgré les apparences contradictoires. Et par là, Jean-Baptiste rejoint le
message d’Isaïe dans la première lecture.
Le prophète est déçu par les rois de
Jérusalem (surtout
Ézékias - 716-687).
La belle plantation semée par le roi David se trouve réduite à l'état de
souche. Mais Dieu promet un rejeton plein de vie, il fera surgir un nouveau
David qui gouvernera comme Dieu lui-même, sans juger “d'après les apparences” trompeuses. Il combattra pour la justice.
Et cette justice favorisera, avant tout, l'opprimé : “le loup habitera avec l’agneau ; le léopard sera près du
chevreau”… Autrement dit, les bêtes féroces se calmeront pour que vivent en
paix les animaux sans défense. Toute méchanceté aura disparu, car, grâce à
l'exemple de ce roi, tous auront “la
connaissance” de ce que le Seigneur propose aux hommes pour qu'ils soient
heureux.
Tel est aussi “le Royaume des cieux”
annoncé par le Baptiste et par les Evangiles ; telle est l'espérance dont
témoigne l'Église quand elle abolit ses propres divisions, aujourd'hui comme
hier, ce à quoi fait allusion St Paul (2de lecture).
En effet, les chrétiens de Rome venaient
les uns du judaïsme, les autres du paganisme, ce qui ne facilitait pas l'unité.
Paul leur rappelle longuement qu'il n'y a pas de différence entre eux.
Tous, en effet, nous sommes sauvés par l'amour gratuit de Dieu, et non par
l'étalage de nos mérites, de nos origines. “Accueillez-vous
les uns les autres”, dit-il. Les païens se rappelleront que le Christ s'est
mis au service de ses frères juifs. Les Juifs reconnaîtront que le Christ
accueille aussi les païens, pour que Dieu devienne le Dieu de tous les hommes.
En ce temps de l'Avent, sachons exprimer
ces mêmes espérances, malgré, parfois, nos divergences, voire nos divisions.
C'est l'écoute de la Parole de Dieu qui peut surmonter nos différences.
Remarquons enfin que l’évangile de St
Matthieu, écrit par un Juif principalement pour des Juifs et qui
transmet le message de Jean Baptiste avec la dureté de ses paroles, la sévérité
de ses jugements, l’exigence de ses appels à la conversion, soulignera aussi, à
sa manière, cet universalisme du salut proposé par le Christ.
C’est toute la Judée qui vient à
Jean-Baptiste, tandis que le ministère de Jésus, lui, paraîtra en Galilée,
terre où se mêlent Juifs et païens, "pays
de Zabulon, Galilée des nations" (Cf. Mth 4.13).
Matthieu évoque bien, autour de Jean, les
courants les plus influents du Judaïsme de l’époque ; mais il souligne en
même temps l’universalisme du message du Christ. Etre descendant d'Abraham,
dira Jésus en quelque sorte, ne constitue pas un billet gratuit pour obtenir le
salut (Cf.
Mth 3.9).
Le jugement de Dieu mettra à égalité tous les hommes selon qu'ils auront ou non
produit “le fruit de la conversion".
Le message de Jean est logique, correct. Si
nous aimons Dieu, nous lui donnons le droit de juger notre comportement.
Mais Jésus rompra cependant avec la grande sévérité
du Baptiste : l'accès au Royaume des cieux n'est rien d'autre que le chemin des
Béatitudes. "Bienheureux les pauvres
de cœur..., les doux..., ceux qui pleurent..., ceux qui ont faim et soif de
justice..., les cœurs purs..., ceux qui font œuvre de paix..., ...et lez
persécutés...!". C’est sur ce chemin des "Béatitudes" que
notre conversion doit s’accomplir : “Convertissez-vous,
car le Royaume de Dieu est tout proche !”.
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