mercredi 24 octobre 2012

L'Eglise !


29 T.O. Mercredi 12/B       -      -   (Eph. 23.2-12)

Le verset qui précède notre lecture décrit la condition de Paul : “Moi, Paul, prisonnier du Christ… !“. Le terme “prisonnier“, qui évoque certainement une situation historique, réelle, donne lieu ici, cependant, à une interprétation métaphorique (le terme étant suivi du génitif) : Paul est prisonnier du Christ parce qu’il appartient au Christ (génitif de possession), ou encore : il est prisonnier par amour du Christ (génitif objectif). C’est un titre que Paul revendique ! Osons-nous nous revêtir de cette même qualification ? Par notre baptême, par notre profession religieuse, ne devons-nous pas être “du Christ“, “au Christ“ ?

Et cette situation de “prisonnier“ est loin, paradoxalement, d’être inopérante : “Prisonnier du Christ pour vous, les Nations !, dit l’apôtre. Avons-nous cette dimension universelle ? Avons-nous suffisamment conscience que notre vie de baptisé, loin d’être “repliement sur soi“ (“selon la chair“, disait l’apôtre) doit être éminemment apostolique, comme je l’ai suggéré dimanche dernier en rappelant la belle expression d’Edith Stein : “Etre devant Dieu pour tous !. Pour tous… !

Car il y a un mystère qui parait invraisemblable mais que Paul veut révéler :
- c’est le mystère du Christ dont il a déjà parlé,
- ce mystère dont il a “l’intelligence par révélation“,
- ce mystère qui proclame que l’ensemble des croyants fait désormais partie d’un même groupe, d’un même “corps“, le “Corps du Christ“,
- ce mystère, aussi étonnant qu’imprévisible, qui est qualifié de “création“ ! 
(la création n’étant pas regardée ici dans sa dimension horizontale - l’origine du monde -, mais bien plutôt dans sa dimension “transcendantale“, verticale : tout fut créé, tout est créé par le Verbe, dira St Jean !).

Pour exprimer le caractère inouï de ce mystère, Paul oppose ce temps de jadis où tous les hommes sans exception ignoraient ce mystère, et ce temps actuel - maintenant - où certains (les apôtres, les prophètes) connaissent ce mystère par révélation et reçoivent mission de l’annoncer, le proclamer !
Par ce mystère - St Paul le souligne encore -, les païens sont “co-héritiers“, “co-incorporés“, “co-bénéficiaires“ de la promesse faite à Abraham et accomplie en Jésus-Christ. C’est un point absolument essentiel pour l’apôtre. Il venait déjà d’écrire : Dieu, “riche en miséricorde“, est un Dieu qui “vivifie ensemble“ (ou avec), qui “ressuscite ensemble“ (ou avec), qui “fait asseoir ensemble“ (ou avec)…,  de sorte que tous les croyants, par la foi, deviennent “Corps du Christ“ !

Une telle réalité, inconcevable pour l’homme, ne peut relever que de l’initiative divine dans le Christ ! C’est ainsi que l’extraordinaire nouveauté qu’on appelle, trop communément peut-être, “Eglise“ ne peut être que qualifiée de “mystère“ !
Tout en évitant le terme de “peuple“ (terme que l’apôtre n’emploie pas pour parler de l’Eglise),  St Paul s’attarde sur cette nouveauté inattendue qu’est le “groupe des croyants“ : les chrétiens, issus des nations païennes, constituent au même titre que ceux issus d’Israël, le “Corps du Christ“, de sorte qu’on ne peut annoncer désormais le Christ sans annoncer et proclamer en même temps le “Corps“, le “corps des croyants“, l’Eglise, objet de la même foi ! Bossuet avait bien raison : “L’Eglise, c’est Jésus-Christ, mais Jésus-Christ répandu et communiqué !“.

Aussi, Paul est heureux d’être devenu serviteur (ou ministre) de cette Bonne Nouvelle“, selon, dit-il “le don de la grâce de Dieu qui m’a été donné !“. Cette fonction de “serviteur“, de “ministre“ est un présent royal constitutif du service de l’Evangile qui se déploie selon l’énergie de la puissance de Dieu. Cette expression rappelle celle que l’apôtre emploie dans sa lettre aux Colossiens (1.29) : “Je me fatigue à lutter, avec son énergie (de Dieu) qui agit en moi avec puissance !“, cette énergie divine qui est de même nature que celle qui a arraché le Christ de la mort (Cf. Col 2.12 ; Eph. 1.19-20).

On ne peut pas ne pas remarquer que ce vocabulaire de “puissance“ contraste avec la protestation de faiblesse qui suit : “à moi, le moindre de tous les saints“.
Cette expression que l’on retrouve par ailleurs (Col 15.9 ; I Tim. 1.13) qui peut décrire la situation de Paul dans la Communauté chrétienne, évoque surtout le persécuteur de jadis à qui est confiée désormais la tâche de l’annonce de l’Evangile aux païens !
Et, bien plus, cette fonction apostolique - dont personne n’est digne -  ne peut être exprimée que par des paradoxes. Ce qui peut paraître excessif dans l’expression (puissance divine - faiblesse humaine) révèle non pas tant un état psychologique chez St Paul (comme l’interprétait St Augustin), que la force immense de Dieu à l’œuvre dans le cœur de l’apôtre et, par lui, dans le monde ! Dieu agit par les pauvres moyens que nous sommes ; et il agit toujours avec puissance divine !

Oui, il est grand le mystère de la foi ! Il est grand le mystère de l’Eglise !

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