lundi 17 septembre 2012

Eucharistie et Communion


24 T.O. Lundi 12/B       -     (I Co 11.17sv)

En notre lecture d’aujourd’hui, St Paul continue à “vider son sac“, si je puis dire, face aux Corinthiens orgueilleux et indisciplinés, ou plus exactement indisciplinés parce que orgueilleux comme il leur a déjà fortement reproché. D’après ce que dit l’apôtre, on devine que, selon une connaissance gonflée de suffisance, certains Corinthiens avaient laissé les mœurs des païens envahir la liturgie la plus solennelle : l’Eucharistie ! Ce n’est donc pas nouveau que des considérations purement humaines, sous prétexte d’une certaine connaissance supérieure ou d’un sentiment qui se veut - soi-disant - plus fraternel, viennent voiler et ternir en quelque sorte les mystères mêmes de Dieu !

On peut penser - ce n’est pas très précis - que des manières de faire d’un repas plus fraternel étaient pratiquées avant ou après l’Eucharistie, et même, selon certains, étaient insérés au cours de la célébration elle-même ! C’était hier, au temps de St Paul. Mais cette tendance n’a pas perdu de son actualité. C’est toujours la question de ce que j’appelle les “inversions sacrilèges“ : célébrer l’Eucharistie avec des préoccupations - rituelles ou autres, “intégristes“ ou “progressistes“ - trop humaines, sous prétexte d’une connaissance supérieure ou d’une piété plus fidèle. Les chrétiens que Paul interpelle croyaient certainement et fermement à l’Eucharistie. Mais ils n’en tiraient pas les conséquences pratiques et montraient leur inconséquence, sous prétexte d’une connaissance supérieure, d’une façon affligeante en sa célébration elle-même. N’est-ce pas parfois notre cas, peu ou prou ?

Cette attitude entraîne obligatoirement des divisions, aujourd’hui comme hier ! Mais, bien que St Paul en ait certainement souffert, il explique dans sa lettre comment la Providence le permet. Même si ces divisions vont jusqu’à des schismes, le chrétien ferme et fidèle ne fléchira pas devant une attitude qui pourrait l’ébranler. Avec Notre Seigneur lui-même, il sait que les scandales sont inévitables. Mais c’est toujours, dit l’apôtre, une occasion de voir ceux qui résistent à l’épreuve. St Jacques exprimera le même enseignement : Tenez pour une joie suprême, mes frères, d'être en butte à toutes sortes d'épreuves. Vous le savez : bien éprouvée, votre foi produit l’endurance ; et l’endurance, une œuvre parfaite“. (Jc 1.24). Ce sont les tribulations qui vérifient la foi ! Les tribulations et frictions de toutes sortes au sein d’une communauté fraternelle sont nécessaires pour donner à la charité des meilleurs l’occasion de se manifester, de s’exercer et de croître !

          Mais - cette réflexion étant faite - il n’empêche et qu’on se le dise : la liberté chrétienne n’est authentique que si elle est pénétrée de charité (Cf. Ga. 5.13). Aussi l’apôtre avait déjà dit : “Prenez garde que la liberté dont vous usez ne devienne une occasion de chute pour les faibles !“ (I Co. 8.9). La foi n’est véritable que si elle soutient la foi des frères (Rm 14.1-23).

Et l’apôtre d’en profiter : il rappelle à quelle “tradition“ formidable certains manquent en la circonstance, sans qu’ils s’en rendent compte peut-être ! Il s’agit non point de rites mais d’un ordre émané du Seigneur lui-même : “Faites ceci en mémoire de moi !“. Il s’agit donc de célébrer comme “mémorial“ la mort rédemptrice du Seigneur. Il s’agit donc de célébrer ce grand mystère dans le même esprit de recueillement sublime, d’immolation parfaite, d’amour universel infini dans lequel le Christ les l’a institué ! Il s’agit de célébrer ce grand mystère du Christ qui le rend présent parmi les hommes pour proclamer sa mort, la rendre encore visible, annoncer sa résurrection jusqu’à l’heure de son retour glorieux dont ce sacrement lui-même est le gage ! Qu’on se le dise : les divisions et les attitudes qui viennent de sentiments trop orgueilleusement humains voilent ces vérités si terriblement impressionnantes. Et puis, on pourrait trop le penser : ces attitudes si humaines révèleraient-elles que ces vérités si divines ne sont pas comprises ou qu’elles ne suffisent pas ?

Pour Paul, il ne s’agissait pas de proposer un nouvel objet de foi aux Corinthiens ! Mais de les ramener à agir d’une manière digne de leur foi, en les empêchant de manquer à la charité et à l’égalité fraternelle, en même temps qu’à la décence, dans la célébration d’une commémoraison de la charité du Sauveur ! Il y a donc un lien très étroit entre le récit de la Cène et la leçon de charité et de décence que Paul veut donner à ses fidèles. Et cette leçon est toujours, me semble-t-il, d’actualité !

Mon propos ne veut pas - surtout en tant qu’ancien curé de paroisse, et aujourd’hui encore - minimiser l’importance du caractère communautaire de la célébration de l’Eucharistie sur lequel Vatican II a fortement et très légitimement insisté. Et certains ont encore du mal à reconnaître ce caractère en faisant pratiquement de l’Eucharistie le grand exercice d’une piété trop personnelle. - Mais je veux dire que, quelle que soit cette importance au point de vue spirituel et pastoral, l’Eucharistie est avant tout communion au Christ, à sa croix et à sa résurrection. Elle est d’abord cela avant d’être signe et agent de communion fraternelle. Et elle n’est signe et agent de communion fraternelle que parce qu’elle est communion de chacun à un seul Pain, à une seule Coupe. L’unité est créée non par une démarche directe d’homme à homme, mais par une foi commune en Celui dont chacun mange la chair et boit le sang.
Il me semble que c’est la grande leçon de St Paul.


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