dimanche 8 décembre 2013

Conversion !

2ème  Avent 13 - A   - 

Il n'y a rien d'étonnant à voir les foules se précipiter au Jourdain pour voir et entendre le nouveau prédicateur dont la renommée s'étend rapidement !

Ascète, homme de Dieu, impressionnant témoin du “vertical”, ce Jean n'annoncerait-il pas la prochaine venue du Messie, du Sauveur que chacun attend ? Le pays est occupé, la paix constamment menacée, la sécularisation s'infiltre jusque dans le Temple. Que d'humiliations pour le peuple élu ! Mais, avec ce prophète Jean, l'espoir renaît. C'est un nouvel Isaïe, porteur d'une étonnante nouvelle : “Le Royaume des cieux est tout proche !”.

La venue d’un grand témoin du Christ, à Rome ou ailleurs, un message du ciel - que ce soit à Lourdes, Fatima ou ailleurs -, n’ont-ils pas les mêmes effets ? On se précipite en ces lieux privilégiés où le ciel semble venir à la rencontre de la terre. Il en était ainsi sur les bords du Jourdain autour de la “vedette” du moment !

Et St Matthieu le fait pressentir : tous les âges, toutes les classes sociales et toutes les tendances sont bien représentés. Les responsables, les initiés, les spécialistes sont là, prêtres et laïcs, autorités religieuses et civiles.
Présents, oui ; motivés, sans doute ; mais très mal reçus. Comme mot d'accueil, des invectives ; comme encouragement, des reproches.
Leur crime ? Se croire “arrivés” et déjà sauvés par leur piété et leurs bonnes œuvres, leur fidélité scrupuleuse aux préceptes et l'observance rigoureuse des rites. Péguy aura le même langage pour notre temps : "Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite... Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme perverse. C'est d'avoir une âme habituée. On a vu les jeux incroyables de la grâce, et les grâces de la grâce pénétrer une mauvaise âme... Mais on n'a pas vu mouiller ce qui était verni ; on n'a pas vu traverser ce qui était imperméable ; on n'a pas vu tremper ce qui était habitué !". Les gens sûrs d'eux-mêmes "ne mouillent pas à la grâce !".
Tellement sûrs qu'ils en deviennent hautains et méprisants. Un ghetto de purs ! Qu'auraient-ils donc à craindre de la colère de Dieu ? N'est-elle pas provoquée bien davantage par ces marginaux du Temple et de la Loi, ignorant dogmes et règlements et empêtrés dans leur infidélité ? Des pécheurs. C'est à eux que le discours s'adresse !

Eh bien non ! L'appel à la conversion est pour tous. La mobilisation ne connaît pas de "privilégiés".

Aussi, le changement de vie ne s'adresserait-il pas, par priorité, aux "installés". Les croyants n'auraient-ils pas à sans cesse se convertir pour devenir de plus en plus fidèles au Dieu trois fois Saint ?

Ainsi, n'est-ce pas à nous tous, ici présents, que ce message s’adresse ? Quand la foi est chantée, proclamée célébrée, l'authenticité de la conversion du cœur doit se traduire dans la vie de chaque instant ; elle doit pouvoir se mesurer aux fruits qu'elle produit. Des fruits d'amour, de justice et de paix. Les changements de vie ne se font ni une fois pour toutes, ni en une seule fois. Ils sont constamment à entreprendre et à mener à bien. C'est quotidiennement qu'il nous faut passer des intentions à l'engagement, du rite à la vie, du baptême d'eau au baptême de l'Esprit. Changer de vie, c'est accepter de revoir constamment à la lumière de l'Évangile sa manière de regarder et de juger.

C'est chaque dimanche que retentit inlassablement sur des tons variés cet appel pressant à la conversion... Mais souvent, la Parole de feu glisse, glisse et glisse encore sur la savonnette de nos habitudes d'inconscience et d'indifférence. Et nous sortons de cette dominicale épreuve de vérité que nous demande le Seigneur, voire de ses interpellations quotidiennes en discutant de la pluie et du beau temps, ou en pensant à tout autre chose...

