dimanche 8 avril 2012

Ressuscités avec le Christ !

Paques 2012

Dimanche dernier, nous entendions le récit de la passion de Notre Seigneur, Jésus Christ ; il se terminait par sa mort et son ensevelissement.

Cette semaine, nous avons revécu, l'un après l'autre, les derniers moments de la vie de Jésus ici bas. Cette mort est certaine ; elle est tellement évidente qu'aussitôt le shabbat écoulé, "à la pointe de l'aurore", trois femmes se rendent à la tombe avec des aromates afin de terminer un embaumement qui, faute de temps, n'avait pu être achevé.

Mais aussitôt arrivées, c'est la stupéfaction : le corps a disparu. Et de la bouche de deux hommes aux vêtements éblouissants, elles entendent cette nouvelle qui depuis lors ne cesse de retentir pour chaque génération : "Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il est ressuscité !"

Bien sûr, on avait déjà entendu des histoires de résurrection. Jésus lui-même a ressuscité des morts : le fils de la veuve de Naïm, la fille de Jaïre, Lazare son ami. Mais ces ressuscités n'étaient, en réalité, que des réanimés. Ils avaient recommencé à vivre comme les autres, toujours soumis aux mêmes lois biologiques et destinés à mourir à nouveau. Ils n'étaient que des signes d'une autre résurrection, celle de Jésus que nous célébrons aujourd'hui.

A lire les récits évangéliques nous remarquons tout d'abord que Jésus se comporte comme un vivant tout à fait ordinaire, comme un homme normal : il parle, écoute, interpelle ceux qu'il rencontre, mange avec eux, leur propose même de palper ses plaies.

Mais sa vie est désormais très singulière : il peut agir comme s'il échappait à la condition humaine. Le temps, l’espace, l'opacité des corps ne comptent plus pour lui.

C'est que dans le Christ ressuscité se manifeste un être humain tout à fait nouveau, jamais rencontré encore. Il est à la fois homme et pur esprit. Il est tout à fait semblable à nous, et en même temps, tout à fait différent. Il atteint un état promis depuis longtemps, jamais réalisé encore. C'est l'état de l'homme "passé de ce monde à son Père", disait Jésus, …passé en la vie même de Dieu.

Tel est l'événement de la résurrection du Christ que nous fêtons, événement unique, mais qui bouleverse tout ! Jésus est le premier et le seul de toute notre histoire qui ait traversé la mort et soit redevenu vivant ; et il nous dit que le mort elle-même a un sens, qu'il ne faut pas la craindre en tant que telle, qu'elle est le passage - un passage difficile, parfois, certes -, mais un passage vers un état définitif, le début d'une nouvelle création ; c'est dans cette perspective que François d'Assise ne craint pas de l'appeler : "notre sœur la mort corporelle".

Avec le Christ, une nouvelle création commence. Est désormais réalisé ce que le prophète Isaïe annonçait : "Je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle", un lieu où la vie échappe à toute menace et devient inaltérable ; où l'amour n'y est plus imprégné d'ambiguïté ; où Dieu est vu face à face.

Et cette création nouvelle dont Jésus est le premier-né, nous pouvons l'expérimenter dès maintenant, car elle est une réalité actuelle. C'est tout le sens de notre baptême (de notre profession religieuse). Si Jésus est le premier-né de la nouvelle création, il n'est plus le seul. Tous les baptisés constituent dès maintenant cette nouvelle race d'hommes semblables au Christ. C'est là le rôle principal de l'Eglise : communiquer à tous les hommes l'Esprit du Christ ressuscité.

Ainsi tous les baptisés - et pensons tout particulièrement à celles et ceux de cette nuit pascale - ressemblent, en germe certes, mais réellement, au Christ ressuscité. Ils seront comme tous les hommes ; et, en même temps, ils seront différents. C’est là leur gloire et aussi leur mission, difficile parfois : vivre déjà comme le Christ ressuscité !

Semblables aux autres, ils vont vivre dans le monde ; parler, agir, travailler, souffrir et être heureux exactement comme les autres. Comme les autres et avec eux, ils iront collaborer à la domination de toute la création par l'homme et s'efforceront de construire un monde paisible et juste.

Mais à la différence des autres, ils ne seront pas enfermés dans le monde ; ils savent que ce monde n'est pas absurde comme le pensent certains, qu'il n'est pas non plus suffisant comme le disent les autres. Ils savent qu'il faut se plier aux lois de la création ; mais ils savent aussi que ce monde n'est pas définitif, qu'il n'est qu'une forme transitoire d'une réalité toujours en progression.

Et pour tous les baptisés, cette progression n'est pas ce que les hommes appellent habituellement évolution. Il s'agit d'autre chose que d'une logique physique ou biologique. Les croyants savent que le monde est travaillé par l'énergie du Christ ressuscité, qu'il est progressivement libéré des forces rebelles à l'Esprit de Dieu.

Les baptisés doivent témoigner de ce fait : la création est destinée à constituer le Royaume de Dieu, mais que cela ne peut se faire qu'au prix d'une gigantesque mutation que l'Apôtre St Paul appelle un "travail d'enfantement", enfantement qui commence au baptême, enfantement, mutation qui se fait en un double mouvement de destruction et de recréation.

Ainsi à la lumière de la Résurrection du Christ, nous comprenons ce qu'est un baptisé : c'est un homme qui accepte de vivre quotidiennement la mort et la résurrection du Seigneur, c'est-à-dire d'être simultanément détruit et reconstitué créature nouvelle.

Le baptisé doit révéler au monde que, destiné au Royaume de Dieu, il n'est pas fait pour durer ni simplement pour évoluer, mais pour se transformer dans une mort toujours active et grâce à une vie sans cesse renouvelée, sans cesse créée par Dieu, la vie de son Esprit qu’il nous donne. Et cela dès ici-bas. Déjà !

Le baptisé réalise ce destin dans la mesure où il le vit ; c'est dans la persévérance à construire en lui-même l'homme nouveau, à la ressemblance du Christ ressuscité, qu'il contribue à la progression du monde, à la réalisation du Royaume de Dieu !

C’est notre mission ! Le Christ ressuscité donne rendez-vous à ses amis en Galilée, ce “carrefour des nations“. Autrement dit, il nous demande à vivre dans le monde en ressuscités. Déjà et éternellement !

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