dimanche 28 octobre 2012

Voir !


30ème Dim. T.O. 12/B             (Mc 10.46sv)

 Vous avez certainement bien entendu ! 
St Marc nous présente un homme. Il nous rappelle son nom, son prénom, sa famille, son adresse. C'est Bartimée, le fils de Timée. Il habite Jéricho. Il est là au bord de la route, à la sortie de la ville. Il est immobile, à l'écart de la circulation. Car c'est un aveugle. Et il tend la main. C'est donc aussi un mendiant.
Or Jésus vient à passer et vous savez la suite...

C’est vrai : Bartimée est un des privilégiés que Jésus a guéris : “Que veux-tu que je fasse pour toi ?”. – “Seigneur, que je voie”. – “Va, ta foi t'a sauvé !”.

Il me semble entendre certaines réflexions : “Un miracle, et après : qu'est-ce que cela change pour nous ? Un aveugle a été guéri par Jésus à Jéricho, il y a 2000 ans ! Tant mieux pour lui ! Mais en quoi cela nous concerne-t-il ?”.

Et ces réflexions se conjuguent avec bien des réactions quand on lit dans les journaux, qu’on écoute à la radio, qu’on regarde à la télévision les actualités si souvent assombries par des nouvelles, des images sinistres, parfois terrifiantes.
Et voilà qu’à l’église, on nous raconte une histoire qui finit bien, mais pour un aveugle d'autrefois. On ferait mieux de parler de sujets plus actuels, parler de la vie d'aujourd'hui ! Sans doute !

Et si cet évangile justement parlait de nous ? Car Bartimée, c'est moi, c'est vous, c'est chacun de nous. Prenons le temps d'écouter, car c'est quand même Dieu qui nous parle ici. 

Il est question d'un aveugle...
Mais cet aveugle, c'est nous. C'est chacun de nous. C'est notre monde qui marche à l'aveuglette C’est l’humanité enténébrée. Reconnaissons-le...  Nous sommes si souvent aveugles qu’il nous arrive de dire : “Je ne sais plus où j'en suis... Je suis désorienté... Je ne vois pas clair” ... Ou bien, par rapport à la foi elle-même : “Je suis dans le brouillard ... Je suis un peu perdu”. – Et puis de cet état déjà sinistre, il y a encore cette constatation : “Il y a des gens que je ne veux même plus voir !”. Que d'aveuglements, finalement !

Il est question d'un mendiant...
Eh bien ! Le mendiant, c'est nous, … et peut-être pas assez finalement. Je veux dire que cette mendicité, il faut nous la souhaiter, car elle se résume à être ouvert, disponible, à tendre la main ou à prendre la main que l'on nous tend pour voir plus clair ! 

Il est question d'une rumeur...
Bartimée entend une rumeur, une foule qui piétine. “Qui est-ce?”. -  “C'est Jésus de Nazareth !”. Quand il apprend que c'est Jésus qui passe, il a envie de s'approcher. Il jette son manteau derrière lui et il s'élance.

Aujourd'hui encore, Jésus passe sur nos routes. Il faut entendre la rumeur autour de lui ! Jésus passe ! La rumeur s'entend, mais où donc ? Partout où Jésus est annoncé. Partout où il est célébré. Partout où des gens se rassemblent pour l'écouter, pour parler de Lui !

Et n’est-ce pas là, en cette année de la foi, notre responsabilité de faire entendre la rumeur de Jésus qui passe, la faire entendre à ceux et celles qui sont près de nous !

Une église paroissiale, une maison de prière, un prieuré ne doivent-ils pas être des lieux de rumeurs, de cette rumeur de Jésus qui passe, qui veut passer ?

Et pour ceux qui célèbrent un baptême, un mariage ou autre instant religieux, ne doivent-ils pas, avant tout, faire entendre la rumeur de Jésus qui passe ?

Et ceux qui s’engagent d’une manière ou d’une autre à la suite du Christ, dans diverses activités, ne font-ils pas entendre la rumeur de Jésus qui passe ?