Pour ce qui est du message transmis, des exigences d'amour, de conversion proposée et des retournements attendus, qu’en est-il véritablement ? Oui, la parole de Jean-Baptiste, cet austère annonceur du "Royaume de Dieu", est toujours d'actualité et profondément contemporaine : “Convertissez-vous... et produisez donc un fruit qui exprime votre conversion”. C'est donc bien à nous que cette parole s'adresse.

“Convertissez-vous. Ne désespérez pas !” Le "Royaume de Dieu" est tout proche malgré les apparences contradictoires. Et par là, Jean-Baptiste rejoint le message d’Isaïe dans la première lecture.

Le prophète est déçu par les rois de Jérusalem (surtout Ézékias - 716-687). La belle plantation semée par le roi David se trouve réduite à l'état de souche. Mais Dieu promet un rejeton plein de vie, il fera surgir un nouveau David qui gouvernera comme Dieu lui-même, sans juger “d'après les apparences” trompeuses. Il combattra pour la justice. Et cette justice favorisera, avant tout, l'opprimé : “le loup habitera avec l’agneau ; le léopard sera près du chevreau”… Autrement dit, les bêtes féroces se calmeront pour que vivent en paix les animaux sans défense. Toute méchanceté aura disparu, car, grâce à l'exemple de ce roi, tous auront “la connaissance” de ce que le Seigneur propose aux hommes pour qu'ils soient heureux.

Tel est aussi “le Royaume des cieux” annoncé par le Baptiste et par les Evangiles ; telle est l'espérance dont témoigne l'Église quand elle abolit ses propres divisions, aujourd'hui comme hier, ce à quoi fait allusion St Paul (2de lecture).

En effet, les chrétiens de Rome venaient les uns du judaïsme, les autres du paganisme, ce qui ne facilitait pas l'unité. Paul leur rappelle longuement qu'il n'y a pas de différence entre eux. Tous, en effet, nous sommes sauvés par l'amour gratuit de Dieu, et non par l'étalage de nos mérites, de nos origines. “Accueillez-vous les uns les autres”, dit-il. Les païens se rappelleront que le Christ s'est mis au service de ses frères juifs. Les Juifs reconnaîtront que le Christ accueille aussi les païens, pour que Dieu devienne le Dieu de tous les hommes.
En ce temps de l'Avent, sachons exprimer ces mêmes espérances, malgré, parfois, nos divergences, voire nos divisions. C'est l'écoute de la Parole de Dieu qui peut surmonter nos différences.

Remarquons enfin que l’évangile de St Matthieu, écrit par un Juif principalement pour des Juifs et qui transmet le message de Jean Baptiste avec la dureté de ses paroles, la sévérité de ses jugements, l’exigence de ses appels à la conversion, soulignera aussi, à sa manière, cet universalisme du salut proposé par le Christ.
C’est toute la Judée qui vient à Jean-Baptiste, tandis que le ministère de Jésus, lui, paraîtra en Galilée, terre où se mêlent Juifs et païens, "pays de Zabulon, Galilée des nations" (Cf. Mth 4.13).
Matthieu évoque bien, autour de Jean, les courants les plus influents du Judaïsme de l’époque ; mais il souligne en même temps l’universalisme du message du Christ. Etre descendant d'Abraham, dira Jésus en quelque sorte, ne constitue pas un billet gratuit pour obtenir le salut (Cf. Mth 3.9). Le jugement de Dieu mettra à égalité tous les hommes selon qu'ils auront ou non produit “le fruit de la conversion".

Le message de Jean est logique, correct. Si nous aimons Dieu, nous lui donnons le droit de juger notre comportement.

Mais Jésus rompra cependant avec la grande sévérité du Baptiste : l'accès au Royaume des cieux n'est rien d'autre que le chemin des Béatitudes. "Bienheureux les pauvres de cœur..., les doux..., ceux qui pleurent..., ceux qui ont faim et soif de justice..., les cœurs purs..., ceux qui font œuvre de paix..., ...et lez persécutés...!". C’est sur ce chemin des "Béatitudes" que notre conversion doit s’accomplir : “Convertissez-vous, car le Royaume de Dieu est tout proche !”

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