vendredi 5 juillet 2013

Dieu Providence !

T.O. 13  Vendredi  2013 -        

C'est toujours un peu frustrant, me semble-t-il, d'entendre un récit qui omet de nombreux passages du texte cité. C'est le cas aujourd'hui de notre lecture qui ne fait que parcourir les chapitres 23 et 24 du livre de la Genèse. Certes, on ne peut pas faire de longues lectures au cours d'une cérémonie liturgique. Surtout en Occident ! Les Orientaux sont moins avares de leur temps ! Mais, finalement, cette réduction du texte est certainement une invitation, pour chacun, à aller voir le texte intégral. Je me permets de vous y encourager.

Il est question d'abord de la sépulture de Sara. Le texte intégral présente un amusant palabre commercial entre les habitants du pays, les fils de Heth, et Abraham à propos du terrain que celui-ci désire pour enterrer son épouse.
- C'est que Abraham ne veut pas recevoir gratuitement même une modeste parcelle de terrain. Car la terre dont il est question, c'est la terre promise par Dieu. Dieu seul peut donner cette terre. Il ne peut la recevoir gratuitement que de Dieu. Qu'il y ait une transaction commerciale pour l'occuper, soit ! Mais "tout don valable..., dira St Jacques (Jc 1.17), descend du Père des lumières".
+ C'est Dieu qui a l'initiative de la création et qui donne à tous nourriture et vie, dit le psaume 104.
+ C'est Dieu encore qui a l'initiative du salut : "Sache aujourd'hui que ce n'est pas ta juste conduite qui te vaut de recevoir de Dieu cet heureux pays pour domaine", dira le Deutéronome (9.6). Et Jésus le soulignera également à la Samaritaine à propos de l'eau vive...  
+ Et, redisons-le, le plus grand des dons que Dieu nous fait, c'est son propre Fils : "Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" (Jn 3.16), ce Fils tout rempli de la richesse du Père : "Et le Verbe s'est fait chair et...  nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il tient de son Père" (Jn 1.14)  Si nous savions mesurer le "Don de Dieu", nous réaliserions qu'ayant reçu gratuite-ment, il nous faut donner gratuitement, dira Notre Seigneur (Cf Mth 10.8).

- Il y a encore une réalité importante à propos de la sépulture de Sara. L'acquisition du terrain est réalisée par Abraham après un long palabre. Je me souviens, lors d'un séjour à Jérusalem : alors que nous nous apprêtions à faire des achats dans le "souk" de la vieille ville, un vieux dominicain nous a lancé : "surtout, ne craignez pas de perdre du temps pour n'importe quel achat. Sinon vous passerez pour des imbéciles et vous paierez le prix fort !". Tant il est vrai qu'en Orient, normalement, on ne peut faire une transaction sans d'abord se connaître ! Nous avons suivi le bon conseil et nous avons eu droit à des achats à des prix convenables autour d'un thé rafraîchissant.
Et si nous savions reconnaître cette grande communion familiale, cette fraternité entre nous, chrétiens, à l'occasion des dons que chacun a reçus et qu'il doit transmettre ! En terre chrétienne, un "don" ne se fait pas par autoritarisme ou simple esprit commercial. Et il ne se reçoit pas sans gratitude. Lorsqu'on a tant reçu de Dieu, tout calcul, toute étroitesse de cœur deviennent scandaleux. "Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement !" (Mth 5.42). Et puis, le don de Dieu en Jésus Christ nous entraîne plus loin : Jésus "a offert sa vie pour nous", sa grâce nous porte à "offrir nous aussi notre vie pour nos frères", nous dit St Jean (I Jn 3.16). Mais cela exige d'abord de se connaître, de se reconnaître "frères" en Jésus Christ ! Et, pour cela, il faut y prendre du temps !

Notre lecture d'aujourd'hui nous propose encore une autre méditation, à propos du mariage d'Isaac et de Rebecca !
Vous vous souvenez de l'histoire d'Agar - c'était Jeudi dernier - qui, en grande difficulté, fait la réconfortante rencontre avec l'ange du Seigneur près d'une source. Et comme (en hébreu), une "source", c'est "l'œil de l'eau", cette source devient pour elle une "vision de vie", puisque l'ange lui promet un fils, "Ismaël", nom qui veut dire : "Dieu a écouté" ta plainte ! - Alors, elle s'écrit : "Tu es El Roï", ce qui veut dire : “Tu es le Dieu qui me voit !“ ; Tu es le Dieu-Providence à mon égard. Aussi nomme-t-elle le puits “Lahaï Roï“, ce qui veut dire : “Au vivant qui me voit !“.

