dimanche 22 avril 2012

"Intelligence des Ecritures !"


3ème dimanche de Pâques 12 –  

Il est des nouvelles stupéfiantes qui paraissent incroyables ! Ce fut le cas pour celle que les disciples d'Emmaüs racontèrent aux Apôtres en revenant à Jérusalem : ils avaient vu le Seigneur, ils l'avaient reconnu à la fraction du pain ! Mais comment croire vraiment à la résurrection ? Les Apôtres, dit St Luc, “restaient saisis d'étonnement” (Luc 24.41). Pourtant n'étaient-ils pas instruits par l'enseignement des Prophètes ? Mais comme il est difficile de s'ouvrir à la nouveauté ! Comme il est difficile de ne pas vivre sur son acquis, prisonnier des habitudes de pensées et de traditions !

“Alors Jésus leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Ecritures”. Les Ecritures, les Apôtres croyaient les connaître. La loi de Moïse leur était familière. Ils priaient avec les psaumes et méditaient l'enseignement et l'espérance des prophètes. Comme tous les fidèles Israélites, ils attendaient le Messie, décidés à lui obéir généreusement. Mais avaient-ils vraiment compris le mystère d'amour caché au cœur de Dieu ? Avaient-ils vraiment l'intelligence des Ecritures, paroles de Dieu ?  

Toute sa vie, Jésus avait pourtant ouvert l'esprit de ceux au milieu de qui il vivait. Sans cesse il dépassait les limites dans lesquelles, au nom d'une étroite interprétation des Ecritures, on voulait l’enfermer.

Cela commence très tôt. Agé de douze ans, Jésus se rend en pèlerinage à Jérusalem. Il s'attarde dans le Temple, écoute les Docteurs de la Loi, les interroge et oublie l'heure du retour. Marie et Joseph ne le retrouveront qu'au bout de trois jours. “Mon enfant pourquoi as-tu agi ainsi ? Il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne savez-vous pas qu'il me faut être chez mon Père ?” Certes les parents savaient le mystère de la naissance de l'enfant déjà annoncée dans les Ecritures. Mais ils ne comprirent pas parfaitement tant il y a loin entre la connaissance théorique et la véritable “intelligence des Ecritures” !

Un jour on lui dit : “ta mère et tes frères se tiennent dehors, ils veulent te voir”. Et Jésus répondra : “ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique” (Mth 12.47sv). Certes, comme toutes les mamans, Marie savait que son fils n'était pas destiné à rester auprès d'elle à Nazareth. Mais avait-elle bien toute “l'intelligence” des paroles de son fils ? Cependant elle retenait “tous ces événements en son cœur, et les méditait“, dit St Luc par deux fois (2.19,51). Mais, comme il est noté dans l’épisode précédent : ses parents “ne comprirent pas la parole qu’il venait de leur dire”. (Lc 2.50)

Les Pharisiens avaient une connaissance parfaite des prescriptions de la Loi de Moïse. Ainsi, comme les Apôtres arrachaient des épis un jour de sabbat, ils protestent : “Regarde ce qu'ils font le jour du sabbat ! Ce n'est pas permis”. Et Jésus de répondre : “Le sabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat, de sorte que le Fils de l'homme est maître même du sabbat”. N'était-ce pas situer la prescription de Moïse dans un éclairage tout nouveau ? (Luc : 6,1-5).

De même Pierre. Il a pourtant entendu les prédications de Jésus ; et il était de ceux qui étaient “frappés de son enseignement car il enseignait en homme qui a autorité” (Mc 1,22). Et pourtant, lorsque, près de Césarée de Philippe, Jésus demande à ses Apôtres : “Et vous qui dites-vous que je suis ?” Pierre répond : “Tu es le Messie”. Pourtant, Pierre n'a encore rien compris au mystère du Messie. Il connaît bien la prophétie d'Isaïe qui annonce le “Serviteur souffrant”. Mais lorsque Jésus annonce qu'il “fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté et mis à mort”, Pierre, nous dit l’Evangéliste Marc, “le tirant à part, se mit à le réprimander”. (Mc, 8,32). Pierre n'avait pas encore “l’intelligence des Ecritures”.

 Il faudra encore beaucoup de temps à Pierre pour comprendre que Jésus, le Messie, doit passer par la mort, et la mort de la Croix, avant de connaître la gloire de la Résurrection.
Il lui faudra du temps également pour prendre la mesure du commandement du Seigneur : “Allez par le monde entier, proclamez l'évangile à TOUTES les créatures....” (Marc : 16,15-16). Car, lui, le Juif fidèle, répugne à nouer des relations avec des païens. Or c'est un païen, le centurion Corneille, qui lui demande de venir chez lui à Césarée. Inspiré par Dieu, Pierre s'y rend : “Comme vous le savez, ce n’est pas bien pour un Juif d'avoir contact avec un étranger. Mais Dieu vient de me faire comprendre qu'il ne fallait déclarer impur aucun homme” (Ac. 10.28). A partir de ce moment les Apôtres commenceront à avoir une meilleure intelligence du commandement du Seigneur : “Je t'ai établi lumière des nations pour que tu apportes le salut aux extrémités de la terre” (Ac. 13,47).

