11 Février - Notre Dame de
Lourdes
Trois objets de prières, de fêtes nous rassemblent aujourd'hui.
- La fête de
Notre-Dame de Lourdes, avec notre immense reconnaissance pour le message
qu'elle nous a délivré par l'intermédiaire de Ste Bernadette.
-
L'attention que nous devons avoir envers les malades qui, à Lourdes ou dans le
sanctuaire de leur cœur, s'adressent facilement à la Vierge Marie. Cette fête
mariale est donc légitimement appelée "Journée mondiale des
malades".
- Et une
intention plus particulière mais non moins importante : la vêture de l'habit
monastique pour Sœur Marie-André qui avec raison témoigne, depuis...,
depuis toujours, de sa grande dévotion envers Notre-Dame de Lourdes !
Je me suis
interrogé pour m'efforcer de réunir ces trois intentions de prières !
Finalement,
je me suis arrêté sur la seconde : "Journée mondiale des malades"
! Ne sommes-nous pas tous des malades, d'une manière ou d'une autre ?
Physiquement, certes ! Et on peut aujourd'hui
faire mémoire des fondateurs de ce Prieuré, attentifs aux vocations de
personnes "fragiles", facilement malades.
Spirituellement, nous sommes tous des
"malades" ! Nous avons besoin du Médecin divin pour nous rétablir en
une plénière santé de vie, pour "revêtir",
dit St Paul, (Cf. Gal
3.27 ; Eph. 4.24) la vie même
de Dieu. En ce sens, tout monastère n'est-il pas cette "infirmerie"
où ce divin médecin nous prodigue tous ses soins ?
Et, pour ce
faire, Marie, Mère du Christ, Mère de la vie, Mère du Corps du Christ, l'Eglise,
Mère de chacun de ses membres est là, est toujours là pour que nous
soyons, nous aussi "comblés de grâce" !
- Elle nous obtient
éventuellement santé du corps, comme à Lourdes, parfois.
- Elle nous obtient
surtout santé de l'âme, par une conversion de vie !
Oui, nous sommes tous des malades !
Physiquement parfois et même assez souvent. Soudain,
la fièvre est là ! Mais le mal est bien plus que la fièvre. C'est le cœur qui
bât jusque dans les tempes..., au point de se sentir inapte à tout !
Spirituellement, c'est le douloureux sentiment
d'un vide intérieur, d'une torpeur, d'une nonchalance spirituelle que l'on
traîne à longueur de journée. Les Anciens parlaient d'"acédie" : on n'a plus le goût pour "prendre
soin" et de Dieu, et des autres et de soi-même !
Jules Lemaître
(écrivain,
poète de la fin du 19èlme siècle) écrivait :
"Il veut prier : et son cœur ne sait plus de prière.
Froid - et l'acédie lui desséchant la peau -,
c'est un homme de marbre assis sur son tombeau !".
Oui, nous
sommes tous des malades.
Et la
maladie engendre des ruptures plus ou moins conscientes, toujours profondes !
1) D'abord
une rupture avec soi-même !
- Physiquement,
le corps n'est plus ce "bon et fidèle
serviteur" ! Il devient indocile. Avec diplomatie, il faut passer avec
lui quelques traités qui sont souvent si fragiles qu'ils deviennent vite
caducs. C'est alors un sentiment d'impuissance, voire de révolte !
- Spirituellement,
l'"acédie" est un dur combat entre mon intelligence enténébrée, ma
volonté rétive, ma sensibilité désorientée et tout mon être qui pourtant
soupire vers Dieu ! Et arrive un sentiment de sourde culpabilité qui entrave
fortement l'harmonie, la paix que l'on possédait avec soi-même !
2) Une
rupture avec soi-même. Une rupture encore avec son environnement !
- Physiquement,
d'abord. Il suffit de rester un beau matin au lit, et tout change. Des bruits
que je n'entendais pas, je les entends. Mes habits bien rangés, mes souliers
contre le mur ont comme perdu leur propriétaire. Et puis, les personnes qui me
visitent me paraissent étranges. Mes regards qui montent vers eux, leurs
regards compatissants qui descendent vers moi ont perdu soudainement ce franc
et agréable face-à-face en lequel je les connaissais comme compagnons de vie,
d'activités...
- Et spirituellement,
avec cette fameuse "acédie", la prière, l'oraison, les chants de
louanges et d'actions de grâces me paraissent soudainement des activités d'un
autre monde... !
3) Enfin
une rupture avec Dieu
- Physiquement,
c'est le temps des grandes questions. Pourquoi la maladie, cette maladie.
Pourquoi moi ? Mon corps lui-même est un poids et pour moi-même et pour mes
frères et sœurs... !
- Spirituellement,
c'est la question des questions : "Mon
Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?".
Oui, la
maladie, c'est tout cela : des "cassures" qui nous habitent plus ou
moins en profondeur, corporellement, psychologiquement, spirituellement.
Alors, comment guérir ?
Guérir,
c'est réparer toutes ces cassures, renouer toutes ces relations avec soi-même, son environnement
social, spirituel, reprendre sans cesse le chemin de l'Alliance avec Dieu. Car
il faut se le dire : on peut sortir d'un hôpital parfaitement guéri selon le
corps, mais pas selon l'âme, si l'on a rien appris quant à la gestion de sa
finitude, de sa souffrance et de la mort elle-même.