Et cette foi en Dieu-Providence est souvent affirmée dans la Bible. Elle est affirmée à propos du mariage de Rébecca et d'Isaac.
+ Abraham devient vieux… Il se préoccupe de trouver une épouse pour son fils Isaac. Il ne veut pas qu’il se marie avec une cananéenne du coin ! Alors il envoie un vieux serviteur en Mésopotamie. Le serviteur demande : "Peut-être cette femme ne consentira-t-elle pas à venir en ce pays-ci : devrais-je ramener ton fils au pays d'où tu es sorti ? - Abraham répondit : Garde-toi d'y ramener mon fils !… Et si la femme ne veut pas te suivre, tu seras délié du serment que tu viens de me faire...!"
Autrement dit, dans la Bible, on ne revient en arrière que pour mieux aller en avant. On n’interroge le passé que pour prendre son élan vers l'avenir ; on ne retient du passé que ce qu'il comporte d’avenir. Si on avait une telle psychologie de foi, une telle psychologie biblique, chrétienne, bien des problèmes se résoudraient automatiquement. Il n'y aurait ni intégriste, ni progressiste. Il n'y aurait que des progressants !

+ Alors le serviteur se met en route... et il arrive en Mésopotamie. Il fait s’agenouiller les chameaux en dehors de la ville près d'un puits (encore un puits !), à l’heure du soir, à l’heure où les femmes sortent pour puiser l'eau.
Et il demande à Dieu un signe : La jeune fille à qui je dirai : "Incline ta cruche, que je boive" et qui répondra : "Bois et j'abreuverai aussi tes chameaux", ce sera celle-là que tu as destinée à ton serviteur Isaac...".
Il faut remarquer que, dans la Bible, le comportement des femmes envers les cruches est extrêmement révélateur de leur caractère : il y a la Samaritaine qui oublie sa cruche, il y a Marie Madeleine, Marie de Béthanie etc.
Ici, le critère, c’est la jeune fille qui ne s’économise pas, qui est généreuse !
Si je lui "demande un peu d’eau à boire"(c’est la même demande de Jésus à la Samaritaine au puits de Jacob) ...et qui répondra : "Bois et j'abreuverai aussi tes chameaux", (Et ce n’est pas un petit travail que d’abreuver toute une caravane de chameaux !), ce sera celle que Dieu a choisie, une femme généreuse !

+ A peine avait-il fini de parler que Rebecca arrive : elle avait sa cruche sur l’épaule, etc. Elle remplit toutes les conditions qu'il avait exprimées à Dieu...
Alors, il y a une réflexion extraordinaire : "L'homme la considérait en silence, se demandant si Dieu l'avait ou non mené au but".
Voilà toute la spiritualité biblique la plus fondamentale : non pas élaborer des systèmes qu'on plaque sur la réalité, mais déchiffrer l'existence sous le regard de Dieu, au fur et à mesure que cette existence se déroule.
La Vierge Marie ne faisait pas autre chose. Elle méditait en son cœur. St Luc nous dit cela deux fois ! Ce n'est pas par hasard ! (Lc 2.19,51). Dieu lui avait tout dit à l'Annonciation, à la Présentation au Temple. Mais elle méditait dans son cœur le dessein de Dieu qui se réalisait dans le concret de son existence !

+ Ayant fait cette expérience, le vieux serviteur n’en finit pas d'en rendre grâce tellement il est bouleversé.
"Je me suis prosterné et j'ai adoré Dieu, j'ai béni le Dieu de mon maître Abraham, qui m'avait conduit, par un chemin de bonté, prendre pour son fils la fille du frère de mon maître".
Il faudrait qu'à la fin de chaque journée, nous puissions repasser les événements en essayant de découvrir leur signification providentielle, parce qu'il n'y a pas de hasard. Si le hasard existe, ce n'est que Dieu qui nous visite incognito. Il nous faut découvrir Dieu, notre éternelle Providence !

+ Le serviteur se remet en route avec Rebecca ; il revient. Et l'histoire se termine non loin du puits de "Lahaï-Roï" : du puits du "Vivant qui me voit"
"Or, est-il dit, Isaac sortit pour se promener dans la campagne, à la tombée du soir"
Il y a là un mot mystérieux : "lassouakh" ; cela veut dire : "se promener en méditant", "en priant et en méditant ". Et dans la spiritualité juive, on rattache la prière du soir à cette promenade que Dieu fait, le soir, en méditant - "lassouakh" -. Comme il est dit de Dieu après la faute d'Adam et Eve : "Ils entendirent le pas de Dieu qui se promenait - "lassouakh" - dans le jardin à la brise du jour".

+ Et il nous faut bien retenir la merveilleuse finale du texte : "Et, levant les yeux, Isaac vit que des chameaux arrivaient. Et, Rébecca, levant les yeux, vit Isaac..." .
Considérez bien ces yeux qui "se lèvent" sous les yeux de Celui qui voit, au puits du "Vivant qui me voit"… ! Il faut raconter cette histoire à tous les fiancés !


Qui dira alors qu'il n'y a pas un Dieu-Providence qui ne cesse de nous voir, afin qu'un jour nous puissions le voir, à notre tour, voir celui qui nous voit sans cesse ? “Quand irai-je et verrai-je la face de Dieu.“ (Ps. 83)

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