27 Décembre - St Jean - LA VIE !
LA VIE ! Il nous faut vivre ! Et vivre de
la VRAIE VIE ! Voilà ce
que St Jean veut nous dire aujourd'hui (1ère lect.) : "Ce qui était dès le
commencement, ce que nous avons entendu..., vu..., contemplé... du Verbe de
vie, nous vous l'annonçons ! ... Car la Vie s'est manifestée ; nous en
rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle... !"
"La Vie s’est manifestée !". Affirmation déconcertante, au
demeurant ! Car la Vie, on ne la voit pas ; on voit des vivants. Nous
aimerions que Jean précise... Il préfère tourner autour de son sujet : “ce qui…, ce que…”. Mais quoi ? -
C'est que l'Apôtre veut véhiculer jusqu’à nous une révélation extraordinaire,
inexprimable totalement : La Parole que Dieu nous a fait entendre en
son Fils Jésus Christ !
Certes,
cette expression “Parole de Vie”
vient de loin. Elle signifie que celui qui est Vie parle, et que sa parole
fait vivre. Le Deutéronome affirmait : "La Parole est tout près de toi, elle est dans ta bouche, dans ton
cœur pour que tu la mettes en pratique. Si tu écoutes, tu vivras ! Mais si ton cœur
se détourne, vous périrez ! Je te propose la vie ou la mort. Choisis donc la
vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, aimant ton Dieu, écoutant sa
voix ! Car là est ta vie !" (Deut 30.14-20)
Ainsi donc, répète St Jean à la
suite des prophètes : la Parole de Dieu fait vivre ! "Voici venir des jours - oracle du
Seigneur, disait le prophète Amos - où
j'enverrai la faim dans le pays, non pas une faim de pain..., mais d'entendre
la Parole de Dieu !" (8.11). Demandons
au Seigneur d’avoir toujours faim de la Parole de Dieu qui fait vivre !
Mais,
n'oublions pas qu'en hébreu, "Parole de Dieu" veut aussi bien
dire : "Acte de Dieu" ! La Parole de Dieu n’est pas un discours
sur Dieu - pas du tout - ; elle n’est pas non plus un discours de Dieu. Elle
est une "action de Dieu" portée à notre connaissance pour que nous
puissions y correspondre et en vivre !
Mais, avec
St Jean, il faut aller encore plus loin. La Parole de Vie, elle est d’abord
en Dieu : "Au commencement était
le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au
commencement avec Dieu (“pros" : tourné vers). Tout fut par lui, et sans
lui, rien ne fut. En lui était la vie…" ((Jn 1.1-4)
Dieu est
Vie ! A
l’intérieur de lui-même, il y a une Parole de Vie que Dieu se dit à lui-même,
une Parole qui est Vie chez le Père, tournée vers le Père ("pros ton theon"), pour se recevoir de Lui, et se
donner à Lui. Cette Parole, c’est Quelqu’un, - le Verbe, un Acte - qui exprime
tout ce que Dieu est, tout ce que Dieu fait, un Acte dans lequel sont contenu
par avance tout ce qui jaillira de Dieu, à l’intérieur de sa Vie intime, dans
le monde, dans la création, et aussi dans l’œuvre de la rédemption de
l’humanité. Car il y a des hommes qu’il a créés tels qu’ils puissent recevoir
sa connaissance. Il les a créés pour se révéler à eux de sorte que l’on peut
dire : "Le Verbe était la vraie
lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme !". (Jn 1.4,9).
La Parole de
Dieu vient éclairer les hommes ; elle vient révéler et réalise la volonté qu’a Dieu de
les faire vivre de sa Vie. Tout ce que Dieu fait pour les hommes, comment
pourrait-il ne pas leur dire ? Et la Parole de Dieu a donc le double
pouvoir d’annoncer et de communiquer la Vie éternelle. Isaïe avait bien
prophétisé : "La parole qui sort de
ma bouche ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j'ai
voulu...". (Is. 55.11).
Cet acte de
Dieu pour les hommes, on sait bien comment il s'est manifesté dans toute
l’histoire du dessein de Dieu : "Après
avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les
prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le
Fils...!" (Héb. 1:1). "Le Verbe s'est fait chair !".
La Parole de
Dieu s’est faite humanité ! Dès lors, le Christ est source de Vie ! "Qui croit au Fils a la vie éternelle ;
qui refuse de croire au Fils ne verra pas la vie" (Jn 3:36). C'est lui, le Fils, qui
donne vie ; il sera même pain de la Vie. Chez St Jean, le signe de la
multiplication des pains annonce le "Pain de vie" du Jeudi Saint.
Aussi l'apôtre concluait son récit : "A
la vue du signe, les gens disaient : "C'est vraiment lui le prophète qui
doit venir dans le monde" (Jn 6.14).
Notre vie
doit donc être une rencontre avec le Christ ; et, en lui, de la Parole de
Dieu qui fait vivre ! Et il nous faut prendre conscience qu’aujourd’hui,
dans notre vie à nous, la Parole de Dieu veut se faire chair ! La Parole de
Dieu veut imprégner nos actes, nos personnes et que, d’une certaine manière,
nous devenions des paroles ambulantes de Dieu ! Et puisse, la Parole de Dieu en
nous annoncer la Vie, et, en même temps, la donner.