Aussi, s'il
nous faut accepter pour le corps les divers moyens de guérison, il nous faut
surtout demander l'aide du Christ, le thérapeute divin. C'est le sens du
sacrement des malades qui nous appelle à nous configurer au Christ souffrant,
mort mais toujours vivant ! Ce sacrement nous identifie à Celui qui sur la
croix a été habité par tous nos "pourquoi", à Celui qui a traversé la
mort elle-même dans une totale confiance en Dieu son Père, sans avoir reçu
humainement la réponse à la question de notre finitude et de la mort même.
Et c'est à
ce moment que le malade est porteur d'un immense mystère : il complète en
son être même, dit St Paul, "ce qui
manque aux souffrances du Christ en faveur de son Eglise" (Col 1.24). Le malade, par sa foi, fait
rayonner en lui la force thérapeutique du Christ pascal qui est passé de la
mort à la Vie. Il irradie sur lui-même et sur tous les membres du Corps du
Christ les rayons de ce mystère pascal parfaitement accompli il y a deux mille
ans !
Devant ce
mystère, il nous faut se taire, admirer et remercier... en prononçant notre
"fiat" à l'exemple de Marie. Et
c'est le sens de la vêture monastique.
Le rituel
prévoit que le postulant soit averti des "dura
et aspera" de la vie monastique, de la vie chrétienne, et des
cassures de nos diverses maladies. Mais il informe également que ces "dura et aspera" deviennent
avec le Christ, le Médecin divin, un poids "suave
et lege", "doux et
léger". Et la fin du Prologue de la Règle de St Benoît enseigne : "Dans la voie du salut (pour retrouver une vraie santé), les débuts sont souvent difficiles. Mais à mesure que l'on
progresse..., le cœur se dilate ; on court dans la voie des commandements de
Dieu, rempli d'une douceur ineffable d'amour".
Et le
postulant (ou la
postulante) reçoit le
signe du "lavement des pieds" qui, dans la primitive Eglise
était considéré comme un sacrement. C'est le Christ - le divin médecin - qui
vient se mettre à notre service pour nous signifier le grand remède à tous nos
maux : Aimer, aimer en servant nos frères.
Et c'est lui
alors, le Christ, qui vient nous "habiller", nous "revêtir" de lui-même, dit St
Paul ! Il vient enlever nos oripeaux du "vieil
homme" malade, pour nous envelopper des vêtements de "l'Homme nouveau" qu'il est
lui-même ! Aussi, recevoir l'habit, le revêtir chaque matin, c'est revêtir le
Christ chaque jour !
Et tout au
long de ce parcours, la Vierge Marie
est là, comme elle le fut pour Bernadette, à Lourdes.
Elle vient, toujours
avec douceur, imperceptiblement, comme Dieu lui-même pour son
prophète Elie, dans un léger souffle, dans l''éclatement
d'un silence", au point, dira Ste Bernadette, que "pas une feuille des arbres ne bougeait", rien de son
environnement habituel !
Elle vient,
Marie, divinement illuminée, elle vient dans cette "tute aux cochons", ce "lieu aux cochons" qu'était
alors, disait-on, la grotte de Massabielle. Elle vient en ce lieu de nos
maladies terrestres. Comme son divin Fils, elle vient, Marie, "chercher ce qui était perdu"
!
A chacun de
nous, malade, à chacun qui se trouve dans cette "tute aux cochons", elle vient, Marie, elle s'approche avec
grande délicatesse et un immense respect, elle vient en nous disant
comme à Bernadette : "Voulez-vous me
faire la grâce de venir..." ! Voilà comment la Mère de Dieu s'adresse
à la plus humble des pauvres de ce monde, à chacun de nous, malade, pécheur ! "Voulez-vous me faire la grâce..."
! Si seulement nous pouvions avoir, les uns pour les autres, ce même langage
de délicatesse et de respect !
Certes, elle
nous avertit, elle aussi, des "dura
et aspera" : "Je ne
vous promets pas d'être heureuse en ce monde", dit-elle à Bernadette, en
ce monde de violence, de mensonge, de profit, de sensualité, de guerre...
Evidemment ! "Mais dans
l'autre" : dans le monde de Dieu, dans le monde de l'Amour qu'est Dieu
lui-même ! C'est alors que l'on comprend que la vie chrétienne, la vie
monastique n'est que le temps - plus ou moins long - d'un apprentissage, un
temps de fiançailles en vue des "noces éternelles", ces noces qui,
dès le début, à Cana, furent annoncées à Marie,
Et Marie vient
faire notre propre apprentissage, comme elle le fit pour Bernadette à
partir de la huitième apparition. Selon les désirs de "la Dame",
Bernadette, le visage triste et douloureux, marche à genoux, gratte le sol
dégoûtant, se met de la boue sur le visage et mange de l'herbe ! "Elle est folle",
s'exclame-t-on ! Oui, elle est folle...,
oui, mais de cette folie du Christ en croix : de son côté ouvert par la lance
du centurion jaillit une source de guérisons en vue de la Vie éternelle. Et
Bernadette fera jaillir un symbole de cette source miraculeusement divine... Dès
lors, elle transmettra le message de la Vierge : "Pénitence, pénitence, priez pour les pécheurs !".
Exceptionnellement,
j'ai été trop long aujourd'hui. Aussi je vous invite, en terminant, à écouter
Marie, comme le fit Bernadette de Lourdes. Mais on ne peut le faire qu'avec un
cœur simple et humble, comme celui de Bernadette qui disait à propos de ce
qu'elle avait divinement vécu avec Marie, Mère de Dieu :
"Ce qu'on écrira de plus simple sera le meilleur.
A force de vouloir fleurir les choses, on les dénature !".
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