mercredi 18 décembre 2013

Continuité et dépassement

Avent 18 Décembre  -       (Jér. 23.5sv - Math. 1.18 sv)

L’Evangile que nous venons d’entendre prend la suite de celui que nous avons entendu hier. Il est tiré du prologue de St Matthieu, ce “bon scribe“ qui, à la charnière de l’Ancien et du Nouveau Testament, montre magnifiquement son talent de "bon scribe", ce scribe qui, aux dires de Notre Seigneur (Mth 13.52), “tire de son trésor de l’ancien et du nouveau“. Il semble bien qu'en rapportant cette expression de Notre Seigneur, St Mathieu signe, là, en quelque sorte, l'écrit de son évangile.

De l’ancien et du nouveau ! Aussi Matthieu va-t-il continuer à nous parler de cette pédagogie divine qui se manifeste principalement à travers toutes les "crises" de l'Histoire Sainte, en soulignant toujours ce paradoxe de continuité (d’ancien) et de dépassement (de nouveau).
Je crois que St Matthieu est l'"expert" de la véritable tradition. Il regarde bien le passé, mais pour mieux envisager l'avenir avec Dieu qui, lui, ne se répète jamais. La tradition n'est pas une répétition méticuleuse du passé en lequel on risque trop de s'enfermer immanquablement et stérilement. La tradition, avec St Matthieu, c'est avoir, si je puis dire, un pied dans le passé pour mieux lancer l'autre pied vers le futur en lequel "Dieu fait toujours toutes choses nouvelles", comme dit le livre de l'Apocalypse (Apc. 21.5), Dieu étant à la fois "l'alpha et l'oméga" de l'histoire !

Ce paradoxe de la pédagogie divine atteint maintenant son maximum, "à la plénitude des temps", en ce temps de l’Incarnation du Fils de Dieu !

Hier, avec la généalogie qui résume toute l’Histoire, St Matthieu mettait l’accent sur la continuité : “Généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham. La généalogie aboutissait à Joseph, époux de Marie "de qui est né Jésus que l’on appelle le Messie“.

Aujourd’hui, il met l’accent sur le dépassement, la naissance miraculeuse avec l’action de l’Esprit Saint,
- cet Esprit qui couvrait l’Arche d’Alliance avant que ne la remplisse la Gloire de Dieu,
- cet Esprit Saint qui planait, comme un aigle, sur le peuple élu au cours de sa longue marche au désert,
- ce même Esprit qui planait au dessus des eaux, lors de la création du monde, au début de la Genèse.
C’est maintenant l’heure d’une nouvelle Création !

En ce sens, on peut rapprocher deux textes de l'A.T. :
Gen. 1.2 : “Le souffle de Dieu planait à la surface des eaux !“.
Dt 32.11 : Car l'apanage du SEIGNEUR, c'est son peuple…  Il le rencontre au pays du désert... il l'entoure, l'instruit, veille sur lui…  Il est comme l'aigle qui plane au-dessus de ses petits, déploie toute son envergure, les prend et les porte sur ses ailes.

Dépassement-Continuité !  Continuité-Dépassement ! Tel est le talent de Matthieu qui "tire de son trésor du neuf et de l’Ancien" !

Son récit est très différent de celui que fait St Luc. Mais la différence même des traditions auxquelles ils se réfèrent, l’un et l’autre, milite en faveur de l’authenticité et de la véracité de l’évènement qu’ils relatent et qui est le même.

La lecture tirée de Jérémie parle finalement de ce même paradoxe de la pédagogie divine, en évoquant une naissance quasi miraculeuse - un germe que Dieu donne à David - ; Jérémie en parle en termes de fécondité, ce que Matthieu va relater “à la plénitude des temps !“ au sujet de Jésus : “Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je donnerai à David un Germe juste. On le nommera : “Le Seigneur est notre justice !“. Le Messie - Jésus - sera notre "justice", notre "justification" !

Dans la tradition juive, le Seigneur détient trois clefs qu’il ne donne à personne :
- la clef du tombeau, car il “a les issues de la mort“ : "Les portes de la mort sont à Dieu, le Seigneur !" (Ps 48. 21).
- la clef des nuages qui donnent la pluie et fécondent la terre ;
- la clef du sein maternel. Rappelons-nous la réponse de Jacob à Rachel qu'il aime mais qui se plaint auprès de lui de n'avoir pas d'enfant : "Suis-je, moi, à la place de Dieu, Lui qui n'a pas permis à ton sein de porter son fruit ?" (Gen 30.2).

C’est dans cette dernière forme de fécondité, par les naissances miraculeuses qui jalonnent l’Histoire Sainte depuis la naissance d’Isaac, que Dieu manifeste davantage sa capacité de faire des “merveilles“ - "Le Tout-Puissant a fait pour moi des merveilles !", dira Notre Dame -. La lecture de demain nous le rappellera également en racontant la naissance de Samson ! On appelle Dieu, quand il est à l’origine de ces naissances miraculeuses : “El Shaddaï“. - “Shad - Shaddaïm“ évoquent en hébreu le sein maternel.

Et nombre de libérations que le “Dieu des délivrances“ fait surgir dans l’Histoire Sainte sont le fruit d’une naissance miraculeuse. A bien plus forte raison la naissance de celui qui, “à la plénitude des temps“, sera à l’origine de la grande libération qui délivrera l’humanité toute entière de l’esclavage de la mort et du péché. “Quand vint la plénitude des temps, dira St Paul, Dieu envoya son Fils né d’une femme“. (Gal 4.4).

Et au “langage de la fécondité“ succède donc comme naturellement et immédiatement “le langage des délivrances“. L’exode qu’évoque Jérémie n’est pas seulement la sortie de l’esclavage de l’Egypte ; il est devenu le retour de tous les exils où nous sommes dans les terres lointaines de la dissemblance d’avec Dieu, nous qui sommes pourtant créés “à l’image et à la ressemblance de Dieu“ ! - “Oui, des jours viennent - oracle du Seigneur - où l'on ne dira plus : "Vivant est le Seigneur qui a fait monter les Israélites du pays d'Egypte !", mais plutôt : "Vivant est le Seigneur qui a fait monter, qui a amené la descendance des gens d'Israël du pays du nord et de tous les pays où je les ai dispersés, pour qu’ils s'installent sur leur sol !“.

La fécondité dont seul Dieu est le Maître est le retour de toutes les aliénations dont nous sommes victimes ! C’est ce qui caractérise les attentes de cette période de l’Avent et particulièrement au cours de cette neuvaine qui précède Noël. Oui, à Noël, on chantera déjà notre délivrance !

Et avec raison, vous chantez en ce temps de l'Avent, avec Isaïe (45.8) : “Cieux, de là-haut répandez comme une rosée ; et que les nuées fassent ruisseler la justice ; que la terre s'ouvre, que s'épanouisse le salut, que la justice germe en même temps ! C'est moi, le Seigneur, qui ai créé cet homme !“.  Cet homme - Dieu fait homme - qui est venu nous ramener de tous nos exils vers la maison du Père !

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