dimanche 26 mai 2013

Sainte Trinité !


Trinité 2013

En comparaison de bien des fêtes comme Noël, Pâques, Assomption, Toussaint, celle de la Sainte Trinité nous paraît bien abstraite. Et la formule apprise autrefois au catéchisme n’arrangeait rien : “Un seul Dieu en trois personnes”. Formulation qui a comme une résonance de mathématique céleste un peu difficile : trois faisant toujours un ! Formulation qui suscitait, évidemment, bien des plaisanteries pour un si grand et profond mystère ! 
Naguère, le fameux chanoine Keer, maire de Dijon et député, à qui, en pleine Assemblée nationale, on reprochait, en faisant allusion au mystère de la Trinité, de ne pas savoir compter jusqu’à trois, rétorqua avec son humour habituel qu’il était encore plus déplorable pour un député de n’avoir pas assez d’intelligence pour dépasser la table d’addition, car pour lui : un multiplié trois fois par un, c’est toujours un !

Mais trêve de plaisanterie ! Les artistes et notamment les peintres se sont essayés, avec talent souvent, à évoquer ce mystère dans sa complexité ! Mais aucune image, aucun tableau ne suffisent à dissiper le brouillard. Alors, comment comprendre ? 

Pour nous aider, il faut d'abord dire et redire que le mystère de la Sainte Trinité, avant d'être un dogme, c'est une expérience, l'expérience des apôtres d'abord, et des premiers chrétiens, et ceux d'aujourd'hui, la nôtre. 
Je le dis d’autant plus fort que je me souviens bien - ce n’est pas une indiscrétion - : jeune prêtre à l’Abbaye, ma fonction m’amenait à côtoyer fréquemment ceux que l’on appelait autrefois “frères convers”, religieux parfois originaux mais très fervents sans pour autant avoir fait grande théologie. Or je me souviens : l’un d’eux, bien plus âgé que moi-même, était comme fasciné par le mystère de la Trinité : Il faisait l’expérience de ce mystère au point qu’il en parlait parfois avec simplicité et une justesse que les théologiens n’auraient pas contredit. Il vivait intérieurement de ce mystère. Oui, la Sainte Trinité, avant d’être un dogme, c’est une expérience !

L’expérience des apôtres d’abord. Ils avaient hérité, bien sûr, de la foi de leur peuple - le peuple Juif -, de cette foi qui affirmait, face au polythéisme ambiant, qu’il n’y avait qu’un seul Dieu ! Et ils priaient en toute confiance le Dieu Unique, redisant les mots des psalmistes : Dieu est notre rocher, un abri, une forteresse, un chemin, une lumière. L’expérience des apôtres, c'était d'abord cela.

Puis, ils ont fait une autre expérience. Pendant trois ans, ils ont partagé la vie de Jésus. Impossible de résumer, en quelques instants, leur longue découverte. Retenons seulement qu'après la mort de Jésus, se souvenant de la manière dont il avait vécu, de la façon dont il était mort en aimant, en pardonnant, se souvenant des apparitions où ils l'avaient revu vivant, ils ont acquis la certitude que Jésus n'était pas seulement un prophète comme les autres, si grand fusse-t-il, mais qu'il était “Seigneur” (Kurios). Autrement dit, ils ont osé croire et osé dire que Dieu lui-même s'était rendu visible dans l'existence de cet homme, son Fils. Quand il parlait, quand il agissait, c'était Dieu qui parlait et qui agissait. 
Enfin, ils étaient sûrs que le Christ était encore et toujours avec eux par son Esprit qu'il leur avait promis en les quittant, cet Esprit qui leur donnait la force de proclamer son Nom partout en dépit des difficultés. Ainsi, très vite, même si le mot “Trinité” ne leur était pas connu, cela ne les empêchait pas de célébrer avec foi le Dieu Père, Fils et Esprit.

