mardi 11 septembre 2012

Disputes ! ?


23 T.O. Mardi 12/B          (I Co. 6.1-11).

Le cas d’inconduite notoire que St Paul a condamné l’entraîne à réprimer également d’autres abus : querelles, disputes, conflits qui provoquent des procès judiciaires devant les tribunaux païens ! On sait que Corinthe, déjà de mauvaise réputation morale, était une ville “chicanière“ !

Ce passage de la lettre de Paul est instructif sur l’organisation interne que l’apôtre voulait imposer aux convertis (V/1-8) et sur la moralité chrétienne en contraste avec leurs anciennes mœurs (V/8-11)

Le ton de Paul est toujours abrupt, incisif : “Lorsque vous avez un différend, comment osez-vous le faire juger par les païens… ?“ C’est indigne ! C’est un crime ! Un crime de “lèse-majesté chrétienne“, si l’on peut dire ! Le monde païen ne saurait juger selon le sens chrétien, surtout en certaines matières délicates (mariages, rapports entre maître et esclave… etc). Comment des païens peuvent-ils comprendre les nouveaux rapports que les chrétiens doivent entretenir entre eux, comprendre leur exigence d’équité, de mansuétude par lequel l’enseignement de l’Evangile doit corriger certains aspects du droit antique…?

Et puis, avec Paul si instruit, il faut penser encore aux peines si dures qu’infligeaient parfois les tribunaux d’alors : un chrétien tendant à une véritable charité pouvait-il ainsi exposer son frère ? … Autrement dit, si deux chrétiens ont le malheur (!) de n’être pas d’accord en affaires, l’apôtre estime que leur cas ne peut être tranché, avec toutes les garanties d’une vraie justice, que par d’autres chrétiens qui peuvent instruire selon une morale chrétienne…

Et puis il  y a cet argument décisif : “Ne savez-vous pas que les fidèles jugeront le monde… et les anges eux-mêmes ?“ - C’est la promesse annoncée par le Christ à ses apôtres : “Quand le Fils de l’homme siègera sur son trône, vous siègerez, vous aussi…“ (Mth 19.30). “Tout jugement a été remis au Fils“ (Jn 5.22)…. Et l’Eglise, Corps mystique du Christ, participera au pouvoir royal et judiciaire de son Chef ! - Ainsi donc, des hommes appelés à cette si haute distinction - avoir part au jugement éternel du monde - devraient quand même se faire davantage confiance pour trancher des difficultés relativement insignifiantes…

Alors, ajoute St Paul avec un humour toujours ironique : Si vous êtes destinés à avoir part au grand jugement céleste…, et bien soit ! Pour les choses de cette vie, beaucoup plus terre-à-terre, faites donc siéger des gens terre-à-terre, de peu d’importance !

L’ironie est mordante ! L’apôtre le sent lui-même. Aussi l’explique-t-il par son désir de les humilier avec raison : “je le dis pour vous faire honte !“. N’y-a-t-il donc chez vous aucun frère assez sage pour pouvoir juger entre ses frères ? Que des incroyants qui normalement devraient être portés, devant le spectacle de votre charité chrétienne, à s’ouvrir à la foi chrétienne soient pris comme juges de vos défauts d’amour fraternel, cela dépasse tout !

De toute façon, avoir des procès entre vous, c’est déjà une déchéance… ! Et pourquoi alors, ajoute-t-il encore avec un humour grinçant, pourquoi ne pas aller jusqu’à ces déchéances, ces injustices et ces dépouillements que certains païens veulent vous faire subir en justice ? [Remarquons au passage que Paul ne condamne pas tout recours aux autorités judiciaires qui, en certains cas, peut être une nécessité ou même un devoir…]. Mais, en la circonstance, c’est vous qui commettez l’injustice et dépouillez les autres… Et ce sont vos frères ! C’est un comble !

“Ne vous y trompez pas !“. La vigueur et l’insistance marquée par cette apostrophe font penser que dans cette Corinthe, à côté d’une pratique très large, il y avait encore probablement des enseignements laxistes dont il sera fait allusion au ch. 8ème.

“Ne vous y trompez pas !“  Ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères… etc… n’hériteront du Royaume de Dieu. Et Paul en revient au cliché de sa morale habituelle. Tout cela vous l’étiez…, du moins un certain nombre. Mais “vous avez été lavés, sanctifiés, purifiés, au nom de Jésus Christ, et par l’Esprit de notre Dieu !“.

Pour conclure rapidement, je dirais : Il est vrai que nous avons tous nos limites. Et, en général, malheureusement, nous ne sommes pas limités par des lignes courbes. Nous sommes plutôt des figures polygonales : alors, gare au voisin ! Et que celui-ci se gare !

N’oublions donc pas qu’au baptême, nous avons tous été engendrés comme fils de Dieu et que nous avons tous reçu une grâce de nous aimer à titre d’enfants du même Père, divinement et du fond du cœur. La charité fraternelle doit donc l’emporter en toute circonstance, doit prendre, de ce fait, des nuances d’une “philostorgia“, dira St Pierre (I Pet 1.22), c’est-à-dire d’une affection de famille ou l’on s’aime d’instinct. Il s’agit d’une religieuse tendresse, fusionnant attachement spontané et respect lucide comme le soulignera St Paul : “vous aimant cordialement les uns les autres avec philadelphie (affection) ; vous prévenant les uns les autres en marques d’honneur“ ! (Rm 12.10).


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