mardi 11 février 2014

Journée des malades !

11 Février - Notre Dame de Lourdes     

Trois objets de prières, de fêtes nous rassemblent aujourd'hui.
- La fête de Notre-Dame de Lourdes, avec notre immense reconnaissance pour le message qu'elle nous a délivré par l'intermédiaire de Ste Bernadette.
- L'attention que nous devons avoir envers les malades qui, à Lourdes ou dans le sanctuaire de leur cœur, s'adressent facilement à la Vierge Marie. Cette fête mariale est donc légitimement appelée "Journée mondiale des malades".
- Et une intention plus particulière mais non moins importante : la vêture de l'habit monastique pour Sœur Marie-André qui avec raison témoigne, depuis..., depuis toujours, de sa grande dévotion envers Notre-Dame de Lourdes !

Je me suis interrogé pour m'efforcer de réunir ces trois intentions de prières !
Finalement, je me suis arrêté sur la seconde : "Journée mondiale des malades" ! Ne sommes-nous pas tous des malades, d'une manière ou d'une autre ?
Physiquement, certes ! Et on peut aujourd'hui faire mémoire des fondateurs de ce Prieuré, attentifs aux vocations de personnes "fragiles", facilement malades.
Spirituellement, nous sommes tous des "malades" ! Nous avons besoin du Médecin divin pour nous rétablir en une plénière santé de vie, pour "revêtir", dit St Paul, (Cf. Gal 3.27 ; Eph. 4.24) la vie même de Dieu. En ce sens, tout monastère n'est-il pas cette "infirmerie" où ce divin médecin nous prodigue tous ses soins ?

Et, pour ce faire, Marie, Mère du Christ, Mère de la vie, Mère du Corps du Christ, l'Eglise, Mère de chacun de ses membres est là, est toujours là pour que nous soyons, nous aussi "comblés de grâce" !
- Elle nous obtient éventuellement santé du corps, comme à Lourdes, parfois.
- Elle nous obtient surtout santé de l'âme, par une conversion de vie !

Oui, nous sommes tous des malades !
Physiquement parfois et même assez souvent. Soudain, la fièvre est là ! Mais le mal est bien plus que la fièvre. C'est le cœur qui bât jusque dans les tempes..., au point de se sentir inapte à tout !
Spirituellement, c'est le douloureux sentiment d'un vide intérieur, d'une torpeur, d'une nonchalance spirituelle que l'on traîne à longueur de journée. Les Anciens parlaient d'"acédie" : on n'a plus le goût pour "prendre soin" et de Dieu, et des autres et de soi-même !
Jules Lemaître (écrivain, poète de la fin du 19èlme siècle) écrivait :
"Il veut prier : et son cœur ne sait plus de prière.
Froid - et l'acédie lui desséchant la peau -,
c'est un homme de marbre assis sur son tombeau !".
Oui, nous sommes tous des malades.

Et la maladie engendre des ruptures plus ou moins conscientes, toujours profondes !
1) D'abord une rupture avec soi-même !
- Physiquement, le corps n'est plus ce "bon et fidèle serviteur" ! Il devient indocile. Avec diplomatie, il faut passer avec lui quelques traités qui sont souvent si fragiles qu'ils deviennent vite caducs. C'est alors un sentiment d'impuissance, voire de révolte !
- Spirituellement, l'"acédie" est un dur combat entre mon intelligence enténébrée, ma volonté rétive, ma sensibilité désorientée et tout mon être qui pourtant soupire vers Dieu ! Et arrive un sentiment de sourde culpabilité qui entrave fortement l'harmonie, la paix que l'on possédait avec soi-même !

2) Une rupture avec soi-même. Une rupture encore avec son environnement !
- Physiquement, d'abord. Il suffit de rester un beau matin au lit, et tout change. Des bruits que je n'entendais pas, je les entends. Mes habits bien rangés, mes souliers contre le mur ont comme perdu leur propriétaire. Et puis, les personnes qui me visitent me paraissent étranges. Mes regards qui montent vers eux, leurs regards compatissants qui descendent vers moi ont perdu soudainement ce franc et agréable face-à-face en lequel je les connaissais comme compagnons de vie, d'activités...
- Et spirituellement, avec cette fameuse "acédie", la prière, l'oraison, les chants de louanges et d'actions de grâces me paraissent soudainement des activités d'un autre monde... !

3) Enfin une rupture avec Dieu
- Physiquement, c'est le temps des grandes questions. Pourquoi la maladie, cette maladie. Pourquoi moi ? Mon corps lui-même est un poids et pour moi-même et pour mes frères et sœurs... !
- Spirituellement, c'est la question des questions : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?".

Oui, la maladie, c'est tout cela : des "cassures" qui nous habitent plus ou moins en profondeur, corporellement, psychologiquement, spirituellement.

Alors, comment guérir ?
Guérir, c'est réparer toutes ces cassures, renouer toutes ces relations avec soi-même, son environnement social, spirituel, reprendre sans cesse le chemin de l'Alliance avec Dieu. Car il faut se le dire : on peut sortir d'un hôpital parfaitement guéri selon le corps, mais pas selon l'âme, si l'on a rien appris quant à la gestion de sa finitude, de sa souffrance et de la mort elle-même.

