dimanche 12 janvier 2014

Descente et Remontée !

Baptême de Notre Seigneur. 2014.A   

Que peut évoquer ce récit du baptême du Christ par Jean-Baptiste ? Une image d'antan ? Un tableau de grand peintre ?... Un vitrail de cathédrale ? Pourquoi pas ? Mais il faut toujours faire attention à l'imagerie religieuse. Certains artistes nous ont laissé l'image du Christ à demi immergé dans le Jourdain, recevant un filet d'eau claire que Jean-Baptiste verse à l'aide d'un coquillage. Il ne manquait plus que le petit enfant de chœur, si je puis dire, avec, comme autrefois, sa soutane rouge et son surplis.
On n'a pas le droit d'en rester à de pareilles images quand on lit l'évangile qui, lui, nous livre, comme d'habitude, un tout autre message, et d'importance.

On pourrait prendre deux temps de réflexion :
- un temps pour la lecture du texte, ce que le texte veut dire.
- un temps pour la méditation du sens de ce récit.


D’abord la lecture du texte. Elle est difficile, déroutante ! Car, ce texte, finalement, est pour nous, une page savante bourrée d'allusions à l'Ancien-Testament. Il était certainement plus facile à comprendre pour les auditeurs juifs de Matthieu, familiers des Ecritures. Comme je l’ai plusieurs fois souligné, Matthieu est un “bon scribe” qui “tire de son trésor du neuf, - la nouveauté du message chrétien -, “et de l’ancien (Cf Mth 13.52) - toute l’histoire biblique qui trouve, avec lui, son sens plénier en Jésus -. Essayons de comprendre avec cette clef de lecture.

- Il y a le JOURDAIN.
Pour les Juifs, il avait une signification immense. Tous connaissaient la fameuse traversée du Jourdain que leurs ancêtres avaient faite sous la conduite de Josué pour entrer dans la terre promise. Pour eux, c’était comme le renouvellement du passage de la mer rouge, événement fondateur du peuple juif. C'est ainsi que le psaume 114ème (V/3) réunit tout à la fois la mer rouge et le Jourdain : "Quand Israël sortit d'Egypte, la mer s'enfuit, le Jourdain reflua !". Pour un Juif, ces deux événements n'en font qu'un. C'est l'événement divin par excellence en faveur du peuple de Dieu, le "Signe" de la "Pâque" - du "passage" -, de la servitude de l’homme au service de Dieu !
En sortant de l'eau du Jourdain, Jésus ne serait-il pas le fondateur du peuple nouveau qu'il conduit du royaume de ce monde, souvent dur et cruel, vers le Royaume de Dieu, Royaume de paix et de justice ? Pour nous, depuis notre baptême, Jésus est-il véritablement ce guide unique ?

- Il y a L’ESPRIT-SAINT SOUS LA FORME D'UNE COLOMBE.
-La Bible disait qu'à la création du monde, l’Esprit de Dieu planait sur les eaux pour que la terre y émerge. Jésus ne serait-il pas à l’origine d’une nouvelle création, au point que le visionnaire de l’Apocalypse s’écriera : “je vis une terre nouvelle et un ciel nouveau, car le premier ciel et la première terre avaient disparu”. - Jésus est-il toujours pour nous, comme dira encore St Jean, celui par qui rien de ce qui est ne fut sans lui ? (Cf. Jn 1.3)
- La Bible disait aussi qu'à la fin du déluge une colombe revint vers l'arche de Noé, porteur d'un rameau d'olivier. Jésus ne serait-il pas celui qui apporte la paix de Dieu et dans les cœurs et dans le monde ? - Croyons-nous en celui qui nous dit : "Je vous laisse la Paix, je vous donne ma Paix" (Jn 14.27)
- La Bible disait encore que, jadis, l'Esprit de Dieu allait d'un prophète à l'autre, jusqu'à ce qu'il ait trouvé où se reposer. Jésus ne serait-il pas "le prophète" tant attendu sur lequel repose définitivement l’Esprit de Dieu ? Jésus, nous dit encore St Jean, "parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui !" (Jn 7.39).

- Et puis : LE CIEL SE DÉCHIRA, S'ENTROUVRIT.
C’était le désir immense de tous les prophètes, de tous les hommes de Dieu : “Ah ! si seulement tu déchirais les nuages, si tu descendais du ciel !” (Is. 63.19).
La venue de Jésus ne serait-elle pas l'accomplissement de cette attente séculaire ? Jésus est-il toujours pour nous l'"Emmanuel" : "Dieu avec nous" ?

- Et il y a LA VOIX QUI VIENT DU CIEL.
Là, Matthieu semble mêler un verset de psaume (par ex. 2.7) et un extrait du poème du "Serviteur" d'Isaïe.
Autrement dit, Jésus ne serait-il pas le Fils de Dieu - seul Roi - qui accomplirait sa mission à la manière du "Serviteur souffrant" du prophète Isaïe ? Mais avons-nous intégré, dans le mystère de sa Pâque, la fulgurante lumière divine du dimanche pascale à partir des ténèbres douloureuses du Vendredi Saint ?

Voilà un langage un peu savant, Certes ! Mais c’est nécessaire pour lire St Matthieu, “ce bon scribe qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien”. 
Ainsi, on peut comprendre : Matthieu énonce en quelques lignes trois convictions de la foi chrétienne primitive :
* Jésus est le chef du peuple nouveau. Il le mène à sa véritable délivrance.
* Il a reçu l'Esprit (créateur) de Dieu et pourra le transmettre.
* Il est le Fils de Dieu, le Fils bien aimé du Père, et ce jusque sur sa croix !


