21.03 C - St Benoît (fête propre aux Ordres
monastiques)
La parole du
psalmiste disant à Dieu : "Ton
Amour vaut mieux que la vie" (ps 63.4) résonne en la vie de tous les saints, en la vie de St Benoît tout
particulièrement.
Toute la
tragédie de la vie vient du fait que nous ne sommes pas assez convaincus de
l'Amour que Dieu nous porte, de cet amour ineffable, infiniment fidèle qui seul
peut nous rendre heureux. C'était la conviction de St Benoît, conviction qui le
poussa d'abord à s'isoler totalement pour vivre pleinement de cet Amour divin. Seul
l'amour rend heureux. Or "Dieu
est Amour" dit St Jean. Ainsi Dieu seul peut suffire pour
nous rendre heureux ! Et toute l'activité d'une vie solitaire, à l'exemple de
St Benoît, est de répondre à cet Amour divin par l'amour : "Aimer le Seigneur de tout son cœur, de toute son âme et de toutes
ses forces". C'est le premier des "instruments" à mettre en
œuvre selon St Benoît qui, bien sûr, reprend là le commandement de la Loi
mosaïque (cf. Deut
6.5).
Et cela, malgré
la souffrance qui peut accabler, les épreuves qui peuvent tarauder...
! En quoi un saint comme St Benoît est-il différent d'un autre chrétien, d'un
incroyant ? Serait-ce qu'il n'a pas eu à lutter, à souffrir, qu'il n'a pas eu
part à la misère humaine ? Bien au contraire ! La vie de St Benoît relatée par
Grégoire le Grand le montre suffisamment. "Nombreux
sont les maux du juste !", dit le psaume 34ème. Il est
éprouvé, dit le livre de la Sagesse, "comme
l'or au creuset" (Sg 3.6 ;
Cf. Pr 17.3). Epreuves qu'il
doit accepter avec grande humilité, dit St Benoît (Cf. 4ème degré
d'humilité) qui cite le psaume 66ème : "Tu nous as
éprouvés, ô Dieu, épurés comme on épure l'argent...". Epreuves que le chrétien doit accepter, afin, explique St Pierre, "que la valeur de sa foi, plus
précieuse que l'or périssable que l'on vérifie par le feu, devienne un sujet de
louange, de gloire et d'honneur, lors de la Révélation de Jésus Christ"
(I Pet 1.7). Ainsi, dit St Benoît lui-même à
la fin du prologue de sa Règle, "nous
participerons par la patience aux souffrances du Christ pour obtenir d'être
associés aussi à son Règne".
St Benoît
nous donne cet exemple : l'homme qui tend vers la sainteté, c'est celui qui, à
travers tout événement, bonheur ou malheur, joie ou souffrance, "espérant contre toute espérance"
(Rm 4.18), croit en ce Dieu-Amour qui, "avec ceux qui l'aiment, collabore
en tout pour leur bien" (Rm 8.28).
Cet homme,
en toutes circonstances, reste convaincu que "Dieu est Amour". Dieu n'a pas seulement de
l'amour ; il ne prodigue pas seulement de l'amour. Il est essentiellement Amour,
un Amour qui se penche vers l'homme d'une manière absolument gratuite... St
Jean écrivait : "Nous avons reconnu
l'Amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru" (I Jn 4.16). - "Nous avons reconnu et nous avons cru..." ! Ce n'est pas
seulement un fait du passé pour l'apôtre. Le mode employé pour ces verbes est
le parfait grec qui souligne une action commencée mais non pas terminée !
Pour rendre la nuance de ce mode verbal, il faudrait paraphraser : "Nous avons reconnu l'Amour... et nous
continuons à le reconnaître et à y croire fermement !". L'Amour en
Dieu est de toujours !
Afin de
purifier et d'approfondir cette connaissance de l'Amour de Dieu et notre foi
qui en résulte, afin de "demeurer
dans l'Amour" divin, il nous faut souvent, à l'exemple de St
Benoît, nous isoler, nous retirer "dans
la chambre de notre cœur" afin de mieux écouter Dieu qui veut nous
parler.
Ecouter ! N'oublions pas le premier mot de la Règle : "Ausculta, o filii... - Ecoute, o mon fils...!". Ecouter
avec un "cœur noble et
généreux", disait St Luc (8.15), c'est-à-dire
un cœur purifié, ce que Dieu nous dit de son Amour ! J'ai déjà eu l'occasion de
vous citer le P. Louis Bouyer qui disait : "La
prière chrétienne est une prière où l'homme n'a pas l'initiative, mais Dieu,
Dieu qui cherche l'homme et où celui-ci n'a qu'à se livrer à l'appel entendu en
écoutant de mieux en mieux". Comme le petit Samuel : "Parle,
Seigneur, ton serviteur écoute !" (I Sam. 3.9).
A celui qui sait
écouter, Dieu lui parle intimement en son cœur : "Je veux écouter ce que le Seigneur dit au-dedans de moi !",
chante le psalmiste (Ps 85.9
d'après vulgate). On a beau
dire que Dieu est muet, voire que "Dieu
est mort", il est toujours vivant. Mais sa parole est parfois comme un
murmure, comme ce "bruissement d'un
souffle ténu" adressé à Elie (I Rois 19.12), littéralement comme la "poussière
d'un silence", "l'éclatement
d'un silence". Aussi le silence - extérieur certes, mais
surtout intérieur - est déjà par lui-même une louange parfaite à Dieu - "Tibi silentium laus", dit le
psaume 65ème (d'après
l'hébreu). Un silence
qui dispose à "incliner l'oreille de
notre cœur", dit encore St Benoît...
Et Jésus
lui-même n'a-t-il pas résumé tout le contenu de la parabole du semeur par cette
exhortation : "Faites donc attention
à la manière dont vous écoutez !" (Lc 8.18) ? Il faut
le savoir - c'est une
ruse du démon -, avant de
lancer son cri contre Dieu, le cri d'une rébellion : "Non serviam - Non, je ne servirai plus" (Jr 2.20), l'homme a d'abord dit : "Non audiam - Non, je ne veux plus
écouter !" (Jr 22.21).
Mais à celui
qui s'efforce d'écouter, le Seigneur accorde, de temps à autre, comme une
parole intérieure tout à fait personnelle, destinée à lui seul. C'est une
"certaine expérience de Dieu très
douce", dit St Thomas d'Aquin, "quamdam
experimentiam dulcedinis" (Som. (I-II 112.5) qui lui permet de savoir, du moins d'une certitude morale, qu'il
est en état de grâce, en état d'union avec Dieu !
Que St
Benoît nous facilite cette grâce divine !
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