mardi 23 octobre 2012

Eloignement devenant proximité !


29 T.O. Mardi 12/B   -   (Eph. 2.12-22)

L’épître aux Ephésiens est l’un des textes les plus difficiles du Nouveau Testament. Considérée comme le “waterloo“ des exégètes, elle fut l’objet de bien des débats contradictoires au cours des siècles, au point qu’on s’est demandé si elle était de St Paul ! Elle paraît, en effet, étrangère au corpus paulinien à cause des développements inédits sur le Christ, sur l’Eglise, sur les rapports entre Juifs et chrétiens, sur l’eschatologie, alors même que bien d’autres thèmes dépendent de la pensée de St Paul. Une lettre cependant si riche qu’elle rivalise avec celle adressée aux Romains comme ayant exercé une très forte influence sur la pensée et la spiritualité chrétiennes.

Après une adresse et une bénédiction - car en Israël, on ne peut rien faire sans bénir Dieu ! -, la lettre entre dans un grand thème d’actualité, me semble-t-il, en notre “année de la foi“ : “la connaissance du Christ par l’Eglise !“.

Hier, Paul rappelait, en un raccourci saisissant (2.1-3) que l’humanité est “enfermée dans le péché“. Réflexion non point métaphysique recherchant l’origine du mal, mais simple réflexion qui veut souligner que l’humanité est dans une situation de mort. N’est-ce pas encore actuel selon les propos du Cal de New-York, président du synode romain, en son discours d’ouverture ?

En cet état, disait St Paul, causé autant par le péché que par suite de la fragilité humaine, nous sommes soumis aux “désirs de la chair“, ce mot exprimant la “fermeture sur soi“ (c’est toujours d’actualité !), et, de ce fait, la résistance à l’Esprit ! C’est toujours corrélatif !
“Nous sommes, nous tous, dit Paul, voués, par nature, à la colère… !“.
Cet anthropomorphisme de “la colère“ permet à l’homme d’imaginer la réaction inévitable de Dieu face au péché qui détruit l’homme et avec lequel Dieu est incompatible.
Cela ne veut pas dire que toute l’humanité est réprouvée, mais pour Dieu elle est regardée “comme enfermée dans la désobéissance“ (Rm 11.32), l’homme étant incapable de s’ajuster à Dieu (un des thèmes des épitres aux Galates et aux Romains). (N.B. : On le sait, ces réflexions furent  utilisées comme fondements du dogme du péché originel)

Face à cette situation, Dieu agit avec efficacité. Son action est commandée par ce qu’il est : non seulement “Miséricordieux“, mais “riche en miséricorde“, à cause de son grand amour ! C’est ce qu’ont rappelé certains évêques du Synode, face à la tentation de vouloir tout “institutionnaliser“ en vue de l’évangélisation. Ce n’est plus d’actualité, notre société n’étant plus chrétienne ! Il faut être avant tout des chrétiens qui témoignent, par nos actes et nos paroles éventuellement, que notre Dieu est un Dieu d’amour qui, dit St Paul, “vivifie ensemble“, ressuscite ensemble“, “fait asseoir ensemble“. Il ressuscite ensemble par le Christ, car l’opposition de l’humanité à Dieu est si profonde qu’il faut, pour la dépasser, l’énergie que Dieu a mise, par son Esprit, pour ressusciter le Christ d’entre les morts. Or, la résurrection du Christ peut devenir spirituellement nôtre ! C’est cela qu’il faut avant tout proclamer : Oui, le Christ est ressuscité ! Ce fut le “kérygme“, la première proclamation des apôtres, ne l’oublions pas !

Et ce salut dans le Christ est donné gratuitement, durablement, totalement. Mais il ne peut être reçu que “dans la foi“, réponse à l’initiative divine. Que “l’année de la foi“ nous soit donc profitable !

Et aujourd’hui, dans notre lecture, Paul invite les Nations à faire mémoire de leur état “dans la chair“, elles qui, n’appartenant pas au peuple élu, Israël, sont “sans Messie“, totalement étrangères à la première Alliance et à ses promesses. Elles ignorent donc l’espérance que le Christ seul a pouvoir de révéler parce qu’il est lui-même “Espérance“ (Cf. Rm 4.18 ; I Thes. 4.13). Elles sont “sans Dieu“, et même de ce Dieu d’Israël qu’elles ignorent !

