dimanche 11 décembre 2016

Notre "Attente" !

3ème Dimanche de l'Avent 16/A

"Devons-nous en attendre un autre ?", demandait Jean-Baptiste.

Au moment où Matthieu écrit son évangile, la communauté chrétienne n'attend personne d'autre que Jésus ressuscité dans son retour en gloire, comme nous-mêmes le proclamons dans notre énoncé de foi : "J'attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir".

Pourtant à travers la plus grande figure de l'Ancien Testament qu'est Jean-Baptiste, Matthieu semble nous faire percevoir, encore ancrée dans l'Eglise palestinienne à qui il s'adresse, l'attente juive séculaire, attente si souvent déçue.
Chaque fois que le peuple juif a pensé avoir trouvé l'homme qui allait réaliser enfin le destin de toute la nation, il a été déçu, il a dû enterrer ses illusions et rassembler ses dépouilles d'espérance dans son baluchon usé de peuple souvent itinérant.
Alors : "Devons-nous en attendre un autre ?" La question était si souvent répétée !

Et la première communauté chrétienne, composée principalement de Juifs, a sans doute conservé au fond d'elle-même des relents de prudence instinctive face aux aventures libératrices.
Même si son espérance est née au matin de Pâques, dans l'illumination du Christ ressuscité, certains de ses membres portent probablement dans le secret de leur foi encore neuve une inquiétude mal dissimulée (trop humaine) : "Devons-nous en attendre un autre ?".

Et les questions légitimes sur la personne de Jésus...
questions qui éclateront durement, dramatiquement parfois, quelques dizaines d'années plus tard...,
questions qui trouveront laborieusement leurs solutions à travers les grands conciles des 3ème-4ème siècles de Nicée à Chalcédoine...,  
ces questions légitimes ne sont certainement pas pour calmer cette inquiétude. "Devons-nous en attendre un autre ?"

A nous aussi, aujourd'hui, la question est posée même si nous ne participons pas à l'inquiétude naturelle du peuple de l'Ancien Testament : "Devons-nous en attendre un autre ?"

Car les questions sur la personne de Jésus n'ont pas diminué à travers les âges. Les textes qui nous le font connaître nous semblent difficiles, et les interprétations en sont nombreuses et parfois divergentes …

De plus, Jésus est homme, mais un homme d'un autre temps, d'une autre civilisation qui ne sont plus nôtres - du moins en apparence -. Jésus apparaît à beaucoup comme "déphasé" - on le dit tellement -. Même le thème central de sa prédication - le "Royaume de Dieu" porte dans le contexte d'aujourd'hui - comme je le soulignais en la fête du Christ-Roi - des images si dépassées qu'il est difficile d'y trouver un "message pour notre temps", dit-on !
Alors, "devons-nous en attendre un autre ?"          

Ajoutons à cela que, depuis la mort et la résurrection de Jésus, l'histoire des hommes n'a guère changé :
- les guerres non seulement continuent, mais se multiplient et deviennent plus barbares ;
- le nombre des hommes qui ont faim passe du million au milliard ;
- l'exploitation de l'homme par l'homme puise dans la technique moderne une variété et une subtilité de moyens insoupçonnés au temps de Jésus, ne serait-ce que les moyens de propagandes utilisés par les mass-médias.
Dès lors, même si je suis chrétien et en tant même que chrétien, la question peut parfois devenir brûlante : "devons-nous en attendre un autre ?"
   

Disons d'abord que poser la question ou la porter secrètement en soi, c'est déjà avoir un signe de foi.
Parce qu'elle exprime déjà une espérance. La question porte en effet le mot "attendre". Elle exprime donc, derrière le doute de l'homme et même du chrétien, une ouverture sur l'avenir ; elle est un premier jalon vers la foi inébranlable en l'"à-venir" de Dieu.
Or n'est-ce pas justement ce que Jésus est venu dévoiler à l'homme : Oui, nous sommes en attente et notre attente n'est pas vaine, parce que Dieu vient. Dieu vient toujours ! Se demander s'il faut "en attendre un autre", c'est déjà communier à l'attente des hommes et l'expliciter. C'est, en même temps, exprimer sa conviction que quelqu'un, parmi les hommes, est capable de sortir l'humanité de son bourbier.

Et n'est-ce pas justement ce que la Communauté chrétienne, l'Eglise, a finalement toujours reconnu en Jésus ressuscité : le sauveur du monde. Et l'Eglise - c'est-à-dire tous les chrétiens -, l'affirme encore !   

Alors, si aujourd'hui, comme chrétien, malgré mes hésitations et mes doutes, je renonce finalement à "en attendre un autre", c'est moins à cause du Jésus de l'histoire qu'à cause de Jésus ressuscité, toujours vivant autour de moi, en moi.
Ce que les contemporains de Jésus, comme Jean Baptiste, ne pouvaient pas savoir, je le sais maintenant dans la foi : Jésus, par sa résurrection, a accompli toutes les attentes des hommes ; et il continue à les accomplir aujourd'hui si je veux bien l'accueillir comme dans un "Noël" permanent.
Même si le monde ne change guère, même si j'ai parfois l'impression qu'il va de mal en pis, je sais qu'il y a pourtant en ce monde, en moi-même, grâce au Christ toujours vivant, un germe d'accomplissement total et que la mort elle-même est ouverture sur la vie.

Et puis, bien davantage, reconnaissons-le : le problème ne se situe peut-être pas au niveau de Jésus, mais au niveau de moi-même : celui que j'attends, ne serait-il pas finalement cet autre moi-même que je discerne déjà en toute ma vie, cet autre moi-même qui rendra vraiment visible l'homme totalement accompli que je dois devenir grâce au Christ ressuscité..., lorsque je pourrai dire comme St Paul : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" !

Souvent dans l'évangile - surtout en celui de St Luc - Jésus répond à une question par une autre question.  A cette question posée aujourd'hui : "Devons-nous en attendre un autre ?", il aurait facilement répondu : "Et moi, dois-je toujours attendre, attendre l'homme nouveau que vous devez réaliser ?". Par et avec moi, en mon "Noël" permanent.


"Devons-nous en attendre un autre ?" Mais, cet "autre", n'est-il pas cet homme nouveau qui se dévoile peu à peu en moi-même, grâce au Christ ressuscité ?

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