Aussi, s'il nous faut accepter pour le corps les divers moyens de guérison, il nous faut surtout demander l'aide du Christ, le thérapeute divin. C'est le sens du sacrement des malades qui nous appelle à nous configurer au Christ souffrant, mort mais toujours vivant ! Ce sacrement nous identifie à Celui qui sur la croix a été habité par tous nos "pourquoi", à Celui qui a traversé la mort elle-même dans une totale confiance en Dieu son Père, sans avoir reçu humainement la réponse à la question de notre finitude et de la mort même.

Et c'est à ce moment que le malade est porteur d'un immense mystère : il complète en son être même, dit St Paul, "ce qui manque aux souffrances du Christ en faveur de son Eglise" (Col 1.24). Le malade, par sa foi, fait rayonner en lui la force thérapeutique du Christ pascal qui est passé de la mort à la Vie. Il irradie sur lui-même et sur tous les membres du Corps du Christ les rayons de ce mystère pascal parfaitement accompli il y a deux mille ans !

Devant ce mystère, il nous faut se taire, admirer et remercier... en prononçant notre "fiat" à l'exemple de Marie. Et c'est le sens de la vêture monastique.

Le rituel prévoit que le postulant soit averti des "dura et aspera" de la vie monastique, de la vie chrétienne, et des cassures de nos diverses maladies. Mais il informe également que ces "dura et aspera" deviennent avec le Christ, le Médecin divin, un poids "suave et lege", "doux et léger". Et la fin du Prologue de la Règle de St Benoît enseigne : "Dans la voie du salut (pour retrouver une vraie santé), les débuts sont souvent difficiles. Mais à mesure que l'on progresse..., le cœur se dilate ; on court dans la voie des commandements de Dieu, rempli d'une douceur ineffable d'amour".

Et le postulant (ou la postulante) reçoit le signe du "lavement des pieds" qui, dans la primitive Eglise était considéré comme un sacrement. C'est le Christ - le divin médecin - qui vient se mettre à notre service pour nous signifier le grand remède à tous nos maux : Aimer, aimer en servant nos frères.

Et c'est lui alors, le Christ, qui vient nous "habiller", nous "revêtir" de lui-même, dit St Paul ! Il vient enlever nos oripeaux du "vieil homme" malade, pour nous envelopper des vêtements de "l'Homme nouveau" qu'il est lui-même ! Aussi, recevoir l'habit, le revêtir chaque matin, c'est revêtir le Christ chaque jour !

Et tout au long de ce parcours, la Vierge Marie est là, comme elle le fut pour Bernadette, à Lourdes.
Elle vient, toujours avec douceur, imperceptiblement, comme Dieu lui-même pour son prophète Elie, dans un léger souffle, dans l''éclatement d'un silence", au point, dira Ste Bernadette, que "pas une feuille des arbres ne bougeait", rien de son environnement habituel !
Elle vient, Marie, divinement illuminée, elle vient dans cette "tute aux cochons", ce "lieu aux cochons" qu'était alors, disait-on, la grotte de Massabielle. Elle vient en ce lieu de nos maladies terrestres. Comme son divin Fils, elle vient, Marie, "chercher ce qui était perdu" !

A chacun de nous, malade, à chacun qui se trouve dans cette "tute aux cochons", elle vient, Marie, elle s'approche avec grande délicatesse et un immense respect, elle vient en nous disant comme à Bernadette : "Voulez-vous me faire la grâce de venir..." ! Voilà comment la Mère de Dieu s'adresse à la plus humble des pauvres de ce monde, à chacun de nous, malade, pécheur ! "Voulez-vous me faire la grâce..." ! Si seulement nous pouvions avoir, les uns pour les autres, ce même langage de délicatesse et de respect !

Certes, elle nous avertit, elle aussi, des "dura et aspera" : "Je ne vous promets pas d'être heureuse en ce monde", dit-elle à Bernadette, en ce monde de violence, de mensonge, de profit, de sensualité, de guerre... Evidemment ! "Mais dans l'autre" : dans le monde de Dieu, dans le monde de l'Amour qu'est Dieu lui-même ! C'est alors que l'on comprend que la vie chrétienne, la vie monastique n'est que le temps - plus ou moins long - d'un apprentissage, un temps de fiançailles en vue des "noces éternelles", ces noces qui, dès le début, à Cana, furent annoncées à Marie,

Et Marie vient faire notre propre apprentissage, comme elle le fit pour Bernadette à partir de la huitième apparition. Selon les désirs de "la Dame", Bernadette, le visage triste et douloureux, marche à genoux, gratte le sol dégoûtant, se met de la boue sur le visage et mange de l'herbe ! "Elle est folle", s'exclame-t-on !  Oui, elle est folle..., oui, mais de cette folie du Christ en croix : de son côté ouvert par la lance du centurion jaillit une source de guérisons en vue de la Vie éternelle. Et Bernadette fera jaillir un symbole de cette source miraculeusement divine... Dès lors, elle transmettra le message de la Vierge : "Pénitence, pénitence, priez pour les pécheurs !".

Exceptionnellement, j'ai été trop long aujourd'hui. Aussi je vous invite, en terminant, à écouter Marie, comme le fit Bernadette de Lourdes. Mais on ne peut le faire qu'avec un cœur simple et humble, comme celui de Bernadette qui disait à propos de ce qu'elle avait divinement vécu avec Marie, Mère de Dieu :
"Ce qu'on écrira de plus simple sera le meilleur.
A force de vouloir fleurir les choses, on les dénature !".

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