mardi 21 mai 2013

Adorer !


7. T.O. Mardi imp.          -   Adorer                           (Sirac 2.1-11)

Il y a comme un refrain qui revient par trois fois dans la lecture d’aujourd’hui : “Vous qui adorer le Seigneur… !“.

Que signifie ce mot "adorer" composé d’un préfixe “ad“ (vers) qui indique une direction et du verbe latin “orare“, prier ?

La préposition “Ad“, “vers“ indique donc une direction. On se tourne vers Dieu. Et vers Dieu seul !

C’est la première démarche de l’adoration : se détourner de soi pour se tourner vers Dieu. "Tournez-vous vers moi et soyez sauvés" (Is 45.22), dit Dieu par le prophète Isaïe. Ce grand homme de foi ne faisait que répéter, même dans les moments les plus tragiques de son peuple : "Dieu seul suffit !". Ce que répéteront tous les saints, comme Thérèse d'Avila : "Dieu seul suffit !", même lorsqu'elle était affrontée à des affaires très humaines, économiques, sociales... D'abord se tourner vers Dieu ! Ce que nous oublions trop.
Bien sûr, prêtres, religieux, chrétiens, nous réservons à Dieu des moments particuliers pour penser à Lui, Le prier. Mais ensuite on mène sa vie comme s'il n'existait plus : on L'oublie ! Bien plus, malheureusement, - le démon est si malin - le temps d’adoration est l’occasion d’un ruminement, d'une vision d'un film à l’intérieur de soi, de ses peines ou de ses joies, de ses échecs ou de ses succès… et de bien des affaires qu'il nous faut mener... Et on rumine, on rumine en oubliant Dieu !

Certes, il est bien normal que la pensée de l’homme se concentre la plupart du temps sur les richesses de la terre de sorte qu’elles puissent concourir - espérons-le - à son bien, à celui de ses proches, à ceux de sa communauté, de sa famille..., au bien de toute l’humanité ! C’est normal et légitime. Au seuil de l’histoire, Dieu n’a-t-il pas dit : “Multipliez vous…, remplissez la terre et dominez la !“.

Mais, dira St Paul, “Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?“ (I Co. 4.7). La première démarche de l’adoration consiste donc à se tourner vers Dieu dans un grand sentiment de reconnaissance. L’homme, certes, ne cesse de prendre possession du monde - et c’est bien -, mais il oublie trop souvent d’en faire hommage à Dieu. Il est bien le roi de la création, mais il oublie d’en être le prêtre.

D’autant que tout ce qui est sorti des mains du Créateur est bon - “Et Dieu vit que cela était bon !“ -. L’adoration inclut avant tout cette admiration de la beauté des œuvres de Dieu et s’accompagne d’une haine pour tout ce qui vient la caricaturer, l’abîmer, la salir et d’abord en nous-mêmes et autour de nous.
Le psaume 104 le dit merveilleusement. En considérant tout ce que Dieu nous donne - et l'être et la vie et toute la création -, nous devrions sans cesse rebondir dans l'action de grâces, faire "hommage à Dieu" de toute la création, disait Claudel.
"Toute ma vie, je chanterai le Seigneur ;
le reste de mes jours, je jouerai pour mon Dieu.
Que mon poème lui soit agréable !
Et que le Seigneur fasse ma joie ! (Ps 104)
Et ce sentiment de joie s'accompagne d'un sentiment très dur dans le verset suivant que parfois on met hypocritement entre parenthèses ou italiques :
"Que les pécheurs disparaissent de la terre ;
Et que les infidèles n'existent plus !"
Ce verset veut dire simplement que l'admiration de la beauté des œuvres de Dieu s'accompagne obligatoirement d'une haine non pas contre les "pécheurs", les "infidèles" - nous le sommes tellement nous-mêmes ! -, mais contre tout ce qui vient abîmer, salir cette beauté des œuvres de Dieu ...
Il faudrait, disait encore Claudel, avoir "une intelligence dure et un cœur tendre", une "intelligence dure" qui n'appelle pas beau ce qui est lad, ou laid ce qui est beau (pas d'amalgame !!!), et en même temps un cœur tendre comme celui de Jésus qui allait vers les marginaux, publicains, prostituées, etc..., et non vers les "professionnels" de la vertu, ces "sépulcres blanchis".

La première démarche de l’adoration consiste donc à se tourner vers Dieu avec un sentiment de gratitude, de reconnaissance, en ayant l’esprit assez pur pour ne pas appeler bien ce qui est mal, et beau ce qui est laid, alors même que nous avons toujours besoin de la miséricorde de Dieu pour purifier en nous toute laideur et tout mensonge qui éloigne de Dieu et entrave toute adoration.

“Puisque Dieu, dira Bossuet dans son grand style, nous a fait l’honneur de nous créer à son image et que le propre de la religion est d’achever dans nos âmes cette divine ressemblance, il est clair que quiconque approche de Dieu doit se rendre conforme à Lui. Et par conséquent, comme il est Esprit et Esprit pur…, il faut épurer nos âmes et venir à cet Esprit pur avec des dispositions qui soient toutes spirituelles…“.  La prière, avait déjà dit Tertullien, “doit procéder du même Esprit auquel elle s’adresse. Personne ne reçoit celui qui lui est opposé…“. D'ailleurs, nul n'est capable, sans l'Esprit-Saint, de s'adresser à Dieu en lui disant "Père" (Gal 4.6 ; Rm 8.15-16), "Notre Père", comme nous l'a pourtant enseigné Notre Seigneur !

Aussi, notre lecture avait précisé : "Vous qui adorer le Seigneur, reposez-vous sur sa miséricorde… Vous qui adorer le Seigneur, ayez foi en lui…¸ Vous qui adorer le Seigneur, espérez ses bienfaits !". Espérance, Foi, Amour de Dieu “plein de tendresse et de miséricorde“, voilà les sentiments qui doivent remplir toute adoration de Dieu. 

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