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Janvier 2014 - Sts Maur et Placide
Saint Maur et Saint Placide ! Les
deux disciples exemplaires de St Benoît !
Il me semble que St Grégoire n'en parle
à propos de St Benoît que pour souligner les deux grandes vertus monastiques et
donc chrétiennes que le Patriarche des moines tient en grande valeur : l'obéissance
et l'humilité, vertus parfaitement accomplies en ses deux jeunes disciples.
J'avais souligné naguère, il me semble,
en pareille circonstance festive, la grandeur de l'obéissance qui doit être
pratiquée à l'exemple du Christ qui disait : “Ma
nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé..." (Jn 4.34), et qui priait ainsi à l'approche de sa mort : "Père, ... que ce ne soit pas ma
volonté, mais la tienne qui se fasse !" (Lc 22.42). Et il nous a
enseigné à répéter sans cesse : "Notre
Père..., que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel !".
Mais
l'obéissance suppose l'humilité, vertu sur laquelle St Benoît insiste
autant, sinon plus !
L'humilité vis-à-vis de Dieu est facile à comprendre, mais déjà un peu moins à accepter
et à pratiquer. Pourtant...! Pourtant ne sommes-nous pas tous et chacun dans la
situation de Ste Catherine de Sienne à qui le Seigneur s'adressait en lui
disant : "Je suis Celui qui est ;
Toi, tu es celle qui n'est pas !". Tant notre être, en chacun de ses
instants, est totalement dépendant de Dieu. Tant il est vrai que si Dieu, en
son incessante action de Créateur, ne nous maintenait pas dans l'existence ("essence"
et "esse", comme disent les philosophes), nous ne
serions pas !
Et
prendre conscience de cette réalité, en toute humilité, c'est une grande
manière de percevoir la richesse de la permanente présence de Dieu en notre
vie... ! Si nous nous maintenons dans l'existence, c'est que Dieu-Créateur est
"avec nous", en nous, lui qui s'est fait "Emmanuel" (=
Dieu avec nous !) pour nous le faire mieux percevoir !
L'humilité vis-à-vis des autres, vis-à-vis de ses frères est plus difficile à comprendre et
surtout à pratiquer. Dans telle ou telle situation, on se sent tellement
supérieur aux autres, plus intelligent, plus pertinent, plus efficace, plus
adroit... - et que sais-je erncore - que tous les autres !
La
pratique de l'humilité se pose en toute société ; elle se pose surtout en toute
communauté chrétienne et donc monastique.
Et
surtout comment pratiquer l'humilité quand il y a oppositions légitimes,
et parfois si fortes qu'en résultent des conflits... C'est tellement humain !
N'est-ce pas ? Et assez courant !
Il est bon de se souvenir de l'Evangile qui traduit fadcilement cette
situation que nous connaissons bien. St Marc, surtout, le fait avec un
humour assez pitoresque (9.33-35) : Jésus marche en avant ; et soudainement il se retourne et
demande naïvement à ses apôtres :
"De quoi discutez-vous donc, là, derrrière moi, derrière mon dos ?".
Alors, les apôtres se trouvent un peu ennuyés, décontenancés, car, dit le
texte, "ils se disputaient pour savoir
qui était le plus grand". Et une dispute assez tonique au point de
chatouiller et d'éveiller les oreilles de Notre Seigneur qui se retourne et
questionne... Situation qui peut nous faire sourire, mais si actuelle !
En St Matthieu (18.1sv), les circonstances sont un peu plus à l'avantage des apôtres
; ce sont eux qui s'approchent de Jésus et qui questionnent : "Qui est le plus grand dans le Royaume
des cieux ?" Question plus honorable mais toujours orgueilleusement
actuelle ! Même en milieu clérical !
Mais chez les deux évangélistes, la réponse est identique : il faut
devenir comme un enfant ! A l'exemple de St Maur, de St Placidce, nous dirait St Benoît !
Non
pas comme un "tout-petit" (nèpios) qui ne peut
dialoguer et qui est souvent présenté comme un modèle d'innocence, de pureté,
de perfection morale, mais comme un enfant (paidion), capable de
comprendre et de répondre à un appel et qui se tient comme en un état de
dépendance déférente !
Dépendance vis-àvis de Dieu, certes ! Mais aussi vis-à-vis des autres !
Car
Dieu lui-même s'est fait dépendants de nous, et de quelle manière en son Fils
Jésus ! Il nous a donné un grand exemple d'humilité lorsqu'il lava les pieds de
ses disciples. Il s'est fait serviteur, lui, le Maître ! Il s'est fait
"Serviteur souffrant" jusque sur la croix !
Ainsi, on doit rester dépendant vis-à-vis des autres, même inférieurs, car, en
terre chrétienne, toute responsabilité n'est qu'un service, un service de ses
frères, à l'exemple du Seigneur. Etre reponsable, c'est être au service de ses
frères ! Et le pape lui-même signe ses documents en écrivant : "Le Serviteur des serviteurs de Jésus Christ
!".
Voilà
bien le fondement de toute humilité qui nous rend toujours accueillants à
l'autre quel qu'il soit, même du plus petit de la Communauté, dira St Benoît !
Oh
! Certes, cela peut engendrer quelques conflits divers et parfois
légitimes. Mais eux-mêmes doivent être menés en toute humilité. Et pour
cela il existe ce que l'on appelle la "correction fraternelle", dont
parle Notre Seigneur en St Matthieu : si ton frère, à tes yeux, vient à
pécher..., va le trouver seul à seul..., prends ensuite deux ou trois frères
avec toi..., puis que toute la Communauté s'engage... !
Même
dans la "correction fraternelle, il y a toute une hiétrarchie à suivre
exigée par l'humilité. Car l'humilité est toujours au service de la Vérité
et de la Charité !
L'humilité
ne consiste donc pas à toujours s'effacer (pour ne pas avoir d'histoire,
n'est-ce pas !). L'humilité n'est pas le complexe d'infériorité qui n'est
finalement que de l'orgueil renversé ! L'humilité consiste souvent à être dans
une attitude de vérité, comme St Paul le dit à son disciple Timothée : "Ce n'est pas un esprit de crainte que
Dieu nous a donné, mais un Esprit de force et de maîtrise de soi !" (2
Tim 1.7).
Pour cela, il faut être très humble, car l'humilité cherche toujours la vérité et aide
grandement à faire les indispensables discernements en toutes
circonstances. Avec l'humilité on comprend mieux, par exemple, que
-
la "correction fraternelle" n'est pas l'accusation. En ce sens,
Satan, par son orgueil, est qualifié de grand "Accusateur" (Apoc.
12.10).
-
le repentir n'est pas la culpabilité, cet "univers
morbde de la faute", psychose de l'esprit d'après le célèbre docteur
Hesnard, disciple de Freud.
-
la patience n'est pas la résignation.
-
l'obéissance n'est pas la flagornerie
-
le détachement n'est pas l'indifférence
-
la Providence n'est pas la fatalité
-
l'habitude n'est pas la routine.
Oui,
l'humilité nous met à l'école d'un véritable et indispensable discernement
pour de plus en plus accéder à la vérité tout entière.
Aussi,
St Pierre nous recommande : “Enveloppez-vous d’humilité dans vos rapports mutuels“ (I Pet. 5.5).
Mais attention ! Cette vertu est très
subtile si je puis dire ; car généralement, lorsque l'on dit qu'on la possède,
c'est que déjà on ne l'a plus !
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