Pour cela,
il serait intéressant de détailler l’expérience de Jean. La Parole de Vie, Jean
et les autres apôtres, l’ont saisi à travers ce qu’ils ont entendu, vu,
contemplé, palpé de Jésus de Nazareth, Verbe de Vie. Car la Vie
de Dieu, la Vie qui est Dieu, s’est manifestée à travers l’humanité de Jésus
Christ.
Et c’est
d’abord l’oreille qui a été touchée. La Parole de Jésus que
Jean-Baptiste désignait comme "l'Agneau
(= Serviteur) de Dieu" a frappé les premiers témoins.
Deux disciples de Jean-Baptiste l'ont quitté… Ils ont passé la soirée avec
Jésus ; ils ont entendu cette Parole pour la première fois ; et
ils ont suivi Jésus... !
La vue
ensuite. Quand une parole vous accroche, on regarde celui qui la prononce. Et
bien, ils entendaient Jésus et ils le regardaient. Leur regard devenait
insistant, durable. Un regard contemplatif qui englobait respectueusement et
amoureusement toute la Personne du Verbe de Vie !
Et puis
enfin le toucher. Une allusion certainement à ces expériences précieuses
avec le Ressuscité : “Mets tes
doigts en mes plaies”, avait dit Jésus à Thomas !
Et à travers
cette expérience sensible - puisque presque tous les sens y sont intéressés -
c’est une même réalité divine qu’ils ont saisie : c’est le Verbe de Dieu
que leur cœur écoutait, voyait, touchait... Cette réflexion est importante.
Beaucoup de chrétiens, aujourd’hui, n’ont pas un sens précis de l’humanité de
Jésus ; ils sont docètes… (1) : Qu’est-ce que Dieu peut bien venir faire
dans la matière, et dans la misère humaine… ? Oui, c’est une folie.
Pourtant, le but de l’Incarnation, c’est que le Seigneur nous aime ; et il
veut nous rencontrer là où nous en sommes et tels que nous sommes… ! Jésus est
pleinement homme, réellement, pour mieux communiquer avec l'homme !
Et, nous
aussi, nous avons une expérience humaine à faire de Jésus. Il y a des
sens spirituels à éveiller en nous à propos de Jésus. Notre contact avec la
Vie, c’est notre contact avec Jésus Christ, Verbe de Dieu fait chair. Et ce
contact, il doit se faire dans une expérience humaine.
Je sais bien
que nous ne voyons pas, nous ne touchons pas, nous ne contemplons pas Jésus. Et
pourtant, il doit nous devenir proche… !
Cette expérience
qui fut celle des Douze était celle d’un début :
"Ce qui était dès le commencement…", dit St Jean (I Jn 1.1).
Remarquons
qu’il ne dit pas ici : "Ce qui
était au commencement", comme dans son évangile, une reprise du début
de la Genèse, au seuil de la création..
Il s’agit
donc d’autre chose : il s'agit de ce début extraordinaire au bord du
Jourdain, au moment où le Fils de l’homme est venu se faire baptiser. Ce fut le
"commencement" absolu. A partir de ce moment-là, le Verbe fait
chair a commencé à se manifester aux hommes. Et tant qu’il a été parmi eux,
ce fut ce "commencement", un "commencement" que l'Eglise de
tout temps doit maintenir. L’expérience de la venue du Verbe parmi les hommes,
l’expérience de son existence historique, constatée, vécue parmi les Douze, l'Eglise
doit la continuer, l'actualiser parmi les hommes d'aujourd'hui… ! C'est sa
mission !
Il faut
toujours revenir à ce "commencement", à cette expérience humaine
de la rencontre avec le Verbe fait chair ! "M'est avis que le Christ et l'Eglise, c'est tout un !",
disait Jeanne d'Arc ! A travers l'Eglise, le Christ - Parole de Vie
divine" -, veut être encore écouté, vu, palpé, contemplé, comme il le fut "dès le commencement". Quand
une Réforme se fait dans l’Eglise, quand l’Eglise retrouve sa sève, elle
revient toujours à l’Evangile, à ce "commencement" où le Verbe de
Dieu s'est fait homme pour parler aux hommes.
Et nous-mêmes,
quand nous voulons revenir en profondeur à Jésus, à notre vie chrétienne
profonde, il faut repartir de l’Evangile, revenir à ce que le "Verbe de
Vie" a déjà accompli en nous, en notre humanité, "dès le
commencement". Car, chrétiens, nous sommes créatures nouvelles, engendrées
d’un germe non point corruptible, mais incorruptible : la Parole du Dieu
vivant, active en nous "dès le
commencement", ce commencement de notre rencontre avec le Christ,
Verbe de Dieu fait chair.
C'est dire
que notre jeunesse est devant nous : "Déjà
vous êtes émondés (purifiés, purs), nous dit
Jésus, grâce à la Parole que je vous ai fait
entendre". (Jn 15.3), "dès le commencement" !
Et "si le Christ est en vous, dira St Paul, votre corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché ; mais
l'Esprit est votre vie à cause de la justice (de la justification accomplie par le Christ). Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite
en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi
la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous". (Rm 8.10-11). Vie pleine et éternelle !
(1) le "docétisme" est
l'une des premières hérésies qui affirmait que l'humanité du Christ n'était pas
réelle ; ce n'était qu'une apparence d'homme ("dokein" en grec :
"paraître" ; d'où le mot "docétisme")
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