dimanche 26 janvier 2014

Aller dans le monde !

3e Dimanche du "Temps Ordinaire" - 2014.A 

"Jésus quitta Nazareth et vint habiter Capharnaüm !".
Vous dites peut-être de temps en temps, face à une pagaille, à un désordre matériel ou moral, face à une situation rocambolesque ("abracadabrantesque" !) : "Quel Capharnaüm !".
Cette petite ville, ou plus vraisemblablement ce village, n'avait pas bonne réputation. Dans la même invective Jésus citera cette bourgade avec Chorazin, Bethsaïde et tous les bourgs des bords du lac de Génésareth qui malgré les nombreux miracles accomplis en cette région n'ont pas fait pénitence, ne se sont pas convertis (Cf. Mt 11.20 sv).

C'est pourtant là qu'après l'arrestation de Jean- Baptiste, Jésus vient habiter.
C'est de là qu'il ira annoncer la "Bonne Nouvelle" !
C’est là, à ce carrefour important de routes (croisement d'"autoroutes romaines"), en ce lieu de brassage d’hommes qui obligeait à un poste de douane, c’est là qu’un jour, il s'arrêtera, passera à ce poste de douane et dira simplement à Lévi, le fils d'Alphée : "Viens, suis-moi !" (Mc 2,13).
Ce poste frontière était "aux confins de Zabulon et Nephtali". Mais n'y regardons pas de trop près ! Matthieu ne veut pas faire œuvre ni de géographe ni d'historien. On ne parlait plus guère, à son époque, de Zabulon et de Nephtali, mais de la Galilée.
L'important, c'est de remarquer que Jésus commence sa mission à ce "carrefour des nations", en pleine masse humaine, bariolée et diverse, comme le fera son disciple Paul à Corinthe. A tous il dira : "Voici que le Royaume vient ! Il est là parmi vous !".
Quelque trois ans plus tard, en la première aurore du jour pascal, il donnera rendez-vous à ses amis, en leur disant : "Je vous précède en Galilée !". Et, leur apparaissant en cette région, il confiera sa mission à ses amis en leur disant : "Allez, enseignez toutes les nations".

Isaïe, huit siècles plus tôt, avait chanté cette aspiration à l'universalité que rappelle la première lecture : "Dieu glorifiera la route de la mer au-delà du Jourdain, la contrée des nations. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; sur les habitants du sombre pays une lumière a resplendi" (Isaïe, 8,23 ; 9,1). C’est d’ailleurs ce passage d'Isaïe qui a été retenu pour la fête de Noël, rappelant ainsi la venue de Dieu parmi les hommes.

Jésus ne se retire donc pas au désert, comme Jean-Baptiste ;
il ni ne prêche pas à Jérusalem comme les officiels de la Religion, les experts de la Torah.
Il n'ira même pas à Tibériade, toute proche, le nouveau centre politique.
Il ne se rendra pas non plus à Césarée, la résidence romaine.
Jésus choisit ce lieu de passage où I'on rencontrait la variété des hommes de toutes races et de toutes conditions. Et là, tout simplement, il demande à Simon et à son frère André - hommes simples, des pêcheurs du lac - de l'accompagner et ils s'en vont avec lui. Il fera de même avec Jacques et Jean qui, eux aussi, laissent leurs barques et leurs filets et le suivent sur les vagues de la marée humaine.

Et il est précisé juste après le passage de notre évangile : "les foules de la Galilée, de la Décapole, de la Judée et de la Transjordanie viennent à lui !". Dès le début de sa vie publique, Jésus veut mettre tous les hommes en mouvement. Il ouvre à "toutes les nations" des chemins nouveaux de rencontre, de rassemblement, d’unité.
Il dit être lui-même "le chemin" sur lequel les hommes peuvent aller au-delà d'eux-mêmes.
Il réoriente l'histoire vers Dieu ; il soulève, par la dynamique du Royaume de Dieu, la pesanteur de l'humanité.
Et pour cela, il libère du poids du péché. Il guérit de l'injustice, de la haine, de la violence et de toutes les maladies qui amenuisent la puissance d'aimer. Il fait passer un souffle de fraternité et incite sans cesse à la paix pour que naisse une humanité nouvelle à la mesure de l'amour de Dieu pour tout homme !

Au lieu de tracer des frontières entre les pays, les races et les classes sociales, selon la règle du plus grand profit ou du pouvoir le plus puissant, Jésus veut rassembler des hommes qui échangent et partagent. L'universalité ne peut être pour lui que fraternité d'hommes qui se reconnaissent fils d'un même Père et disent ensemble : "Que ton règne vienne !". Il est bon de le souligner à l'issue de la semaine de prière pour l'unité des chrétiens.

Mais malheureusement, aujourd'hui comme hier, il y a encore des tendances à refaire des "Jérusalem" qui toujours condamnent et tuent les prophètes, ces "fous de l'amour universel", qu’ils soient Jean Paul II, Mère Térésa, l’Abbé Pierre et bien d'autres que l'on a moralement ou physiquement tués.
Certains - et il faut peut-être prendre la réflexion à notre propre compte - certains chrétiens enferment la "Bonne Nouvelle annoncée à toutes les nations" en leur petite mentalité souvent orgueilleusement mesquine qu’ils prétendent imposer autour d'eux et partout. Et - chose comique si elle n’était pas parfois tragique - c’est eux qui crient le plus fort : "Il faut s'ouvrir au monde !", disent-ils, en oubliant
que la seule brèche ouverte sur l’univers, c’est le cœur transpercé du Christ en croix,
que le seul chemin qui rassemble dans la véritable unité, c’est le Christ qui, parce qu’il est Dieu et homme, peut conduire les hommes vers Dieu. Lui seul fait l’unité.

Il faut donc être d’autres Christs, des “Christophores” pour collaborer à la paix, à l’union des hommes entre eux ! Nous prions pour l’unité des chrétiens, nous prions pour la paix dans le monde. Et c’est bien ! Mais que notre prière, si elle nous permet de juger les actes, ne soit jamais sélective vis-à-vis des hommes. Le Christ, venu à ce “carrefour des nations” qu'était Capharnaüm appelle tout homme à lui, à la communion avec Dieu ! Il est important de se le dire, de se le redire !

Aussi, notre mission est claire : aujourd'hui, - qu'on le déplore ou non - c'est le monde entier qui est devenu le "carrefour des nations", par un immense brassage de populations, par les courts et les longs voyages devenus si faciles, par la mondovision et tous les autres moyens de communication.
Par le jeu mondial des interdépendances de tous ordres, il est plus facile à l'un d'entendre cette invitation : "Viens, suis-moi !", et à un autre de répondre à cet appel : "Allez ! De toutes les nations, faites des disciples !".  Par toute notre vie, soyons "sel de la terre", soyons cette petite mesure de levain qui fait monter toute la pâte humaine vers Dieu !

Dans cet extraordinaire carrefour des nations, la "Bonne Nouvelle", toujours aussi fraîche, aussi neuve, peut encore rassembler les hommes dans un même mouvement de fraternité, vers le Royaume de Dieu.
Puissions-nous, tous et chacun, travailler efficacement à ce rassemblement, à cette unité !
C'est la mission de tout baptisé ! Y pensons-nous ?


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