mardi 21 janvier 2014

La Vie, un combat !

21 Janvier 2014   - Ste Agnès 

La vie est un combat !
Et pour ce combat, Dieu aime choisir "ce qui est faible pour confondre les forts" (Cf. 1 Co. 1.27-28), comme nous le rappelle l'oraison de la fête d'aujourd'hui. Il choisit le petit David, le dernier de ses frères plus grands, plus forts (Cf. lect.), pour combattre le géant Goliath. Oui, en regardant les martyrs, - comme la Jeune Agnès - soyons persuadés que la vie, notre vie est un combat. Un combat que décrivent les psaumes : une impitoyable guerre ! Personne ne peut s’y soustraire !
Et pour ce combat, il y a deux ennemis, deux armées sans cesse en bataille. Chacun a ses armes, ses pratiques…, son sentier de guerre !
Il y a la route des Ténèbres et la route de la Lumière("Je suis la Lumière", disait Jésus !)
Ces deux routes se partagent l'universalité du réel et elles coexistent dans le temps et dans l'espace où elles définissent la frontière de tous les combats.
C’est un drame, c’est notre drame !
Il a commencé aux premiers jours de la Création, se déroule tout au long des exils et des calvaires des hommes, il s'achèvera dans la gloire divine.

Naguère, le Cal Vingt-Trois soulignait cet incessant combat qui est nôtre : C’est en affrontant les multiples questions de nos sociétés que l’Eglise de France "mène son combat". Ce “combat“ ne consiste pas seulement, disait-il, à défendre le Christ, la foi chrétienne ou l’Eglise. Le véritable combat que les chrétiens ont à mener est d’abord un combat "sur eux-mêmes", afin d’"être plus fidèles à leur foi dans la société contemporaine en proie à la crise de sens que nous connaissons tous". (théorie, par exemple, du "gender" qui fait tant de ravages !).

Le “beau combat de la foi“, disait St Paul (2 Tim 4.7). Aussi, l'oraison d'aujourd'hui nous fait demander en regardant Ste Agnès "sa fermeté dans la foi" !

La vie est un combat, mais un combat    de vie à mort…., et aussi de mort à vie !

Car d’où vient ce combat ? 
Rappelons-nous ...Dieu a un projet ; il met l'humanité en marche vers une ville dont lui est "l'Architecte et le Fondateur". Et cette ville sera faite de pierres précieuses. Et il n'y a pas deux pierres précieuses semblables (cf Apoc. ch. 21), car Dieu n'aime pas "en masse", si je puis dire ; il aime toujours "en particulier", chacun d'entre nous !
Et au lieu de rentrer dans le projet de Dieu avec enthousiasme, avec foi, confiance et amour, les hommes élaborent des contre-projets : ils font des briques ! C’est l’histoire de la tour de Babel ! Nous sommes faits pour les épanouissements de la fécondité ; et nous tombons dans les esclavages de la production : faire des briques... et encore des  briques ! Comme les hébreux, esclaves en Egypte !
(On travaille, on produit, on s’amuse… On élabore des théories et même des théories très religieuses… Et on ne pense pas… au sens de la vie…!)

Qu'est-ce qui se passe alors ? Au lieu de remonter vers son créateur dans un élan de convergence eucharistique où il retrouve son harmonie, le monde, de par la faute de l'homme qui peut être roi de la création mais qui oublie d'en être le prêtre, qui oublie d'en faire l'hommage à Dieu, retombe alors au chaos, dans la multiplicité du chaos…, dans une multitude de langages qui divisent, dans la recherche incessante de la production.
On ne comprend plus ! C'est l'histoire de la tour de Babel.
[Le pape François, à Assise, évoquait même le cas où l’homme prend Dieu (la religion) pour soi… jusqu’au terrorisme…, où l’on se passe de Dieu… C’est "l’inversion sacrilège" par excellence : l'homme qui veut se faire "comme Dieu" ! Alors, c’est le chaos !].

Aussi, sur le fond de l'histoire de la tour de Babel, Dieu met en route ce grand pèlerin, Abraham, “notre père dans la foi”.

L'histoire d'Abraham, son combat ! (Gen ch 12 et sv). Mais c’est notre histoire, l’histoire de notre combat ! Dieu le met en route : “Va !“. Oui, il y a ce mystérieux : "Va-t-en pour toi" ("Lek leka"), "Pars" (Gen 12/1) qui résonne par deux fois dans l'histoire d'Abraham ! Car Dieu n'est pas captatif. Ce n'est pas un amour qui dit : "Viens ici que je te prenne pour t'accaparer". C'est un amour qui dit au contraire : "Va  pour toi ! Va ton chemin, épanouis tout ce que j'ai mis en toi quand je t'ai créé à ma ressemblance. - "Va-t-en pour toi !"

