dimanche 19 mai 2013

Souffle de Dieu


Pentecôte 13/C

"Sans le Saint-Esprit..., disait en 1972 le patriarche Athénagoras...
Sans le Saint Esprit, Dieu est lointain, Jésus est dans le passé et l'Evangile reste lettre morte...
Sans le Saint Esprit, l'Eglise n'est qu'une simple Association, l'autorité une forme de domination, la mission une vulgaire propagande...
Sans le Saint Esprit, la liturgie est une conjuration des esprits, et la vie chrétienne une morale esclavagiste...".

Oui, "sans le Saint-Esprit", l'Eglise, toute communauté religieuse, toute famille chrétienne ne revêtent qu'un caractère humain, vouées à l'échec, voire au chaos et à l'anéantissement.

Mais qui est donc l'Esprit Saint ? Et d'abord pourquoi toujours traduire le latin “spiritus sanctus”  (ou le grec “pneuma agion”) par “Esprit-Saint” ? Ce serait plus beau et plus juste, me semble-t-il, de traduire par : “Souffle saint”.
Si Dieu est à l'origine de tout, je comprends bien que l'on puisse l'appeler “Père”. S'il est ce Dieu qui a tout partagé de notre vie comme un frère, lui qui nous a révélé son Père, j'aime bien reconnaître en lui le “Fils”. Mais s'il est ce Dieu qui demeure en nous et nous donne la vie, pourquoi ne pas l’appeler habituellement le “Souffle saint” ? Un "Souffle" permanent. St Basile de Césarée écrivait : "Le Père est la "cause originelle", le Fils est la "cause créative, le Saint Esprit est la "cause parachevante", c'est-à-dire qu'il est présent en permanence du début à la dernière phase de la création, présent à toutes les étapes et à tous es les aspects de la création ! Présent du début à la fin de ma vie voulue par Dieu créateur, sanctifiée par le Christ... !

Le mot “Esprit” me semble donc avoir une consonance quelque peu cérébrale, aérienne, presque désincarnée. Alors que le mot “Souffle” prend tout de suite une dimension réaliste, physique, presque charnelle. Il est ressenti comme présence permanente !
C’est d’ailleurs dans cette dimension que nous le découvrons dans la Bible, et dès la Genèse où il est question du "Souffle créateur". St Jean en avait bien pris conscience : “Le vent souffle où il veut : tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du Souffle” (Jn 3,8). Aussi, surtout chez les Pères orientaux, il est présenté comme "l'Esprit de Dieu", "l'Esprit du Christ", "l'Esprit d'adoption, de vérité, de liberté, de sagesse, de compréhension, d'humilité, de conseil, de puissance, de connaissance..." !

Et pour l'évangéliste Jean, la “première Pentecôte” a lieu au Calvaire lorsque Jésus rend son "Souffle" ; il rend son "Souffle" comme Principe de la création des cieux nouveaux et de la terre nouvelle (Jn 19,30).
Et cette “première Pentecôte” annonce la “seconde Pentecôte”, comme corrélation dans le mystère pascal du Christ : elle se situe au soir du premier jour de la semaine lorsque le Christ ressuscité "souffle" sur les apôtres pour les envoyer en mission (Jn 20,22).
La “troisième Pentecôte” sera celle de la maison remplie d'un violent coup de vent, cinquante jours après Pâques, celle que nous célébrons aujourd’hui.
Et il y aura même une autre pentecôte, avant bien d'autres par la suite, sur des païens, chez le Centurion Corneille, à Césarée, en présence de Pierre.

Le souffle, comme le vent, est invisible. Seuls sont visibles ses manifestations. St Paul l'explique très bien aux Galates en leur décrivant quels sont les fruits du "Souffle Saint" (Gal 5,22). Nous connaissons bien les trois premiers : “amour, joie et paix”. Mais les autres aussi sont importants : “patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi”.

