dimanche 30 juin 2013

Suivre le Christ pascal !

T.O. 13  Dimanche  2013 -        (Luc 9.51-62)

L’évangile d’aujourd’hui se situe à la charnière des deux grandes parties du récit de St Luc.

Jusqu’ici, il avait répondu à la question que tous se posaient à propos de Jésus : “Mais qui donc est cet homme ?” Cet homme qui parle comme jamais homme n’a parlé et accomplit tant de prodiges. Sa notoriété était si grande que ses compatriotes, agacés, avaient délégué quelques observateurs pour s’enquérir des faits et gestes de ce concitoyen qui mettait leur bourgade de Nazareth en valeur médiatique.

Mais voilà que Jésus, selon son habitude, avait soudainement retourné l’interrogation. A ses disciples, il avait posé la question : “Et pour vous, qui suis-je ?” – Pierre, au nom de tous, avait répondu : "Tu es le Messie, le Christ !

Alors, Jésus avait dévoilé à trois d’entre eux son identité messianique, sur la montagne de la Transfiguration.

C’est alors que Luc note de façon lapidaire : “Jésus prit résolument la route de Jérusalem”. En mot à mot : “Jésus durcit son visage vers Jérusalem”, formule qui rappelait la détermination du "Serviteur souffrant", selon Isaïe, face à ses adversaires : “Le Seigneur me vient en aide ; dès lors, je ne cède pas aux outrages, j'ai rendu mon visage dur comme pierre ; car je sais que je ne serais pas confondu” (Is 50, 7)
Luc veut déjà faire allusion au mystère de la Croix, à celui de la Résurrection et encore à celui de l’Ascension : “Comme s’accomplissaient les jours de son enlèvement”, dit-il. Il emploiera le même mot le jour de l’Ascension, ce jour où Jésus est enlevé vers la gloire de son Père, comme Elie dont il est question dans la première lecture fut enlevé au ciel sur un char de feu au regard de son disciple Elisée.

Autrement dit, Jésus se détermine à prendre la route de Jérusalem où se réalisera tout le mystère pascal : Mort, Résurrection, Ascension, mystère qui constitue le fondement de notre foi et doit déterminer notre vie de baptisé.

Aussi, ne faut-il pas chercher dans l’évangile de Luc des données topographiques du chemin de Jésus, mais bien plutôt des consignes pour se mettre à la suite de Jésus !

Et St Luc note, de façon très intentionnelle, le passage de Jésus par la Samarie.
Quand on sait la haine séculaire qui, fondée sur des motifs raciaux, politiques et religieux, oppose Juifs et Samaritains, on ne s'étonne pas du mauvais accueil de ceux-ci. Mais ce rejet prend pour Luc une valeur particulière ; il sert à souligner le climat d'hostilité générale qui pèse sur Jésus :
- il a déjà essuyé le refus des siens à Nazareth (4, 28-30),
- celui des païens à Gérasa (8, 37) ;
- bientôt ce sera la condamnation du Sanhédrin.
Tout cela fait partie du prologue du mystère pascal.

Mais les disciples ne comprennent pas le sens de la mission de leur Maître. Ainsi, Jacques et Jean, les “fils du tonnerre” (Mc 3, 17), en appellent au feu du ciel, ce feu qu’Elie fit tomber sur ses persécuteurs (2 R 1, 9-12) ; Luc aime à montrer en Jésus l'accomplissement d'une attente juive qui escomptait un retour d'Élie ; or, ici, il y a bien plus qu'Élie : Jésus triomphera de ses adversaires, mais en livrant sa vie par amour. C’est le feu de l’Amour divin qui anéantira tous les opposants au Dieu du ciel.