Mais chose très curieuse : lorsque Isaac, le fils de la promesse, a grandi, alors résonne encore le mystérieux "Va pour toi" :
"Prends ton fils, celui que tu aimes et va vers le mont Moriah" (pays de la "vision")
Dieu semble demander le sacrifice d’Isaac, chose apparemment horrible !
Mais il demande en rappelant ce souhait : “Va pour toi !“ pour ton bonheur !
Et il demande en indiquant le but : vers la montagne de la vision.

Et Abraham, cet homme de grande foi, semble comprendre le bonheur qui lui est destiné au cœur même de l’absurdité, puisqu’il est dit : “Abraham dit à ses serviteurs : Demeurez ici... Moi et l'enfant nous irons jusque là-bas, nous adorerons et nous reviendrons vers vous“. (Gen 22.5)
 "Et nous reviendrons !". Admirons, la foi d'Abraham : sacrifier celui sur qui reposaient toutes les promesses… ! -  Admirons, à sa suite, la foi de tous les martyrs !
"Je sais maintenant que tu aimes Dieu parce que tu n'as pas épargné ton propre fils".
Abraham va jusqu'au fond de l'absurde, de l’absurde du combat de la foi. Mais il est face à un Dieu vivant que les hommes auraient été incapables d'imaginer

Oui, Abraham - comme chacun de nous) est face à un Dieu complètement déconcertant. C'est à ce Dieu que nous avons à faire ! Quand il annonce la naissance d'Isaac, Sara, âgée, rit. Et la réponse du mystérieux personnage est : "Y-a-t-il quelque chose d'extraordinaire pour Dieu ?", une phrase qui résonne à travers toute la Bible, jusqu'au Nouveau Testament, lors de l'Annonciation à Marie : "Il n'y a rien d'étonnant pour Dieu !" (Lc 1.37 ) dit l'ange à propos d'Elisabeth, âgée, qui attend un enfant !

Alors, nous aussi, on se met en route à la découverte non pas du Dieu des philosophes, mais de ce Dieu vivant d'Abraham, d'Isaac et de Jacob…, de tous les martyrs ! Et ce Dieu vivant, si nous nous mettons à son école, va nous faire faire cette expérience extraordinaire : c'est que Dieu est plus fort que la mort (Is. 15.8). Il a les issues de la mort elle-même. La mort qui semble anéantir la vie, n’est-ce pas le combat le plus absurde ? Et c'est ainsi que l'épître aux Hébreux résume l'histoire d'Abraham :
"Par la foi, Abraham, mis à l'épreuve, a offert Isaac… Dieu, pensait-il, est capable même de ressusciter les morts; c'est pour cela qu'il recouvra son fils, et ce fut un symbole". (Heb 11)

Et ce rapprochement du sacrifice d'Isaac et celui du Christ, il est, au sens littéral, dans le Nouveau Testament :
"Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous, Lui qui n'a pas épargné son propre Fils" (Rom. 8.31-32).
Sous le mot "épargné", on retrouve le mot qu'il y a dans la Genèse :
"Parce que tu n'as pas épargné ton propre fils".

Alors, ici, tout est dit. C'est l'histoire de toute destinée de celui qui prend la route à la recherche de Dieu. La Sainte Vierge, dans son Magnificat, chante l'accomplissement des "promesses faites à Abraham et à sa descendance pour toujours". Et nous-mêmes, nous nous mettons en route sans savoir où nous allons. Et un jour viendra où nous serons, nous aussi, à notre mont Moriah (à cette montagne de la "vision"). Et nous ferons l'expérience, peut-être au fond de l'absurde (on ne sait pas tous les chemins de notre vie), que Dieu ne nous a pas quittés du regard et nous serons au seuil de cette expérience, de cette vision de Celui qui nous voit maintenant, que nous verrons alors comme Il nous voit. Et cette connaissance sera transformante : nous serons divinisés. C'est toute notre destinée, à la suite d’Abraham, à la suite du Christ pascal, à la suite de tous les martyrs…
“Nous savons que lorsqu’il paraîtra, nous lui serons semblables, puisque nous le verrons tel qu’il est !“ (I Jn 3.2).  (“esometha“ (semblables) – “opsometha“ (verrons).

Ce grand combat de la foi contre la mort, contre  toute mort (maladie, échec, anéantissement) est illustré par tous les martyrs : Ste Agnès au 4ème siècle avec la grande persécution de Dioclétien, par tous les martyrs, par les martyrs d’aujourd’hui.

Aussi, la lettre aux Hébreux, avec un "brin d'humour", nous sollicite à être fidèles dans la foi, "vous, dit-elle, qui n’avez pas encore lutté jusqu’au sang !" (Heb 12.4).

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