Mais cela est du passé ! Il n’en est plus ainsi ! Désormais, il y a un avenir : “vous les éloignés de jadis, dit St Paul, vous êtes devenus proches par le sang du Christ !“. Avec le Christ, la distance devient proximité.
Les termes “loin“ et “proche“ sont empruntés à Isaïe (57.19), cité peu après. Le prophète proclamait la paix à tout Israël : à ceux qui étaient “loin“, exilés à Babylone ; et à ceux qui étaient “proches“ de Jérusalem. Mais Paul réinterprète ce texte, montrant que la promesse faite à Israël qui, dans la paix et l’unité retrouvées, devait attirer toutes les Nations vers Jérusalem, dans un élan de conversion au Dieu Unique (Cf ch. 60sv), est désormais accomplie d’une manière inattendue et d’une façon “double“, si je puis dire.

C’est par le sang de la croix que le Christ est notre “Paix“ ! Paix pour tous !

-  Paix d’abord entre Juifs et Nations ; des deux, il en a fait un seul peuple ; Israël et les Nations ne sont plus deux entités qui  s’opposent mais qui sont unies l’une à l’autre pour former un tout. Autrement dit, cette union est une réconciliation de l’humanité tout entière, une refonte religieuse dans l’unité, par le Christ qui est “notre Paix“ à nous tous ! (N’est pas là l’esprit œcuménique dont témoigna le pape Jean-Paul II à Assise ?).

Mais il faut bien noter que cette unité résulte d’une destruction : le Christ “abat une barrière, un mur de séparation“. Cette barrière évoque, semble-t-il, la clôture réelle dont parle Flavius Josèphe dans sa description du temple, clôture qui interdisait l’accès au Temple aux non-Juifs, sous peine de mort (Malheureusement, il y a toujours des barrières de ce genre !). Pensant peut-être également au voile du temple qui se déchire à la mort du Christ en croix, St Paul affirme que le Christ a fait tomber la “haine“ entre Juifs et les Nations. Et il l’a fait en supprimant la Loi avec ses commandements et ses interdits, ses observances si ridiculement rituelles… Le Christ, en abolissant  “dans et par sa chair“ le “mur de séparation“ a réduit à rien la Loi. Et c’est ainsi qu’est supprimé l’obstacle qui empêchait les Nations d’avoir accès au temple, de s’approcher de Dieu. Puissions-nous, en cette année de la foi, ne pas faire obstacle à tout homme qui cherche Dieu, ne serait-ce qu’en l’ignorant !

- C’est ainsi que le Christ est encore “Paix“, “en créant en lui un seul Homme nouveau“. Et cet “Homme nouveau“ que le Christ crée en lui est tout à la fois le Christ lui-même, “Verbe de Dieu fait chair“, et toute l’humanité qui résulte de ce qu’il est. C’est une création nouvelle ! Le Christ réconcilie les deux composantes de l’humanité “en un seul corps“. Et le mot “corps“ dans l’épitre aux Ephésiens est toujours appliqué à l’Eglise.

Ainsi donc la paix ainsi introduite au sein de l’humanité est liée à la mort de la haine !
+ Le Christ fait disparaître le motif de la haine en détruisant le mur de séparation, en annulant la Loi
+ le Christ, en sa mort, a subi la haine, il l’a prise sur lui, il s’en est chargé pour la clouer sur la croix ! 

Alors oui ! La paix et la réconciliation ouvrent désormais “le libre accès auprès du Père“ pour tous…
Ainsi, l’humanité tout entière, étant créée dans le Christ, peut bénéficier d’un accès auprès du Père ; elle n’est plus “étrangère“ à Dieu ; elle devient membre de la famille de Dieu ; elle est intégrée “dans la construction qui a pour fondement les apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ lui-même !“

Alors nous sachons reconnaître désormais notre vocation : être “demeure de Dieu dans l’Esprit“ !

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