Mais après cette lecture, il nous faut méditer, à l'exemple de Marie, "ruminer" le sens de ce texte de St Matthieu. Je ne ferai qu’une réflexion.

Jésus descend dans le Jourdain. Il descend dans ce fleuve dont le nom même (Yarden) signifie “descendre”. Ce fleuve, en effet, descend des monts neigeux de l’Hermon (+1200 m.) jusqu’au point le plus bas du globe, la mer morte (-430 m.), lieu de Sodome et Gomorrhe, lieu insalubre, lieu symbolique du péché du monde.
Autrement dit, en Jésus qui descend dans ce fleuve qui veut dire “descente”, c’est, en réalité, Dieu qui descend des hauteurs divines jusqu’à la bassesse de l’homme. Jésus descend dans le Jourdain, comme un pécheur pour rejoindre les pécheurs que nous sommes. Il descend comme autrefois Naaman, ce lépreux, qui se plongea dans ce fleuve pour être guéri de sa lèpre ; il s'y plongea sept fois comme pour souligner les sept jours de la création nouvelle que Jésus va accomplir.
Ainsi Jésus descend jusque dans la boue des péchés des hommes. Il descend pour prendre sur lui le péché du monde, disait Jean-Baptiste !

St Paul avait bien compris cela quand il reprend une hymne chrétienne que nous répétons à Pâques : “Jésus, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit (descendit) lui-même prenant la condition d’esclave, devenant semblable aux hommes…” (Phi. 2.6). “Il s’est fait péché, lui, le sans péché !” (2 Co. 5.21). Oui, c'est là, dans la “décharge” des péchés des hommes que Jésus descend, qu’il se “coule” dans le fleuve de notre humanité pécheresse.

Aussi, pour être sur la trajectoire de Dieu qui descend jusqu'à nous, il faut d’abord accepter de voir Dieu dans le banal de nos bassesses ; il faut se méfier du sublime qui n’est pas banal, ce banal humain où Dieu a voulu nous rejoindre. Oui, il faut se méfier de l'image idyllique que j'évoquais à l'instant..., avec l'enfant de chœur et sa soutane rouge...

Et il faut être conscient de ce "banal de péchés" où nous sommes et où Jésus nous rejoint. Aussi, est-il bon de remarquer que Jésus, au début de sa vie publique, appelait d'abord à une conversion. Et comme Jean-Baptiste, il baptisait "en vue de la conversion" (Mth 3.11). St Jean le note explicitement : "Jésus se rendit avec ses disciples en Judée... ; et il baptisait !" (Jn 3.22). Les disciples de Jean-Baptiste s'en étonnent auprès de leur Maître : "Rabbi, celui qui était avec toi..., voici qu'il se met à baptiser, lui aussi ; et tous vont vers lui !" (Jn 3.26). Le Précurseur leur avait pourtant annoncé : "Celui qui vient après moi - qui me suit, qui est mon disciple - est plus fort que moi... Lui, finalement, vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu !" (Mth 3.11-12).
Mais, dans un premier temps Jésus baptisait "en vue de la conversion", comme Jean-Baptiste. Et si lui-même s'est plongé dans l'eau boueuse et limoneuse du Jourdain, c'est-à-dire dans le péché du monde, c'est pour nous en faire sortir, nous appeler à une permanente conversion.

C'est alors que Jésus remonte du Jourdain entraînant tous les hommes avec lui. "Je monte, dira-t-il, vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu" (Jn 20.17). Mais, tout d'abord, il remonte vers Jérusalem, vers le temple de Dieu, ce temple qu’il est lui-même : “Détruisez ce temple fait de main d’homme, dira-t-il ; et en trois jours, j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme” (Mc 14.28).
C'est pourquoi, au moment de sa mort, le voile qui, dans l’ancien temple de Jérusalem, séparait Dieu et les hommes se déchirera comme les cieux se déchirèrent au jour de son baptême afin que tout homme puisse déjà voir celui qui nous voit sans cesse, communier déjà véritablement avec lui.

Et du nouveau temple qu’est Jésus, de son côté droit, sortira, dira St Jean, sous la lance du soldat au Calvaire, de l’eau, de cette eau qui, selon la vision d’Ezéchiel, d’un filet devint un grand fleuve allant se déverser dans la Jourdain afin de purifier les eaux de la mer morte. C’est l’eau d’un baptême nouveau qui purifie pour remettre l’homme sur la route de l’Alliance avec Dieu avant qu’il puisse le voir face à face.

Jean-Baptiste, même s’il se posait des questions, avait bien pressenti la mission de Jésus en le baptisant, cette mission du "Serviteur-agneau", du "Serviteur-souffrant" d'Isaïe venu pour racheter les hommes et les conduire à Dieu : “Voici l’Agneau de Dieu !”“Moi, je baptise dans l’eau... Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint”, cet Esprit qui donne Vie éternelle.

C’est pourquoi, contemplant Jésus qui sort du Jourdain et qui monte vers Jérusalem pour construire le nouveau temple en son Corps (ce que rappelle toute Eucharistie), nous pouvons nous écrier avec foi, comme St Paul en la conclusion de son hymne aux Philippiens : “Dieu lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout Nom pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille au plus haut des cieux, sur terre et dans les enfers et que toute langue proclame qu’il est Seigneur à la gloire du Père !”.


Pour retrouver les textes, voir Blog : sur Google, taper : A la diaspora sol

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