Tous ces passages de l'Evangile et des Actes des Apôtres doivent nous remplir d'humilité. Seul le Seigneur peut nous “ouvrir l'esprit à l'intelligence des Ecritures”. Nous entendons chaque dimanche, voire chaque jour, les lectures bibliques que l'Eglise propose à notre méditation. Nous savons par cœur bien des passages de l'Evangile. Les prêtres, religieux prient avec le psautier…  Fort bien ! Cependant sommes-nous entrés dans le mystère que ces textes nous révèlent ? Avons-nous vraiment l’esprit ouvert à  l’intelligence des Ecritures ?

 St Jean, dans sa première lettre, nous donne un moyen de répondre. “Celui qui dit : ‘je le connais’ en parlant de Jésus, et qui ne garde pas ses commandements est un menteur. La vérité n'est pas en lui” (I Jn 2.4). Avoir “l'intelligence des Ecritures”, ne serait-ce pas d’abord accepter de se laisser interpeller par elles, accepter qu'elles remettent en cause notre manière de vivre ? Peut-on “avoir l'intelligence des Ecritures” sans accepter la conversion à laquelle elles nous invitent, pour, sans cesse, accueillir le Christ “Verbe de Dieu“ ?

Car il faut bien comprendre et l’admettre : les Ecritures ne sont pas un recueil de lois et de décrets, ni un traité de philosophie morale. Elles sont d’abord un recueil de témoignages. Au cours des siècles, Dieu a parlé par les prophètes, puis il s'est manifesté en son Fils Jésus. Avec Pierre, les Apôtres ont proclamé : “Lui, le Chef des vivants, vous l'avez tué ; mais Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, nous en sommes témoins” (Cf. Ac. 10.39sv).

“Avoir l'intelligence des Ecritures”, c'est rencontrer le Christ vivant grâce à la parole de ceux qui ont été et sont ses témoins, qui ont eu l’expérience de sa présence désormais permanente, et qui nous disent : “convertissez-vous et revenez à Dieu” (Ac. 3.19). C'est accepter de nous laisser transformer intérieurement par l'Esprit de Jésus qui perce la carapace de notre orgueilleuse suffisance et les résistances de notre égoïsme. Sinon, on ne peut comprendre les Ecritures. Avoir l’esprit ouvert à l’intelligence des Ecritures, c’est, finalement, rien moins que d’être ouvert à l’irruption du Christ toujours vivant en notre vie ! De sorte que l’on puisse dire : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi“ (Gal. 2.20). Et c’est lui seul qui me conduit au Père : “Personne ne va vers le Père si ce n’est par moi“, disait Jésus (Jn 14.6). [“Laissez-moi aller vers le Père“, demandait Jean-Paul II, juste avant sa mort !] Et, chose remarquable :  “si nous sommes en communion avec le Père, nous sommes en communion les uns avec les autres“ (Cf. 1 Jn 1.3). Autrement dit, ouvrir son esprit à l’intelligence des Ecritures, c’est , en même temps“, s’ouvrir aux autres, fils d’un même Père du ciel !

Ainsi, “avoir l’intelligence des Ecritures“ n’est certes pas recevoir un éclairage intellectuel, si spirituel fusse-t-il, c’est recevoir la Lumière de Dieu-Père qui “a envoyé son Fils comme Sauveur du monde“ (I Jn 4.14), car “le Verbe est la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme“ (Jn 1.9) !


Un jour de Noël, le poète Paul Claudel, alors incroyant, entra à Notre-Dame de Paris. Il eut soudain une illumination : “J'eus tout à coup, racontera-t-il plus tard, le sentiment déchirant de l'innocence, de l'éternelle enfance de Dieu. Voici, mon Dieu, que vous êtes devenu QUELQU'UN”. Et il ne cessera d’inviter à cette innocence qui, sans cesse, nous ajuste à Dieu, grâce à sa Parole !

En ce temps de Pâques, prions les uns pour les autres, afin de nous laisser remettre en cause par le Seigneur ressuscité présent parmi nous, en nous appuyant sur le témoignage des apôtres, en nous livrant au mystère de sa présence qu’est l’Eucharistie que nous allons célébrer. Alors nous ressentirons vivement la justesse de cette annonce : “Jésus leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Ecritures”


P.S.  Un incident technique m'a empêché de communiquer les commentaires de Vendredi et Samedis derniers. Vous les trouverez transcris aujourd'hui seulement !

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