lundi 15 octobre 2012

Liberté !


28 T.O. Lundi 12/B           (Gal 4.22..5.1)

Même si St Paul a été en quelque sorte très sévère avec les Galates, il s’est laissé aller cependant à exprimer son affection envers eux en rappelant notamment leur accueil généreux d’autrefois, à son égard. C’était juste avant le passage que la liturgie nous faire lire aujourd’hui. Mais aussitôt Paul reprend son argumentation interrompue par l’effusion de son cœur !

L’argument le plus puissant des Juifs, celui qui paraissait s’appuyer sur l’Ecriture elle-même, c’était - on le sait - la perpétuité de la Loi ! St Paul a déjà répondu à cet argument en comparant la Loi à un “pédagogue“, un “surveillant“ chargé de nous conduire à Celui en qui se sont réalisées les promesses faites à Abraham ! La Loi est simplement une institution temporaire mise en jeu par Dieu-Père et qui devait disparaître à l’arrivée du Fils Unique, le Fils de Dieu !

L’argument paraissait décisif. Mais l’apôtre a pensé qu’il serait à propos de chercher, pour son affirmation, un point d’appui dans l’Ecriture elle-même.

Et il va chercher les figures du fils de la servante qu’était Agar et celle du fils de la femme libre qu’était Sara qui enfanta ensuite, selon la promesse divine ! C’est une “allégorie“ (1), dit-il ! Ces deux femmes qui ont eu des positions successives par rapport à la promesse faite à Abraham représentent ces deux dispositions prises successivement par Dieu pour réaliser son plan de salut en faveur de l’humanité. La première est imparfaite, celle des serviteurs ; la seconde est parfaite, celles des fils. Ainsi la solution s’impose : la moins parfaite doit céder la place à l’autre !

St Paul ne dit pas : puisque Sara représente la nouvelle Alliance, vous êtes donc libres. Il dit plutôt : entre Sara et l’Eglise, il y a cette ressemblance qu’elles sont mères de fils libres enfantés selon la promesse de Dieu et ainsi assurés de ses bénédictions. Le Judaïsme étant une religion de crainte, une religion d’esclaves, Il est évident qu’il doit céder la place à la religion des fils.

Vous en voulez une preuve, ajoute encore l’apôtre dans un paragraphe que le texte liturgique n’a pas retenu ? Que dit l’Ecriture ? Et Paul de s’en reporter à un épisode peu glorieux pour Sara qui oblige Abraham à chasser sa servante avec son enfant Ismaël. Mais peu importe de l’aspect moral - là n’est pas le sujet pour le moment -. La raison de ce geste peu honorable est à transposée : “Il ne faut pas que le fils de la servante hérite avec le fils de la femme libre“. Car les deux fils ne peuvent coexister ensemble, c’est-à-dire les deux Alliances ne peuvent coexister ensemble, l’une ayant seulement préparée l’autre ! Désormais, la nouvelle Alliance est la seule qui compte auprès de Dieu !

Etre fils d’Abraham selon la chair (2) comme le fils d’Agar, laisse l’homme dans la servitude qui caractérise l’ancienne Alliance.   -  Etre fils d’Abraham selon l’Esprit comme Isaac, libère l’homme et lui donne accès à la Jérusalem qui vient d’en haut, au Royaume qui est l’héritage promis.

L’homme moderne dira non sans raison : ce sont là arguties bien rabbiniques, peu convaincantes pour nos contemporains. Bien sûr ! Mais on ne peut reprocher à l’ancien élève de Gamaliel d’être parfaitement de son temps et de sa race !


Cependant, St Paul propose une conclusion qui traverse les temps et les espaces : “Si le Christ nous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres !“. Et il dira un peu plus loin : “Tous, vous avez été appelés à la liberté. Seulement que cette liberté ne donne aucune prise à la chair ! Mais par l’amour, mettez-vous au service les uns des autres “ (5.13).  

Oui, une grande question se pose toujours ! Qu’est-ce que la liberté et comment l’exercer ? De tout temps, la liberté a été le rêve de l'humanité, dès le début, mais particulièrement à l'époque moderne. Nous savons que Luther, par exemple, s'est inspiré du texte de la Lettre aux Galates pour conclure que la Règle monastique, la hiérarchie et le magistère lui apparaissaient comme un lien d'esclavage dont il fallait se libérer. Par la suite, la période du “siècle des Lumières“ a été totalement guidée, pénétrée par ce désir de liberté, que l'on considérait avoir finalement atteint. Mais le marxisme s'est lui aussi présenté comme la voie vers la liberté !

Comment pouvons-nous donc être libres ? St Paul nous aide à comprendre cette réalité compliquée et complexe. Il dit : “Que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair ; mais par la charité, mettez-vous au service les uns des autres“. “La chair“, dans le langage biblique, est l'expression du “Moi“ rendu absolu, qui veut être tout et prendre tout "pour soi". Le “Moi absolu“, qui ne dépend de rien ni de personne, semble posséder réellement, en définitive, la liberté. Je suis libre si je ne dépends de personne, si je peux faire tout ce que je veux. Mais ce "Moi" rendu absolu est précisément “chair“, c'est-à-dire dégradation de l'homme, échec de la liberté. On le sait par trop d’expériences malheureuses !

Alors Paul ose proposer un paradoxe : “Par la charité, mettez-vous au service“, c'est-à-dire que la liberté se réalise paradoxalement à travers le service ; nous devenons libres, si nous devenons serviteurs les uns des autres. Ainsi, Paul place tout le problème de la liberté à la lumière de la vérité de l'homme. Se réduire “à la chair“, en s'élevant en apparence au rang de divinité - “Moi seul suis l'homme“ - introduit au mensonge. Car en réalité, il n'en est pas ainsi : l'homme n'est pas un absolu, comme si le “Moi“ pouvait s'isoler et se comporter selon sa propre volonté. Cela est contre la vérité de notre être.

Notre vérité est que nous sommes avant tout des créatures, des créatures de Dieu et que nous vivons dans la relation avec le Créateur.
Nous sommes des êtres relationnels !
Ce n'est qu'en acceptant notre nature relationnelle que nous entrons dans la vérité, une vérité qui rend libre, sinon nous tombons dans le mensonge et en lui, à la fin, nous nous détruisons.

La liberté, disait le pape Jean-Paul II, est la mesure de l'amour dont nous sommes capables“.

(1) Ou plutôt un “type“, le “type“ étant en littérature le reflet d’une réalité non encore totalement dévoilée, révélée 
(2) “Selon la chair“ : en l’occurrence, selon les lois ordinaire de la nature (Rm 7.5sv), sans une intervention spéciale de Dieu pour réaliser sa promesse

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