Et pour ne reprendre que le premier fruit, cela signifie que s'il y a de l'amour quelque part - je pense à l'amour véritable qui est engagement et non pas caprice évanescent de l'affectif -, le "Souffle saint" est là. Nous le disons, le chantons surtout le Jeudi saint : “Là où est l’amour (la charité), Dieu est présent”. (Ubi caritas et amour, Deus ibi est !"). L’un des moines, fr. Christophe, mort à Tibhérine, en Algérie, écrivait dans l'un de ses poèmes : “Il y a de l'amour dans l'air... et je crois bien que c'est Quelqu'un”.

Ne croyez-vous pas que la vie serait tout autre si l'on s’évertuait à discerner tous les fruits de l'Esprit en nous et autour de nous ? Le malheur est que nous faisons le plus souvent le contraire. Nous passons plus de temps à nous intéresser aux œuvres du “Diviseur” qu'à celles de l'Esprit. "Sans le Saint-Esprit, Dieu est lointain", disait le patriarche Athénagoras.

Or, les “pentecôtes” ont lieu tous les jours dans le cœur de beaucoup d’hommes. Et pas seulement dans l'Eglise, même si nous le situons davantage en Eglise ! L'Esprit de Dieu souffle toujours et partout ; il est, a-t-on dit, le nom propre de la grâce. Le Concile Vatican II l'exprime d'une façon claire et solennelle : “Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associé au mystère pascal”, ce mystère qui sauve le monde ! (L'Eglise dans le monde de ce temps, § 6).

L'Eglise n'est pas une institution comme les autres. Elle a bien été “instituée” par Notre-Seigneur qui l'a fondée sur les douze Apôtres, à commencer par celui qui est Pierre. Mais ils ont été vite dispersés dans l'épreuve. Ils ont été passés au crible comme le froment, selon une expression bien biblique (Luc 22,31). Ce n'est que dans le "Souffle" promis et reçu que l’Eglise a repris Vie.

Et, aujourd’hui comme hier, les chrétiens sont invités à contempler les œuvres de l'Esprit et à se laisser envelopper par ce "Souffle Saint". C'est lui qui nous donne et nous donnera de vivre comme le Christ en nous rappelant tout ce qu'il nous a dit.
Il nous plongera dans cette Parole de Dieu qu’est le Fils de Dieu venu en ce monde.
Il nous donnera le regard, le style de vie et la force du Christ.
Il nous désencombrera de tout le superficiel. Le Seigneur Jésus désirait des troupes légères : “N'emportez pas trop de choses pour la route” disait-il. Nous en avons probablement trop ajouté à l'extérieur. Mais le "Souffle Saint" est le “Maître intérieur” et le “Père des pauvres”. C'est tout dire. Le reste nous sera donné par surcroît.

Aussi, n'hésitons pas à prier l'Esprit-Saint" !
Lorsque Jésus commençait à prier, St Luc note : "Il tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit-Saint" (Lc 10. 21)... Et alors il annonce : "... Combien plus votre Père du ciel donnera-t-il l'Esprit-Saint à ceux qui l'en prient !" (Lc 11.13).

Prions aujourd'hui avec ces formules que la liturgie a retenues :
- "Viens, Esprit-Saint, viens en nos cœurs, viens Consolateur !
- Toi l'envoyé du Dieu Très haut, Tu t'es fait pour nous le défenseur !
Tu es l'Amour, le feu, la source vive, Force et douceur de la grâce du Seigneur
- Mets en nous ta clarté ; Répands en nous l'amour du Père,
- Donne-nous ta vigueur éternelle. Hâte-toi de nous donner la paix
Afin que nous marchions sous ta conduite !
- Fais-nous voir le visage du Très-Haut et révèle-nous celui du Fils
Et Toi, l'Esprit commun qui les rassembles,
Viens en nos cœurs : qu'à jamais nous croyons en toi !

Aucun commentaire: