mercredi 29 mai 2013

Donner, se donner !

8. T.O. Mercredi                                            (Mc 10.32-45)

Hier et avant-hier, d'après l'évangile de Marc, Jésus avait été extrêmement clair : pour le suivre - pour être son disciples, pour être chrétien -, il nous faut tout quitter : non seulement les richesses de ce monde et la considération qu'elles peuvent susciter ("vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres"), mais se quitter soi-même. Il faut se quitter soi-même, "se vider soi-même", comme disait St Paul à propos du Christ : "Lui de condition divine..., il s'est dépouillé ("ékénôsen" : il se vida)...", rappelant ainsi l'expression d'Isaïe (53.12b) selon les Septante : "Il a vidé son âme dans la mort". Oui, "il s'est dépouillé, abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort" (Phil. 2.7-8).

Mais s'il faut aller jusque là, ce n'est nullement dans un esprit d'anéantissement, de destruction qui serait incompréhensible ; mais c'est pour mieux être "capax Dei", avoir la capacité d'être rempli de la richesse de Dieu, de son amour, de sa force... St Paul souligne souvent ce paradoxe de la condition chrétienne : Avec la grâce du Christ, dit-il, "ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse...". -  "C'est lorsque je suis faible que je suis fort !" (2 Co. 12.9-10). "De sorte, dit-il encore, que "notre corps semé corruptible ressuscite incorruptible ; semé méprisable, il ressuscite éclatant de gloire ; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force..." (I Co. 15.42).
C'est ce qu'annonçait Notre Seigneur dans l'évangile d'hier : "Celui qui aura tout quitté à cause de moi recevra, en ce temps déjà, le centuple, et, dans le monde à venir, la Vie éternelle !". Jésus est donc très clair. Et cet enseignement, il le vivra lui-même totalement en son mystère pascal, en sa Pâques, ce "passage" de mort à vie !

Mais les apôtres semblent n'avoir pas compris. Ils comprennent bien que Jésus parle d'un Royaume. Mais ils l'envisagent à la façon très humaine ! Ainsi, Jacques et Jean, se sentent comme "premiers ministrables" en ce Royaume à venir, ce qui provoque la jalousie des autres apôtres qui s'imaginent, eux aussi, en bonne place !

Aussi, Jésus, sans se fâcher de leur manque d'intelligence - ce qu'il leur reprochera plusieurs fois avec force -, précisera de façon lapidaire : "Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous". Il s'agit non pas à rechercher à être servi, mais au contraire, à servir, à l'exemple du Seigneur lui-même : "donner sa vie en rançon pour la multitude" ! Ce que nous célébrons en toute Eucharistie !

J'avais noté naguère que le pape Jean-Paul II avait bien souligné cet enseignement du Christ : "Ces paroles du Christ, disait-il, indiquent quel est le chemin qui conduit à la grandeur évangélique... C'est la voie que le Christ lui-même a parcouru jusqu'à la croix..., un itinéraire d'amour et de service qui bouleverse toute logique humaine... : Etre serviteur !"

Il parlait ainsi à l'occasion de la béatification de Mère Térésa (19.10.03). Aussi, après avoir rappelé : "Qui veut être grand parmi vous doit se faire serviteur...", il ajoutait : "La vie de Mère Térésa est un témoignage de la dignité et du privilège que revêt le service rendu humblement... ; elle a choisi non seulement d'être la plus petite, mais la servante du plus petit. Sa grandeur réside dans sa capacité à donner sans compter, à donner jusqu'à souffrir... Sa vie a été une existence radicale et une proclamation audacieuse de l'Evangile", de notre évangile d'aujourd'hui !

Elle voulait être signe de l'amour de Dieu, de la présence de Dieu, de la compassion de Dieu, rappelant ainsi la valeur et la dignité de chaque enfant de Dieu, créé pour être aimé et aimer. Ainsi amenait-elle les âmes à Dieu et Dieu aux âmes. Et lorsque les moments devenaient très difficiles, elle s'agrippait avec plus de ténacité à la prière devant le Saint-Sacrement.

Soyons tous à son école, disait le pape Jean-Paul II. Lors de sa béatification, on l'a représentée ainsi : d'une main, elle tenait la main d'un enfant ; et de l'autre, elle égrenait un chapelet. Prière et action. Image emblématique : être à la fois tourné vers Dieu et tourné vers le pauvre !  Notre Pape François ne fait que reprendre cet enseignement...

Et puisque nous sommes à la fin du mois de Mai, du mois de Marie, je vous rapporte, pour terminer, une anecdote que j'ai lue récemment :
Il s'agit d'un voyageur qui prend l'avion à Chicago. "Deux religieuses, dit-il, s'avançaient dans le couloir de l'avion, vêtues de simples habits blancs bordés de bleu. Je reconnus aussitôt le visage familier de l'une d'elles... Les deux religieuses s'arrêtèrent et je réalisai que mon voisin de siège allait être Mère Téresa.
Comme les derniers passagers s'installaient, Mère Teresa et sa compagne de voyage sortirent leurs chapelets. Je remarquai que chaque dizaine était formée de grains de couleurs différentes. Mère Téresa m’expliqua par la suite que les dizaines représentaient différentes parties du monde. Elle ajouta : "Je prie pour les pauvres et les mourants sur chaque continent."
Les deux femmes se mirent à prier de façon presque audible, comme un murmure. Bien que je me considère comme un catholique peu religieux, je me joignis à cette prière presque sans m'en rendre compte. Mère Teresa se tourna vers moi, et à ce moment son regard m'envahit d'un sentiment de paix. "Jeune homme," demanda-t-elle, "vous récitez souvent le chapelet ?" - "Non, pas vraiment", avouai-je. Elle me prit la main, tout en me scrutant des yeux. Puis elle me sourit. "Eh bien, vous le ferez maintenant." Et elle déposa son chapelet dans mes mains. (…).

Depuis cette rencontre inattendue dans l'avion, ma vie a changé. (…) J'essaie maintenant de me souvenir de ce qui compte vraiment. Ce n'est pas l'argent, ni les titres ou les biens, mais la façon dont on aime les autres".  C'est tout l'enseignement de notre évangile !

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