Remarquons encore que Luc semble porter un intérêt particulier à la Samarie :
- Seul il nous rapporte ce passage qu'y fait Jésus,
- Seul il nous raconte la parabole du Samaritain (10, 30-37) l'histoire du lépreux guéri en reconnaissant : “or c'était un Samaritain !” (17,16).
- Sans doute, l'évangéliste entend-il préparer ainsi ce que, dans son livre des Actes, il relatera sur la conversion de ce pays maudit (Ac 8, 5-25).
- Peut-être, pense-t-il déjà, qu'un autre feu du ciel, un jour, descendra sur les Samaritains : celui de l'Esprit Saint par l'imposition des mains de Pierre et Jean (Ac 8, 17).

Et sur cette route de Jérusalem, l'évangéliste place ici trois petits dialogues qui expriment, avec une vigueur volontairement choquante, les exigences qui s'imposent à quiconque veut suivre Jésus de la croix à la gloire : “Ne fallait-il pas que le Christ souffrit cela pour entrer dans sa gloire ?", expliquera-t-il plus tard.


Je ne m’attarderai pas longuement sur ces trois petits récits qui doivent une partie de leur force à leur schématisme : on devine que ces récits ont tellement été dits, redits et répétés qu’il suffisait d’une concision extrême pour en rappeler toute la profondeur.

La première exigence proposée à qui veut suivre Jésus est d'être prêt à partager l'inconfort et l'insécurité qu'il connaît ; plus nettement que les autres, Luc signale la dure condition itinérante de Jésus.
Or, ne sommes-nous pas tous que des itinérants ici-bas ? Notre véritable patrie est dans les cieux, dira l’épître aux Hébreux.
De plus, l’emploi du titre de “Fils de l'homme” attribué ici à Jésus rappelle que notre pèlerinage ici-bas [même si nous avons beaucoup d’amis qui nous accueillent, au contraire des Samaritains à l’égard de Jésus] comporte, comme pour lui, bien des difficultés, dangers, souffrances et la mort elle-même. Cependant, à la suite de Jésus qui prend sa croix, nous savons que quiconque perd sa vie avec lui la sauvera. St Luc venait de le dire quelques versets auparavant.

Le deuxième dialogue est tout aussi dur et même, révoltant : les cérémonies funèbres constituaient dans le judaïsme une obligation sainte fondée sur le 5ème commandement du Décalogue (Ex 20, 12). Par cette formule, là encore trop concise à force d’être répétée, Jésus veut qu’on s’éloigne du Règne de la mort, de toute mort.
Ceux qui le suivent doivent annoncer le Règne de Dieu. Or Dieu, dira Jésus, n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Le chrétien doit porter en lui-même les signes de la Vie, la Vie même de Dieu, lui qui a les issues de toute mort.

Le dernier candidat sollicite un délai pour prendre congé des siens ; c'est ce qu'avait demandé, lors de son appel, Élisée (l R 19, 19-21, 1ère lecture) ; et le prophète Élie le lui avait accordé.
Jésus est plus exigeant. Sa réponse souligne l'urgence de la mission, la nécessité d’une rupture profonde. Il ne faut plus regarder en arrière.

Le meilleur commentaire serait celui de St Paul dans la seconde lecture. Il nous parle de vraie liberté. Plus on se détache, plus on est libre et pour Dieu et pour ses frères. Nous savons combien d’attachements divers nous contraignent et nous empêchent d’accéder au bien que Dieu veut pour nous et pour nos frères !

Baptisés, nous marchons avec Jésus vers l’accomplissement de son mystère pascal en nous-mêmes. Ce mystère se réalisera pleinement avec lui en la Jérusalem céleste !
Oui, notre route est parfois inconfortable, au milieu des signes de mort qui nous entourent, exigeante aussi. Mais notre route va vers le Royaume de Vie : la Vie même de Dieu.


Aussi, soyons comme St Paul qui, avec tant d’autres, avait compris tout cela : désormais, disait-il, “je m'élance pour tâcher de saisir le Christ, parce que j'ai été saisi moi-même par lui, le Vivant !... Mon seul souci : oubliant le chemin parcouru et tout tendu en avant, je m'élance vers le but..." (Ph 3, 12-14).

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