jeudi 21 mars 2013

St Benoît


21.03 C  - St Benoît (fête propre aux Ordres monastiques)
   
La parole du psalmiste disant à Dieu : "Ton Amour vaut mieux que la vie" (ps 63.4) résonne en la vie de tous les saints, en la vie de St Benoît tout particulièrement.

Toute la tragédie de la vie vient du fait que nous ne sommes pas assez convaincus de l'Amour que Dieu nous porte, de cet amour ineffable, infiniment fidèle qui seul peut nous rendre heureux. C'était la conviction de St Benoît, conviction qui le poussa d'abord à s'isoler totalement pour vivre pleinement de cet Amour divin. Seul l'amour rend heureux. Or "Dieu est Amour" dit St Jean. Ainsi Dieu seul peut suffire pour nous rendre heureux ! Et toute l'activité d'une vie solitaire, à l'exemple de St Benoît, est de répondre à cet Amour divin par l'amour : "Aimer le Seigneur de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces". C'est le premier des "instruments" à mettre en œuvre selon St Benoît qui, bien sûr, reprend là le commandement de la Loi mosaïque (cf. Deut 6.5).

Et cela, malgré la souffrance qui peut accabler, les épreuves qui peuvent tarauder... ! En quoi un saint comme St Benoît est-il différent d'un autre chrétien, d'un incroyant ? Serait-ce qu'il n'a pas eu à lutter, à souffrir, qu'il n'a pas eu part à la misère humaine ? Bien au contraire ! La vie de St Benoît relatée par Grégoire le Grand le montre suffisamment. "Nombreux sont les maux du juste !", dit le psaume 34ème. Il est éprouvé, dit le livre de la Sagesse, "comme l'or au creuset" (Sg 3.6 ; Cf. Pr 17.3). Epreuves qu'il doit accepter avec grande humilité, dit St Benoît (Cf. 4ème degré d'humilité) qui cite le psaume 66ème : "Tu nous as éprouvés, ô Dieu, épurés comme on épure l'argent...". Epreuves que le chrétien doit accepter, afin, explique St Pierre, "que la valeur de sa foi, plus précieuse que l'or périssable que l'on vérifie par le feu, devienne un sujet de louange, de gloire et d'honneur, lors de la Révélation de Jésus Christ" (I Pet 1.7). Ainsi, dit St Benoît lui-même à la fin du prologue de sa Règle, "nous participerons par la patience aux souffrances du Christ pour obtenir d'être associés aussi à son Règne".

St Benoît nous donne cet exemple : l'homme qui tend vers la sainteté, c'est celui qui, à travers tout événement, bonheur ou malheur, joie ou souffrance, "espérant contre toute espérance" (Rm 4.18), croit en ce Dieu-Amour qui, "avec ceux qui l'aiment, collabore en tout pour leur bien" (Rm 8.28).

Cet homme, en toutes circonstances, reste convaincu que "Dieu est Amour". Dieu n'a pas seulement de l'amour ; il ne prodigue pas seulement de l'amour. Il est essentiellement Amour, un Amour qui se penche vers l'homme d'une manière absolument gratuite... St Jean écrivait : "Nous avons reconnu l'Amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru" (I Jn 4.16). - "Nous avons reconnu et nous avons cru..." ! Ce n'est pas seulement un fait du passé pour l'apôtre. Le mode employé pour ces verbes est le parfait grec qui souligne une action commencée mais non pas terminée ! Pour rendre la nuance de ce mode verbal, il faudrait paraphraser : "Nous avons reconnu l'Amour... et nous continuons à le reconnaître et à y croire fermement !". L'Amour en Dieu est de toujours !

Afin de purifier et d'approfondir cette connaissance de l'Amour de Dieu et notre foi qui en résulte, afin de "demeurer dans l'Amour" divin, il nous faut souvent, à l'exemple de St Benoît, nous isoler, nous retirer "dans la chambre de notre cœur" afin de mieux écouter Dieu qui veut nous parler.

Ecouter ! N'oublions pas le premier mot de la Règle : "Ausculta, o filii... - Ecoute, o mon fils...!". Ecouter avec un "cœur noble et généreux", disait St Luc (8.15), c'est-à-dire un cœur purifié, ce que Dieu nous dit de son Amour ! J'ai déjà eu l'occasion de vous citer le P. Louis Bouyer qui disait : "La prière chrétienne est une prière où l'homme n'a pas l'initiative, mais Dieu, Dieu qui cherche l'homme et où celui-ci n'a qu'à se livrer à l'appel entendu en écoutant de mieux en mieux". Comme le petit Samuel : "Parle, Seigneur, ton serviteur écoute !" (I Sam. 3.9).

A celui qui sait écouter, Dieu lui parle intimement en son cœur : "Je veux écouter ce que le Seigneur dit au-dedans de moi !", chante le psalmiste (Ps 85.9 d'après vulgate). On a beau dire que Dieu est muet, voire que "Dieu est mort", il est toujours vivant. Mais sa parole est parfois comme un murmure, comme ce "bruissement d'un souffle ténu" adressé à Elie (I Rois 19.12), littéralement comme la "poussière d'un silence", "l'éclatement d'un silence". Aussi le silence - extérieur certes, mais surtout intérieur - est déjà par lui-même une louange parfaite à Dieu - "Tibi silentium laus", dit le psaume 65ème (d'après l'hébreu). Un silence qui dispose à "incliner l'oreille de notre cœur", dit encore St Benoît...

Et Jésus lui-même n'a-t-il pas résumé tout le contenu de la parabole du semeur par cette exhortation : "Faites donc attention à la manière dont vous écoutez !" (Lc 8.18) ? Il faut le savoir - c'est une ruse du démon -, avant de lancer son cri contre Dieu, le cri d'une rébellion : "Non serviam - Non, je ne servirai plus" (Jr 2.20), l'homme a d'abord dit : "Non audiam - Non, je ne veux plus écouter !" (Jr 22.21).

Mais à celui qui s'efforce d'écouter, le Seigneur accorde, de temps à autre, comme une parole intérieure tout à fait personnelle, destinée à lui seul. C'est une "certaine expérience de Dieu très douce", dit St Thomas d'Aquin, "quamdam experimentiam dulcedinis" (Som. (I-II 112.5) qui lui permet de savoir, du moins d'une certitude morale, qu'il est en état de grâce, en état d'union avec Dieu !

Que St Benoît nous facilite cette grâce divine !

   

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