mercredi 5 mai 2010

Pâques 5 Jeudi – Juifs et Chrétiens ! - Ac 15, 1-6 - Ps 121 - Jn 15, 1-8

Nous continuons le “voyage missionnaire“ de St Paul. Beaucoup de païens, surtout des prosélytes et des “craignants Dieu“, fréquentaient la Synagogue. Mais ils n’avaient pas fait le pas décisif d’appartenir au peuple juif. Aussi avaient-ils accueilli plus facilement l’Evangile à Antioche et tout au long des routes parcourues par Paul et Barnabé.

Alors, les chrétiens de Judée, d’origine juive, s’inquiètent comme ils l’avaient fait deux ou trois ans auparavant lorsqu’ils avaient envoyé Barnabé à Antioche pour juger de l’initiative qu’on avait prise là-bas de prêcher la “Bonne Nouvelle“ hors du judaïsme. On craint que l’expansion universaliste du peuple élu ne lui fasse perdre son identité. Réaction de tout temps et de tout milieu !

C’est de cette même inquiétude qui habite les gens de Judée dont nous parle la lecture d’aujourd’hui, inquiétude qui ne fait que grandir devant les résultats du premier “voyage missionnaire“ des années 46-48, devant la multitude des conversions. Rendez-vous compte : une nouvelle communauté se crée à Antioche. Elle s’appelle d’un nom nouveau ; le nom de “Christianoï“ (1), - chrétiens -apparaît pour la première fois.  Et ces chrétiens en prennent trop à leur aise, à leur avis avec les observances de la Loi mosaïque, les aliments (cacherout) et la circoncision.

Les discussions sont alors assez vives à Antioche ; et on décrète d’envoyer Paul et Barnabé s’expliquer à Jérusalem. On assiste ainsi à un prélude de la théologie qui va se développer chez St Paul pour trouver sa formulation dans l’épître aux Romains.

Pour nous chrétiens, ce n’est pas une nouvelle religion qui est née en se séparant des racines bibliques et en se substituant au peuple de l’Ancien Testament. Il faut le dire et le redire ! A ce sujet, il faut lire et relire ce que le pape Jean Paul II, se référant aux documents du dernier Concile – “Nostra Aetate“ et “Lumen Gentium“ - a dit aux Juifs de  la Synagogue de Rome, en 1986 : “L’Eglise découvre son « lien » avec le Judaïsme « en scrutant son propre mystère » (cf. “Nostra aetate“). La religion juive ne nous est pas « extrinsèque », mais, d’une certaine manière, elle est « intrinsèque » à notre religion. Nous avons donc envers elle des rapports que nous n’avons pas avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés“.

Il ne s’agit pas d’une religion nouvelle. Il s’agit d’un désaccord sur la place de la Loi de Moïse dans le déroulement du dessein d’amour de Dieu envers les hommes, dans le déroulement de l’histoire du salut.

Dans la perspective chrétienne, la Loi mosaïque est une étape de la pédagogie divine à l’égard de l’homme. La lumière qui se dégage de cette pédagogie divine, de cette phase de la “Loi de Moïse“, fait apparaître ce qu’il faudrait faire et que les croyants n’arrivent pas à faire, ainsi que le prouve toute l’histoire. St Pierre dira nettement : “cette Loi que ni nous, ni nos pères, n’ont été capables de porter“.

Peu à peu s’opère alors dans une partie du peuple élu éduqué par les prophètes - St Paul en est le représentant -, la prise de conscience qu’il faut une “Alliance Nouvelle“. Cette “Alliance Nouvelle“ qu’apporte le Christ met en évidence que la “Loi de Dieu“ doit être inscrite dans le cœur, et qu’on doit lui obéir avec les spontanéités de la liberté, par un amour qui sera le don de l’Esprit. On vivra, dit St Augustin, comme des êtres amoureux de beauté spirituelle, non comme des esclaves sous la Loi, mais comme des « libérés », des êtres libres !

L’Histoire sainte, notre propre histoire, est une éducation, une pédagogie qui comporte des étapes. Il ne faut surtout pas s’arrêter en route tant que ne seront pas accomplies parfaitement - en chacun et en tous -  les promesses divines : que nous parvenions à la “stature du Christ“, comme dit St Paul, que nous devenions “enfants de Dieu“, “à son image et ressemblance“.

C’est ainsi que dans la perspective chrétienne, contrairement au Judaïsme, les prophètes qui avaient pressenti cette “Nouvelle Alliance“, qui avaient annoncé l’accomplissement des promesses divines, viennent après la “Loi de Moïse“, passent avant la Loi. Ainsi sur la Montagne de la Transfiguration, dans le récit de St Marc, Elie qui représente le prophétisme, passe avant Moïse. (C’est la leçon que l’on peut tirer également des sculptures et des vitraux de Chartres, par exemple).

Les lectures de ces jours-ci vont s’attarder longuement sur cette question qui est interne au Mystère même de l’Eglise. Profitons-en pour approfondir notre foi… Si seulement, en bien des circonstances, les tensions - inévitables en bien des domaines - devenaient  des occasions de progrès. Il ne faut pas qu’elles dégénèrent en discussions stériles qui ne profitent à personne.

  1. Le mot “christianoi“ vient de “Christos“, Christ. Evidemment ! Cependant rertains se demandent s’il n’y a pas un jeu de mots avec “chrèstos“ (bon, dévoué), mais  employé de façon péjorative : débonnaire, simple, crédule, niais. Les opposants aux chrétiens devaient faire ce jeu de mots. Et c’est encore d’actualité : “chrétien“ - “crétin“ !

 

Aucun commentaire: