4ème
Dimanche de Carême 16/A
La
richesse et la profondeur de ce texte d'évangile ont peut-être, à première vue,
toutes les chances de crisper nos mentalités de chrétiens portés, avec nos
contemporains, à tout mesurer à l'aune de la science !
Et
pourtant, St Matthieu, dans sa sobriété, nous situe au palier le plus profond
de la réalité : la présence agissante de Dieu en l'homme, en tout
événement humain, même dans un événement qui, de prime abord, pourrait
apparaître comme scandaleux, puisque Marie attend un enfant au grand étonnement
de Joseph.
Remarquons
d'abord qu'en insistant pour relier Jésus à un homme et une femme, Matthieu
nous dit que Dieu n'agit pas en dehors de l'histoire des hommes ; c'est
à travers le rôle d'un homme et d'une femme qu'il va poser le geste définitif
de sa venue dans le monde.
Cela
va très loin pour notre connaissance de Dieu :
Dieu
n'est pas à chercher spécialement dans les nuages, dans les apparitions
remplies de tonnerre et d'éclairs, comme pour Moïse,
ni
dans des déchirements apocalyptiques du firmament, comme pour le prophète
Daniel,
mais
bien davantage dans l'histoire quotidienne des hommes, dans l'histoire, somme toute
banale, d'un homme et d'une femme au fond de la Palestine.
St
Matthieu semble nous dire : Dieu est là où sont les hommes, dans leurs
aventures, dans leurs recherches ou dans leurs découvertes, dans leurs amours
interrogatifs ou comblées.
Dieu
est toujours là, même dans les méandres parfois incompréhensibles de nos
existences. Et c'est à cette sorte de présence divine à laquelle Marie et
Joseph ont acquiescé.
Et nous ? Dieu est là ! En ma vie ! Saurais-je
le reconnaître ?
Déjà
l'homme de l'Ancien Testament l'avait bien compris, lui qui définissait Dieu
comme celui qui dit : " Je suis pour
vous ce que je suis pour vous" - ou encore - "Je serai pour vous ce que je serai pour vous".
En
d'autres termes, Dieu peut toujours se faire connaître par ses actions dans
l'histoire des hommes,
telle
qu'elle se déroule aujourd'hui,
telle
qu'elle se déroulera demain.
Et
même, de ce qui nous étonne, de ce qui peut nous paraître déconcertant, Dieu
peut toujours faire jaillir du bien. Sa présence !
Et
l'homme est appelé à rendre visible, par ses actes d'homme, cette présence de
Dieu au monde.
Première
leçon de Joseph !
Il cherche et il trouve Dieu même dans un événement déconcertant. Il trouve
parce que, avant tout, il cherche cette présence de Dieu parmi les hommes.
Mais
Matthieu va encore plus loin, en parlant du rôle de l'Esprit dans la naissance
de Jésus. Si Dieu agit parmi les hommes, c'est pourtant toujours Lui qui
prend l'initiative de l'action. Malgré l'apparente banalité du processus
biologique de la naissance d'un enfant, il y a, dans la naissance de Jésus, qui
sera le sauveur des hommes, l'initiative d'amour absolument gratuit de Dieu.
Ce
ne sont pas les hommes qui se donnent Celui qui sera l'Homme totalement
réalisé, même si celui-ci naît dans les limites de la pauvreté d'un homme,
d'une femme ; c'est toujours Dieu qui, à travers une naissance humaine,
prend l'initiative de se donner aux hommes.
En
prenant conscience de ce fait, bien des questions se résolvent.
Ce
ne sont pas les hommes
qui, par une magie quelconque, réussiraient à s'emparer de Dieu et à se Le
donner. Certes pas !
Cette
gratuité absolue et permanente de l'intervention de Dieu fait de sa présence
dans le monde une réalité permanente et toujours nouvelle.
En
effet, si Dieu a voulu venir au monde à travers un enfant au point que son Nom
divin soit lié au nom d'un homme, d'une femme, c'est pour marquer que Dieu a
l'habitude de se faire connaître à travers le nom des hommes, et d'être, sous
des visages multiples, toujours nouveau pour ceux qui le cherchent. Tel un
Clovis qui veut connaître le "Dieu
de Clotilde" ! Grande leçon ! Importance de notre témoignage.
Sauf
désormais, cependant, qu'il ne sera plus possible de nommer Dieu totalement
sans prononcer le nom de Jésus. Bien sûr ! Mais retenons bien que Dieu a
toujours l'initiative de sa présence divine parmi nous à travers les hommes
eux-mêmes.
De
plus, - troisième réflexion - puisque le Dieu Unique a l'habitude de se
faire connaître à un autre personne unique, telle Marie, tel Joseph, ne
vaut-il pas mieux comprendre sa présence au milieu de nous, en nous, à la façon
d'une personne qui se découvre aimée, et parce que aimée habitée par quelqu'un,
par l'Esprit de Dieu comme pour Marie ?
Tous
les Saints le disent : la foi est avant tout une "co-naissance",
une "naissance avec l'autre", avec Dieu qui vient naître en
nous-mêmes pour nous aimer jusqu'au plus profond de nous-mêmes.
Aussi,
en ce temps d'avent, le récit de Matthieu me renvoie à moi-même dans ma "naissance-avec-Dieu",
dans ma "co-naissance" de Dieu à travers Jésus.
Dieu
est-il toujours pour moi l'être neuf qui m'interpelle le premier par
mon nom à travers le nom de Jésus ? Dieu est-il toujours pour moi
celui qui me prévient et m'enveloppe de son amour à travers l'amour de Jésus ?
Finalement, "le chrétien n'est pas finalement un homme qui aime Dieu en
Jésus-Christ ; c'est plutôt un homme qui croit qu'il est aimé de Dieu, habité
de Dieu en Jésus-Christ".
Et
c'est sans doute dans cette certitude que fut formulée la dernière réflexion de
Joseph qui, après son interrogation, prit chez lui, Marie, son épouse.
Il
accueille l'amour prévenant de Dieu, de ce Dieu qui a toujours l'initiative de
sa présence active parmi les hommes…
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