mardi 28 mai 2013

Regard d'amour !

8. T.O. Lundi-Mardi        -                            (Mc 10.17-31)

Nous savons que St Marc dont nous lisons l'évangile tout au long de l'année en le "temps ordinaire" fut le disciple de St Pierre. Or Simon, le futur chef des apôtres, se souviendra longtemps de ce moment où, d'après St Jean (1.42), il fut présenté à Jésus par son frère André. Il se souvient bien : "Jésus le regarda et lui dit : 'Tu es Simon ! Désormais, tu t'appelleras Pierre'". Littéralement, il est dit : "Jésus regarda en lui", ce qui le transforme au point de devenir tout autre : Simon devient Pierre !

Pierre se souviendra à jamais de ce regard de Jésus. Il se souvient des regards de Jésus. Aussi, son disciple Marc note assez souvent ces regards pénétrants de Jésus dont Pierre devait lui parler.
- Déjà on devine l'attitude habituelle de Jésus quand il enseignait : "Il parcourait du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui..." (Mc 3.34).
- Un jour de sabbat, Jésus veut guérir un homme à la main desséchée. Les pharisiens n'approuvent nullement. Et Marc note : "Jésus, promenant sur eux un regard de colère, navré de l'endurcissement de leur cœur..." (Mc 3.5)

Hier dans l'évangile, Marc note en très peu de lignes les regards de Jésus à propos du jeune homme riche :
- "Jésus fixa sur lui son regard et l'aima !" C'est le même mot que St Jean emploie à l'occasion de regard posé sur Simon, lors de sa rencontre avec Jésus : "Jésus regarde en lui".
- Mais, à l'inverse du futur chef des apôtres, le jeune homme détourne son regard. Il ne se laisse pas regarder par le Fils de Dieu qui l'aime !  Comment cela peut-il se faire ? C'est le mystère de notre liberté ! Le jeune homme choisit. Il choisit l'héritage de la vie terrestre - avec tristesse, est-il dit cependant - et renonce à l'"héritage de la Vie éternelle", comme il le demandait pourtant à Jésus !
- Le regard de Jésus fut certainement voilé de peine et de tristesse : "Jésus regarda autour de lui et dit : 'Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu' !".
- Etonnés, les disciples demandent : Mais alors, "qui peut être sauvé ?". Jésus les regarde et répond : "Pour les hommes c'est impossible, mais pas pour Dieu ! Car tout est possible à Dieu !".

"Tout est possible à Dieu !". Pour cela il faut accepter d'être totalement "regardé" par Jésus - un regard qui va "à l'intérieur de nous-mêmes", au plus intime de nous mêmes et qui sollicite notre foi, notre confiance.
+ Lors des promesses étonnantes faites à Abraham et Sara au début des temps, il leur est demandé : "Y-a-t-il une chose trop prodigieuse pour Dieu ?" (Gen 18.14).
+ A la "plénitude des temps", c'est-à-dire à l'accomplissement des promesses lors de l'Incarnation, l'ange rappelle à Marie : "Rien n'est impossible à Dieu !"' (Lc 1.37).

Mais il faut bien comprendre : le "possible" de Dieu ne peut se réaliser que dans l'"impossible" de l'homme. Il faut que l'homme se détache des biens de ce monde et - par voie de conséquence - du regard admiratif des hommes ; il faut que l'homme se détache de lui-même, du regard admiratif, suffisant qu'il se porte à lui-même, pour accueillir pleinement et totalement le regard du Seigneur. C'est ce qu'il y a de plus difficile : quand on est trop "plein" de soi-même, il n'y a plus de place pour le regard aimant de Dieu, et encore moins pour le regard suppliant de ses frères.

"Ne rien préférer à l'amour du Christ", demande St Benoît. La vie chrétienne, à la suite de Pierre et de tous les apôtres, consiste à se laisser regarder d'amour. La vie chrétienne est d'abord consentement plénier au regard d'amour de Dieu, se laisser regarder par Jésus, et, aussitôt, avec une humble et vraie tendresse, aimer et regarder à son tour.

Même si c'est parfois difficile, surtout au début, dit St Benoît - il s'agit là,  peut-être, de ces persécutions dont parle l'évangile -, nous goûtons peu à peu, dès ici-bas, à une plénitude de vie qui ne peut s'expliquer. Et nous témoignons comme Sirac le Sage (lecture) : "Donne au Très-Haut à la mesure de ses dons, d'un regard généreux selon tes ressources. Car le Seigneur sait rendre, il te rendra sept fois plus !". Et Notre Seigneur précise : Dieu te donnera "le centuple, en ce temps déjà... et, dans le monde à venir, la Vie éternelle !".


En ce sens François de Sales avait raison : "La vie, c'est le temps de chercher Dieu - 'chercher sa face', disent les psaumes, son regard -, la mort, le temps de le trouver, l'éternité, le temps de le posséder".

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