lundi 31 mai 2010

31 Mai – Fête de la Visitation - (So. 3.14sv ; Lc 1.39sv)

"L'Esprit-Saint viendra sur toi et te couvrira de son ombre", avait dit l’Ange, lors de l’Annonciation. La formule évangélique évoque la présence divine dans l'arche Sainte, couverte de l'“ombre du Très-Haut”, durant les quarante années du peuple hébreu dans le désert (Cf. Exode) ! Marie sera donc, par l'action de l'Esprit-Saint, une nouvelle "arche" où Dieu reposera. Elle apparaît comme le Temple qui n’est pas fait de main d’homme à la plénitude des temps.

St Luc veut éveiller chez son lecteur le souvenir de la "shékinah", cette présence divine et libératrice qui descend sur Marie comme elle était autrefois descendue sur l’“arche d’alliance” pour le salut du peuple élu

Pour le salut du peuple… : c’est ce que chante Marie dans son Magnificat qui est bourrée d’allusions aux merveilles des délivrances que Dieu a déjà accomplies tout au long de l’histoire.
(Il suffit, pour s’en rendre compte, de se reporter aux références que donne une bonne édition). Certaines expressions de Marie sont d’ailleurs bien guerrières si on y regarde de près : “Déployant la force de son bras (comme au passage de la mer rouge) ; il disperse les superbes, renverse les puissants de leurs trônes (comme Sennachérib au temps d’Isaïe), etc

Mais si Luc “fait mémoire”, avec Marie, des merveilles de Dieu accomplies dans l’histoire, c’est pour mieux envisager l’avenir, le nôtre ! Il laisse entrevoir, pour tous les temps, une loi immuable de l'action de Dieu dans le monde, en chacun de nous ! Il ne veut pas restreindre l’action de l’Esprit Saint ni au passé, ni même seulement en Marie, devenue nouvelle “Arche d’Alliance” pour la naissance du Fils de Dieu… Il ne veut pas situer Marie uniquement dans un moment de l’histoire si grand soit-il (Incarnation)… Il veut souligner que l’Esprit Saint vient, à tout jamais et actuellement, “couvrir Marie de son ombre” fécondante. - Il nous enseigne que l’union de l’Esprit Saint et de Marie est conclue pour tous les siècles, et qu’aujourd’hui encore Jésus continue de naître invisiblement dans les âmes "par l'Esprit-Saint, de la Vierge Marie" (selon la formule du Credo). Aussi, Marie elle-même s'écriera : “Toutes les générations m'appelleront "Bienheureuse”. Marie, “Arche d’Alliance“, est devenue le chemin privilégié pour aller vers son Fils, vers Dieu. Tous les Saints ont compris cela (Grignon de Montfort… et rappelons-nous, en ce sens, la dévotion à Marie du pape Jean-Paul II).

Et voilà pourquoi Marie, à peine enceinte, devenue nouvelle “Arche d’Alliance“, n’en reste pas à contempler le mystère qui s’accomplit en elle et par elle… ; elle part… elle part porter aux autres, au monde, le salut que Dieu prépare à la face de tous les peuples, comme dira le vieillard Syméon. C’est bien le sens de la Visitation de Marie à sa cousine Elisabeth. Plus une âme est unie à Dieu (et de quelle façon pour Marie !), plus elle veut conduire les hommes à rencontrer Dieu ! Marie concentre en elle le mystère de la “Rencontre“ de l’homme avec Dieu.

Rappelons-nous l’expérience personnelle de la rencontre de Moïse avec Dieu lors de la vision du buisson ardent (“Sené“, en hébreu)…,la rencontre collective du peuple au pied de la montagne embrasée (Sinaï)...

Et puis l’Arche d’Alliance transporte, d’étape en étape, cette expérience de la “Rencontre“, jusqu’en Sion, cette petite montagne que “Dieu a choisie pour y faire habiter son Nom“ et qui deviendra Jérusalem !

Sené - Sinaï – Sion. Tout un cheminement (signifiée par cette allitération) qui s’achève en Marie, devenue la permanente “Arche d’alliance“ !

Et nous sommes là à la dernière étape, (à la “plénitude des temps“, selon l’expression de St Paul). St Luc semble faire allusion d’ailleurs à la dernière étape de l’Arche d’Alliance avant qu’elle n’arrive à Jérusalem :
  • Il est dit dans le livre de Samuel (cf. 2 Sam. 6) que l’Arche d’Alliance demeura chez Obed-Edom de Gat trois mois, tout comme Marie demeura chez Elisabeth trois mois.
  • Il est dit que lors du transfert de l’Arche “David dansait en tournoyant de toutes ses forces devant l’Arche de Dieu. Et Luc rapporte la remarque d’Elisabeth adressée à Marie : “lorsque ta salutation a retenti à mes oreilles, voici que l’enfant a bondi d’allégresse en mon sein“. Jean-Baptiste, le précurseur, est heureux d’annoncer la venue de Dieu, tout comme le jeune roi David ! Jésus est bien celui qui accomplit parfaitement les Ecritures…

Oui, Marie, “Arche d’Alliance“, veut nous conduire à cette “Rencontre“ avec Dieu ! Et de quelle manière ! On imagine volontiers Marie allant de Dieu aux hommes dans un mouvement de va-et-vient incessant, comme une distributrice des grâces divines. Ce n’est pas faux. Mais sa médiation est encore plus belle ! Comme l’Esprit Saint est entièrement tourné et vers le Père et vers le Fils, Marie, remplie de l’Esprit Saint et accueillant le Verbe de Dieu, est entièrement tournée et reste tournée vers le Père. Et c'est en Lui - uniquement - qu'elle nous voit, en Lui qu'elle nous aime. Marie va aux hommes en Dieu, sans un seul instant détourner de Lui son regard. En Dieu, elle nous voit avec toutes nos misères et nous aime d'un amour qu'elle reçoit de Lui, d'un amour divin qui est la source permanente de notre vie, d’un amour qui nous atteint au plus profond de notre être.

Ainsi, lorsque nous disons en nous inspirant des paroles d’Elisabeth : "Le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes", elle regarde, contemple Dieu qui l'inonde éternellement de ses bénédictions. Et au fur et à mesure que montent vers elle nos pauvres "Je vous salue Marie", si péniblement égrenés, Marie les métamorphose en hymnes à Dieu, en doxologies trinitaires. Immanquablement, une magie s'opère : nous disons : "Marie" ; et elle, elle dit : "Dieu". Et Dieu veut bien entendre alors comme venant de nous ce qu'elle dit à notre place. Marie est sans cesse tournée vers Dieu pour qu'à travers elle Dieu nous entende, nous protège et nous exauce. - Jésus nous a dit en parlant des anges qui veillent sur nous ("anges-gardiens") qu'"ils voient sans cesse la face du Père qui est dans les cieux" ! Si les anges à qui Dieu confie le cheminement des hommes sur terre gardent leur regard fixé sur Dieu, que dire alors de Marie ? Elle voit Dieu, Elle se nourrit de Dieu, Elle est toute ruisselante de Dieu. Et elle nous porte dans ce "face à face" éternel pour que, dès ici-bas, chacune de nos âmes en soit imprégnée, comme une mère sait transmettre à son enfant tout ce qu'elle a. Au ciel, elle ne cesse de répéter son "fiat", son "Amen". Et dans son "Amen" résonnent tous nos "amen" qui de la terre montent vers Dieu et qu'elle ne cesse de présenter dans le sien.

Quel réconfort que d'être dans la certitude de trouver grâce auprès de Dieu par l'intermédiaire de Celle dont il est dit : "Tu as trouvé grâce auprès de Dieu". Ainsi avec Marie, par elle, en elle nous pénétrons, d'une manière certaine, dans le mystère de notre configuration au Christ : dépendants de sa Mère, abandonnés à elle, nous devenons comme Lui ! Soyons donc totalement à Marie, car Marie, elle, est au Christ, à Dieu.

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