jeudi 5 avril 2012

Jeudi Saint avec Marie !


La table est mise. Les douze sont réunis. Jésus préside. Qui nous dit que Marie n'a pas veillé à ce que tout soit prêt pour ce repas de fête ? Rien n'interdit de supposer que la Mère de Jésus ait été invitée à la Cène.

Certes, dans le contexte de la civilisation sémitique, on peut juger fragile cette hypothèse. Mais comment concevoir que Marie qui a donné chair au Fils de Dieu - “Il a pris chair de la Vierge Marie !“ -, n’ait pas été là au moment où son Fils donne sa chair pour le salut du monde - “Prenez et mangez ; ceci est mon corps !“ -, comme elle sera présente, avec les apôtres, au jour de la Pentecôte, naissance de l'Eglise, naissance du Corps plénier du Christ ?
N'y a-t-il pas un lien de continuité très fort entre
- le Corps physique de Jésus présent sur terre
- et ce même Corps, présent selon un mode d'être sacramentel
- et encore ce même Corps "mystique" qu'est l'Eglise ?

D'ailleurs, Marie n'était-elle pas présente au "Signe de Cana" qui annonçait tout à la fois et l'Eucharistie et le mystère pascal, elle qui avait dit alors : “Faites tout ce qu'il vous dira !“. Puisqu'elle était à ce banquet, figure de l'Eucharistie, pourquoi ne serait-elle pas à la Cène, en cet instant sublime où Jésus prononce ces paroles merveilleuses : “Faites ceci en mémoire de moi !“.

Oui, j'aime à penser que la Vierge, Mère de Dieu à Bethléem, fut présente à la table de l'Eucharistie, comme elle le sera au matin de la Pentecôte, naissance de l'Eglise, naissance du Corps du Christ !

Mais tout ceci n'est qu'une réflexion personnelle. Cependant, elle me permet de vous inviter en ce lieu “La Paix Notre-Dame“, de vous inviter avec Marie, Mère de Dieu à Noël comme au Jeudi Saint et à la Pentecôte, de vous inviter avec Marie, éternellement Mère de Dieu, de vous inviter à vous unir de plus en plus au Christ toujours vivant, pour une Alliance que Jésus a déclarée : “nouvelle et éternelle“. - “Faites tout ce qu’il vous dira !“, recommandait Marie. L’Eucharistie n’est-ce pas ce “tout“ qui nous est proposé ?

“Pour une alliance Eternelle“ ! Oui, rendons grâce à Dieu qui nous permet d'être, avec Marie, contemporains de Jésus Christ dont la présence au monde n'est plus d'hier mais d'aujourd'hui, présence célébrée solennellement en ce Jeudi-Saint !

Certes, chaque Eucharistie fait mémoire de toutes les alliances de Dieu avec son peuple dans le temps et dans l'espace. Mais l'Eucharistie est la contraction de ce temps et de cet espace en une Alliance “éternelle“. C'est bien cela qui est “fascinant“, si je puis dire, dans la célébration de toute Eucharistie : cette contraction que Jésus-Christ fait et du temps et de l’espace dans lesquels nous sommes si facilement immergés. Et si déjà, à la Cène, Jésus célèbre par avance et sa mort et sa résurrection, c'est qu'avec Dieu, la durée - qui pour les hommes est fuite et limite - n'est plus un enfermement ; avec Dieu, la durée explose pour nous projeter déjà dans l'éternel au-delà, là où le Christ, “prêtre éminent établi sur la maison de Dieu“ (Heb 10.21) “intercède en notre faveur“, éternellement ! (Cf. Heb. 7.25).

Peut-être sommes-nous de ceux qui éprouvons jusqu'à l'angoisse, cette fuite du temps qui passe de plus en plus vite au fur et à mesure que l'on vieillit. Et bien, voici qu'à chaque messe nous est offerte la sérénité de l'éternité : avec le Christ et en lui, nous avons le pouvoir de célébrer par avance, à travers toutes nos morts à nous-mêmes et toutes nos renaissances vécues dans le temps, de célébrer à l'avance notre mort physique et dernière pour une naissance éternelle, pour une “alliance éternelle“ ! Déjà, avec le Christ, nous mourrons et ressuscitons ! Déjà !

Je le reconnais, cette foi en notre avenir où Dieu, par son "Alliance éternelle", apparaît déjà “tout en tous“, est loin d'être évidente. Mais l'Eucharistie en est les prémisses ; et elle nous aide à célébrer notre résurrection à venir chaque fois que nous acceptons de renaître. Par l’Eucharistie, nous sommes déjà des “ressuscitants“ !

Et si Marie, Mère éternelle, était présente à l'institution de l'Eucharistie, Corps du Christ donné pour une "Alliance éternelle", elle peut nous aider présentement, comme une mère sait le faire, à "reproduire" le Christ, à refaire ce que le Christ a accompli dans, par son Corps qu’elle lui a donné dès l’Annonciation et qu’il nous donne sacramentellement !

Car ce que le Christ a vécu corporellement dans le temps, nous le vivons et le vivrons nous aussi. Voilà pourquoi le christianisme est, par excellence, religion du corps. Ce n'est pas fortuit si l'évangile de Jean, réputé pour être mystique, commence ainsi : “Le Verbe s'est fait chair !“
+ Corps d'homme engendré dans le corps de la femme, la Vierge Marie.
+ Corps mis au monde, couché dans l'étable de Bethléem, mot qui signifie : “Maison du pain“.
+ Corps donné sous le signe de l'Agneau immolé dans le pain rompu, symbole de la nourriture partagée.
+ Corps crucifié et transfiguré dans le rayonnement de la gloire divine.
+ Corps du Christ dont nous sommes les membres dans l'Église.

En prenant le Corps du Christ, je suis assimilé au sien. Et Dieu me révèle mon corps.
- "Ceci est mon Corps", né de l'amour d'un homme et d'une femme dans le temps et l'espace.
- "Ceci est mon Corps", corps livré, donné en mission d'aimer, à la manière de Dieu lui-même…
- "Ceci est mon corps", Temple de l'Esprit d'Amour.
- "Ceci est mon Corps", destiné à être transfiguré dans la gloire divine.

Voilà de quoi “rendre grâce“, de faire “eucharistie“ ! ! Et comme pour prolonger la tradition de la crèche où l'on adore l'Enfant-Dieu dans une mangeoire, cette autre tradition du reposoir, le Jeudi Saint, nous invite à venir adorer l'Homme-Dieu dans le sacrement de son Corps éternel.

Et pourquoi nous-mêmes ne pas faire de notre propre corps un reposoir de Dieu ; faire de nos vies un reposoir où l'on aime Dieu pour lui-même. Dieu et Homme en Jésus, inséparable de sa Mère.

Au fait, en cette nuit qui est la dernière, où est-elle Celle que l`on prie à l'heure de la mort ? Que fait-elle pour son Fils en agonie ? Attendons demain ! Et nous la découvrirons, Mère de Dieu, offrant son corps à Dieu pour un engendrement éternel, comme à l'Annonciation. "Stabat Mater dolorosa…" Elle se tenait debout, la Mère des douleurs, dans l'attitude d'offrande d'elle-même, qui est aussi une attitude de Résurrection, de re-naissance. Stabat Mater…

Debout éternellement, notre Mère nous attend.

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