vendredi 15 mars 2013

Soukkot et l'aveugle-né !


Carême 4 - Vendredi  -        (Jn 9.1-41)

Je ne voudrais pas trop m'attarder après la proclamation d'un passage d'évangile merveilleux mais assez long ! Sans le commenter, j'aimerais seulement situer cet épisode de la guérison de l'aveugle-né dans son contexte social, religieux et historique. C'est d'importance, me semble-t-il.

Jésus s'était attardé en Galilée avant de se décider, après hésitation, à monter lui aussi, à la suite de ses disciples, à Jérusalem pour "la fête" ! - Quand, aujourd'hui encore, on dit "la fête" en Israël, il s'agit de la fête de Soukkot, la fête des tentes, la Fête par excellence, fête qui durent sept jours !

A l'origine, comme toutes les fêtes bibliques, Soukkot était une fête agraire entre fin septembre et mi-octobre, au moment où les travaux des champs étaient terminés et que les récoltes étaient engrangées. Alors, on rendait grâce à Dieu pour les fruits de la terre tout en lui demandant sa bénédiction pour l'année à venir.

Par la suite, Israël sentit le besoin d'inscrire cette grande fête dans le déroulement de sa propre histoire. Ainsi, durant les sept jours de réjouissance, on prit l'habitude d'évoquer principalement la longue traversée du désert durant laquelle Dieu avait fait Alliance avec le peuple élu ! On relisait l'exode ; on "faisait mémoire" de ce temps où Dieu lui-même avait pourvu à la vie spirituelle et matérielle de son peuple. Car...

- C'est au désert que le peuple avait appris à mettre toute sa confiance en la providence divine.

- C'est au désert que Dieu se fit "voisin" de l'homme, en venant habiter sous une tente, partageant en quelque sorte la précarité de son peuple. Aussi, au cours de la fête, la construction d'une tente près de la maison familiale rappelait-elle cette proximité divine. "Et le Verbe s'est fait chair, dira St Jean ; il a dressé sa "soukka" (sa tente) parmi nous" (Jn 1.14). Et la même affirmation se retrouve dans la bouche de Pierre au moment de la Transfiguration : "Seigneur, si tu le veux, je peux dresser ici trois tentes..." (Mth 17.4). Il devinait en quelque sorte qu'en Jésus la présence divine au milieu des hommes atteignait sa plénitude.

- C'est au désert que Dieu abreuva son peuple assoiffé en faisant jaillir l'eau du rocher. Aussi, au dernier jour de Soukkot, le Grand Prêtre aspergeait le temple et le peuple en signe de bénédiction divine. C'est alors que Jésus s'écrie, non sans une certaine provocation : "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et que boive celui qui croit en moi. Comme l'a dit l'Ecriture : "De son sein couleront des fleuves d'eau vive" (Jn 7.37). C'était certainement une allusion à l'affirmation du livre de Zacharie : "Il arrivera, en ce jour-là, que des eaux vives sortiront de Jérusalem, moitié vers la mer orientale, moitié vers la mer occidentale..." (Zach 14.8). Vers le nord et vers le midi !
Aussi, ce n'est pas par hasard que deux des signes, chez St Jean, se passent dans deux piscines, tout près du temple : l'une au nord, la piscine de Betzatha où Jésus guérit un paralytique, l'autre au sud, la piscine de Siloë, alimenté par la fameuse source de Gihon, source salvatrice depuis Isaïe, source qui sort, en quelque sorte, du côté droit du temple, selon la vision d'Ezéchiel, pour aller purifier les eaux de la mer morte, symbole du péché du monde !

- C'est près de cette piscine que Jésus guérit l'aveuglé-né de l'évangile, au cours de cette célèbre fête qui donnait l'occasion de se souvenir encore que Dieu avait guidé son peuple par une colonne lumineuse. Aussi, à l'occasion de Soukkot, tout Jérusalem et principalement le temple étaient grandement illuminés par des procédés que l'on a peine à imaginer. Et c'est à ce moment que Jésus, juste avant la guérison de l'aveugle, s'écrie non sans une certaine provocation encore : "Je suis la lumière du monde !" (9.5). Affirmation qu'il venait déjà d'adresser aus Juifs : "Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie" (Jn 8.12).

- Ainsi, désormais, les boiteux au nord du temple et les aveugles au sud du temple peuvent suivre Jésus. Autrement dit, tous les paralysés du nord du monde et tous les mal-voyants du sud du monde peuvent suivre Jésus et entrer désormais dans le vrai temple de Dieu que Jésus va construire en son propre Corps, abolissant en quelque sorte l'interdit que David avait lancvé autrefois : "Quant aux boiteux et aux aveugles, David les hait en son âme. C'est pourquoi on dit : Aveugles et boiteux n'entreront pas dans le Temple ! (2 Sam 5.8). Déjà, quand Jésus parlait de sa mission en répondant aux envoyés de Jean-Baptiste qui lui demandaient : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre aun autre ?", il avait dit : "Allez dire à votre Maître : "Les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent..." (Mth 11.5). Tous peuvent désormais accéder à Dieu !

Nous sommes tous des aveugles, des boiteux... ! Sachons, en ce temps de carême le reconnaître. Mais Jésus nous appelle à le suivre pour entrer en son Temple. Bien plus, il nous permet de suivre le lent cheminement qui conduit l'aveugle à la lumière de la foi.
Au début, celui-ci se contente de rappeler les faits avec précision. Puis, devant les pharisiens qui l'interrogent, il répète ce qu'il a déjà dit en exprimant une conviction personnelle à propos de Jésus : "C'est un prophète". Et la discussion prenant un cours assez violent, il s'engage davantage : "Si cet homme n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire !". Mais c'est grâce à une nouvelle initiative de Jésus, se révélant à lui commme "le Fils de l'homme" - formule peu compromettante encore - que l'homme qu'on appelle Jésus devient finalement à ses yeux le "Seigneur", reconnu dans la foi : "Je crois, Seigneur ; et il se prosterna devant lui !".

Nous sommes tous des aveugles que Jésus veut illuminer de sa gloire de Réssuscité ! Suivons-le !

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