lundi 9 avril 2012

Lundi de Pâques 12 - Ac 2, 14... 32 - Mt 28, 8-15

Jadis le lundi de Pâques était dominé par la lecture du ch. 24ème de l’Evangile de St Luc, qui nous racontait ce qui s’était passé juste après la résurrection du Seigneur sur la route d’Emmaüs. Il nous faut attendre désormais mercredi prochain pour méditer ce magnifique évangile qu’il est si bon de reprendre chaque jour… Je me permets de vous y engager…, en prenant de plus en plus conscience que le Ressuscité du matin de Pâques nous accompagne sans cesse sur la route de notre vie !

Mais nous ne perdrons rien pour attendre. La nouvelle liturgie préfère nous faire entendre St Pierre. Complètement retourné par l’Esprit Saint, il proclame de manière intrépide ce qui est le noyau de la prédication chrétienne, ce qu’on appelle, chez les professeurs, le Kérygme, d’un mot grec qui veut dire la proclamation.
“Pierre prit la parole et dit d’une voix forte…. : « Hommes d'Israël, écoutez… ! Jésus le Nazôréen, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, prodiges et signes qu'il a opérés par lui au milieu de vous…, cet homme qui avait été livré selon le dessein et la préscience de Dieu, vous l'avez fait mourir en le clouant à la croix, mais Dieu l'a ressuscité, le délivrant des angoisses de la mort. Aussi bien n'était-il pas possible qu'il fût retenu en son pouvoir »“.

Pierre insiste que tous ces évènements sont arrivés selon le dessein bien arrêté et la puissance de Dieu !

Il y a toujours en filigrane ce verset de psaume : “La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l'angle; c'est là l'œuvre du Seigneur ; ce fut merveille à nos yeux“. (Ps 118,22-23). Allusion encore aux psaumes qui affirment que notre Dieu est un "Dieu des victoires" et que Lui seule a les issues de la mort !

Sur la route d’Emmaüs, Jésus se réfère à toutes les Ecritures pour parler de cet exode au plein sens du mot que furent sa mort et sa résurrection dans le cadre de la Pâque juive.

Dans sa première prédication, Pierre, justement, se réfère à un psaume comme pour nous initier, à ce que la liturgie va faire jour après jour : nous initier à une lecture chrétienne de la Bible, indissociablement Ancien et Nouveau Testament.

Jésus, sur la route d’Emmaüs, passait en revue l’ensemble des Ecritures.

Et Pierre, lui, prend son point de départ dans les psaumes qui forment un résumé de toute la Bible sous forme de prière. Il faut profiter de cette leçon qu’il nous donne de la lecture chrétienne de la Bible, à la suite de Jésus sur la route d’Emmaüs. Car les psaumes qui forment les deux tiers de notre prière traditionnelle demandent à être toujours priés en référence permanente avec le Christ accomplissant les Ecritures, avec le Christ mort et ressuscité.

Laissons aux érudits le soin de distinguer par exemple les psaumes christologiques et ceux qui ne le seraient pas. Et autres distinctions…! Cela peut être intéressant et utile, certes ! Mais dans notre liturgie, les psaumes demandent à être priés toujours de manière eucharistique, comme dans la célébration du plus grand des sacrements : “Par Lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu, Le Père tout puissant, dans l’unité de l’Esprit Saint, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles !“

Il ne s’agit pas d’une transposition artificielle, d’un procédé allégorique, il s’agit de charger les mots de l’Ancienne Alliance de la signification plénière vers laquelle ils étaient orientés ; il s’agit de découvrir de plus en plus cette admirable pédagogie divine (l’économie, disent les Orientaux) qui fait déboucher toute l’humanité, par delà la mort, dans l’éternité. Et cette lecture priante des psaumes peut être faite autant par un savant que par un simple chrétien. Il suffit de lire, de chanter avec le Christ du Vendredi Saint et du matin de Pâques !

Aux analyses subtiles des professeurs - très utiles, encore une fois ! -, je préfère quand je suis dans l’église le langage de certains poètes ou de simples personnes comme le brave paysan du Curé d’Ars. Il faut avoir cette grande modestie devant Dieu. Ne jamais vouloir paraître savant, mais toujours ignorant ! Surtout dans la prière !

Aussi, comme conclusion à ma suggestion d’une prière liturgique dans une perspective chrétienne, eucharistique, je vous transmets une réflexion du grand écrivain et poète chrétien, Paul Claudel :

“Ouvre maintenant, lecteur, le livre (…) et prête l’oreille à l’énorme rumeur qui s’en dégage et à quoi sert de base le grondement sans fin renouvelé de la psalmodie.
Ecoute tout à la fois ! Ecoute s’élever et s’abaisser, grossir et se dissoudre l’écume, la tuméfaction, vague à vague, de cette mer de mots ! … Et dis-toi que cela vient de loin !
Ce que tu entends ce ne sont pas les grêles inventions de tel ou tel auteur en particulier… Ce sont les voix vers Dieu depuis la création du monde de tout ce qui existe, de tout ce qui souffre, de tout ce qui croit, de tout ce qui espère, de tout ce qui aime, de tout ce qui demande, de tout ce qui voit et de tout ce qui ne voit pas, de tout ce qui sait et de tout ce qui ne sait pas, de tout ce qui sait parler et de tout ce qui ne sait pas parler !“
(1)

Ce sont ces voix vers Dieu qui s’expriment en Jésus au matin de Pâques ! Oui prions ainsi avec toutes ces voix qui se fondent finalement en une seule voix, celle de Jésus “Verbe fait chair“, Unique Parole de Dieu, mort et ressuscité pour nous conduire à Dieu et éternellement entendre sa Parole !

(1) Cf. « La liturgie, l’Eglise et la Sainte Vierge », Accompagnements (1949)

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