C'est à la fin du 4ème siècle seulement qu'on a parlé de Trinité. Pourquoi ? Parce qu'il a bien fallu, à cause des hésitations et des erreurs sur Jésus et l'Esprit Saint, traduire le mystère dans un langage qui ferait référence. Après de nombreuses péripéties, la foi des chrétiens se formula et se fixa au concile de Nicée (325) et au concile de Constantinople (381)
A Nicée, on affirme que Jésus n'est pas une créature mais qu'il est vraiment “Fils de Dieu”. 
A Constantinople, on affirme que Dieu est “une seule nature en trois personnes”. Notions, concepts, formules théologiques sont utiles pour traduire le mystère en langage de référence.

Mais nous, nous sommes comme les apôtres. Notre foi en la Trinité, avant d'être un dogme et une formulation théologique, est une expérience, l'expérience des apôtres, une expérience transmise et relue par les générations chrétiennes.

Nous ne prononçons pas souvent le mot “Trinité”, mais nous prononçons souvent les noms du Père, du Fils et du Saint Esprit, ne serait-ce qu’au début de chaque célébration. Et en toute famille chrétienne, le premier geste qu’on transmet à ses enfants est ce signe de la croix et de la Trinité, comme étant l’élément premier et principal de notre foi !

Aussi, sachons nous-mêmes reprendre, à tout âge, ce signe de croix que nous faisons tous, reconnaissons-le, trop machinalement, même si l'on est religieux, religieuse... 
Ce signe de croix, ce signe de la Trinité, accompli parfois avec simagrée ou grimace comme pour chasser une mouche, m'attriste beaucoup. La Vierge Marie, dans ses apparitions, à Lourdes ou ailleurs, recommandait de toujours faire une "beau signe de croix". Elle l'enseignait en le faisait elle-même magnifiquement et simplement tout à la fois. 
Le signe de la croix est vraiment le signe du chrétien. Il le fait, certes, en rappelant les souffrances rédemptrices du Christ. Mais il le fait également en professant le mystère de Dieu, le mystère de Dieu-Trinité, Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. 

Je ne sais pas où j'ai lu ce beau commentaire de ce signe de croix, mais je vous le livre :
- Au nom du Père, la main sur le front, siège de notre intelligence ; c'est de là que part notre vie. Alors, nous affirmons, comme le faisaient déjà les apôtres, que le Père est source de la vie.
- Au nom du Fils, la main sur le cœur, lieu symbolique de l'amour humain. Alors, nous affirmons que le Fils nous a aimés jusqu'à vivre notre vie d'homme, jusqu’à donner sa vie. C'est l'Incarnation que nous affirmons ainsi, irréductible originalité de l'expérience chrétienne.
- Au nom du Saint Esprit, la main sur les épaules dans un sens horizontal. Alors, c'est l'Esprit qui nous aide à porter le poids de toute notre vie et à crier la “Bonne Nouvelle” du Christ toujours vivant à tous les horizons du temps et de l’espace. 
- Amen. Oui, j'y crois, c'est vrai, c'est solide comme un rocher, comme une pierre. 

Oui, nos prières, nos célébrations débutent par ce signe de la Trinité, parce que notre prière s'adresse au Père, au Fils et au Saint-Esprit. 

Voyez, ce matin, en ce moment, qu'est-ce qui fait le lien entre nous, ici rassemblés, et tous les chrétiens du monde entier ? C’est cette affirmation : nous sommes rassemblés “au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit”. 
Nous croyons que le Christ est au milieu de nous. “Quand deux ou trois sont réunis en mon Nom, a dit Jésus, je suis au milieu d'eux”
Nous célébrons la mort et la Résurrection du Christ, mais toute notre prière eucharistique est adressée au Père, par Jésus et dans l'Esprit. 
Nous communierons tout à l'heure pour nous unir au Christ et c'est au Père que nous demanderons “qu'ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l'Esprit Saint en un seul Corps”.

Le dogme peut nous sembler quelquefois complexe, mais notre expérience de croyant, elle, ne nous trompe pas. “Dis-moi comment tu pries, je te dirai ce que tu crois”, disent les théologiens. Eh bien, nous prions le Père, le Fils et l'Esprit Saint. Avec la Trinité, nous sommes tellement tous unis dans la joie de l'Amour de Dieu. 
Dante avait bien raison : il écoutait déjà, dans la "Divine Comédie", chanter la Trinité de Dieu. Aussi, il écrivait émerveillé : "Il me semblait entendre le rire de l'univers !".

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