Le Synode des évêques à Rome n’a-t-il pas été finalement une rumeur de Jésus qui passe en notre monde. L’entendons-nous cette rumeur ? Et dans cette “rumeur“, les Pères du Synode, dans leur discours de clôture, indique que la première expression de la vie de la foi, c’est “le don et l'expérience de la contemplation. C'est seulement avec un regard d’adoration sur le mystère de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit que peut jaillir un témoignage crédible pour le monde“. Et ils expriment leur gratitude “pour tous ceux qui, hommes et femmes, consacrent leur vie à la prière et à la contemplation dans les monastères et les ermitages“. - “Etre rumeurs de Dieu“, c’est un devoir pour tous !

Oui, Jésus passe ! La rumeur doit s’entendre. Pour nous qui, ce matin, venons participer à l’Eucharistie, Jésus ne passe-t-il pas ? Il y a toute une rumeur de paroles, de chants… !

Oui, Jésus désire toujours “être avec“, avec les hommes de notre temps. A nous de faire rumeur de son passage, d’une manière ou d’une autre ! En cette "année de la Foi !

Chacun pourrait dire les passages de Jésus dans sa vie et avouer aussi les passages manqués par négligence ou désintérêt.  Il est vrai que, comme pour Bartimée, il se trouve toujours des gens, des circonstances aussi, pour nous décourager, nous dissuader, nous dire que ce passage et cette rumeur sont inutiles, voire irréels !

Mais remarquons-le bien :
malgré les obstacles
... en dépit de ceux qui voulaient le faire taire,
Bartimée s'est jeté aux pieds de Jésus et a lancé ce cri de confiance : “Prends pitié de moi... Seigneur fais que je voie.”. Et pour lui commence l'aventure de la foi que St Marc résume en disant : “il se mit à suivre Jésus !“. C'est la définition de tout disciple, celui qui marche à la suite de Jésus.

Ayons, ce matin, la simplicité confiante de Bartimée en acceptant de crier nous aussi :
- notre désir de voir,
- notre désir de voir la réalité du monde à la lumière de l'évangile,
- notre désir de voir les réalités de notre vie comme Dieu les voit,
- notre désir de voir ceux et celles qui nous entourent avec le regard de Jésus
- “Seigneur, fais que je voie !“.

Cela peut tout changer car, de la qualité de notre regard, dépend la qualité de notre cœur.

Aussi, je terminerai par une anecdote qui pourrait s'intituler : ”L’histoire d'un regard”. Une anecdote qui dira mieux que tous les discours combien il est important :
- d'avoir les yeux ouverts,
- de voir avec le cœur,
- d'emprunter le regard d'amour de Jésus.

C'était dans le train Nantes-Paris. Un homme est près de son fils. Le petit garçon se gifle sans arrêt. Toutes les trois minutes, il lance un cri d'angoisse, difficile à supporter. Le père s'occupe de son enfant qui est donc handicapé mental profond, avec une grande tendresse ; mais dans son regard on peut lire la douleur et la lassitude.

Voilà un arrêt ! Quelques grands jeunes - quelque peu bruyants -  montent et s'installent pas très loin de l’enfant et de son père un peu isolés. Le petit garçon, à leur vue, reste un instant calme, puis recommence sa plainte gémissante. L'un des jeunes se lève et vient s'asseoir en face du petit. Il prend ses mains dans les siennes et le regarde dans les yeux. Aussitôt un échange s'établit. Jusqu'à Paris, il restera près du petit, prenant la relève du père qui le regarde avec gratitude.

A Montparnasse, les deux hommes se serrent longuement la main, échangeant peu de mots, puis se perdent, chacun de son côté, dans la foule anonyme…

Aucune parole… mais un regard seulement…

Voir ou ne pas voir ! De la qualité de notre regard dépend la qualité de notre cœur. “Seigneur fais que je voie !”.

Aucun commentaire: