jeudi 7 mars 2013

Ecouter !


Carême 3 Jeudi -                                         Jér. 7.23sv

 La leçon de la lecture d’aujourd’hui est bien le conseil d’“ECOUTER“ !
Et Salomon avait bien raison de solliciter Dieu, au début de son règne, en lui demandant : “Seigneur, donne-moi un cœur qui écoute pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal !“ (I Rois 3.9).

Et le pape Benoît XVI de commenter naguère : un "cœur qui écoute résume toute la vision chrétienne de l'homme !". Et il ajoutait : "En soi, l'homme n'est pas parfait, l'homme a besoin de la relation, il est un être de relation". Et un chrétien français pourrait préciser : Ce n'est pas le “cogito“ de l'homme qui peut penser toute la réalité. C'est l’erreur de Descartes avec son : “Je pense, donc je suis“, faisant ainsi découler l’être de la pensée ! Ce qui est invraisemblable ! Non, "l’homme, disait le pape, a besoin d'écoute, de l'écoute de l'autre, et surtout de l'écoute de l'Autre avec une majuscule, de Dieu ! Ce n'est qu'ainsi qu'il se connaît, qu'il devient lui-même !".

St Luc, ajoutait-il, présente la Vierge Marie "comme une femme de cœur à l'écoute, qui est immergée dans la Parole de Dieu, qui écoute la Parole, la médite ("sumballein" en grec  : qui s’entretient avec cette Parole), la conserve et la garde dans son cœur !". Les Pères de l'Eglise disaient qu'au moment de la conception du Verbe éternel dans le sein de la Vierge Marie, l'Esprit Saint est entré en Marie par l'oreille !

Et il en était ainsi du Christ lui-même qui pouvait parfaitement s'approprier les versets du psaume 40ème : "Tu ne voulais ni sacrifice ni oblation, tu m'as ouvert l'oreille ; tu n'exigeais ni holocauste ni victime, alors j'ai dit : Voici, je viens. Au rouleau du livre il m'est prescrit de faire tes volontés ; mon Dieu, j'ai voulu ta loi au profond de mes entrailles". Ainsi, au terme de la lignée des grands prophètes, le Christ lui-même est le grand "Ecoutant", celui qui a l'oreille ouverte. Cependant l'auteur de l'épître aux Hébreux (Héb. 6,5) à la suite d'ailleurs de la tradition des Septante, se permet une modification en transcrivant non pas : “Tu ne voulais ni sacrifice ni oblation ; tu m’as ouvert l’oreille“, mais : “Tu ne voulais ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps !.  L'image de l'ouverture de l'oreille, si expressive pour un sémite dans la tradition prophétique, a disparu. Cependant l'idée principale d'écouter au sens dominant d'obéir (ob-audire) est bien gardée : "Alors j'ai dit : Voici je viens ...pour faire, ô Dieu, ta volonté".

Et il est bon, d'ailleurs, de remarquer que St Paul qui était de formation sémitique n'a pas manqué de nous montrer que le Christ a su écouter, au sens d'obéir, et cela d'une façon parfaite. Quand il oppose Adam au Christ il met en contraste l'action de "mal entendre" du premier ("marakoè"), sa désobéissance, avec l'obéissance du second, du Christ ("upakoè"), ces deux mots ayant même racine que celle du verbe écouter ("akouô")  (Cf.Rom. 5, 19).

Ainsi on peut dire que le Christ s'est fait "upèkoos", littéralement "celui qui prête l'oreille", c'est-à-dire "obéissant" jusqu'à la mort de la croix (Phil., 2,8). En reprenant les images de la tradition prophétique ou sapientielle, on peut donc dire que le Christ a eu l'oreille toujours ouverte, qu'il restait en contact permanent avec son Père, et ceci dans un sens de "sagesse" pratique qui l'a conduit jusqu'à la folie de la croix. Car "ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes", dira St Paul (Cf. I Cor. 1,25).

Et l'on peut dire encore que c'est parce que Marie a écouté la Parole de Dieu que cette Parole, le Verbe de Dieu, a pu prendre chair en elle-même. Aussi le pape Benoît XVI d'affirmer que l'Esprit-Saint en Marie "a conçu la Parole éternelle dans l'écoute ; c'est dans cette attitude d'écoute de Marie qu'il a donné chair à la Parole éternelle de Dieu, au Verbe de Dieu. L'Esprit-Saint nous dit ainsi ce que c'est que d'avoir un cœur à l'écoute !".

C'est dire combien, à la suite du Christ lui-même, à la suite de Marie, il nous faut nous-mêmes nous appliquer à écouter !  
"Ecoute, o mon peuple, que je parle" (Ps 5O/7). Et sachons écouter "avec un cœur noble et généreux" selon la belle expression de St Luc (Lc 8/15) ce que Dieu nous révèle de son amour.
En conséquence, la prière chrétienne doit être une prière où l'homme n'a pas l'initiative, mais Dieu ! La prière chrétienne n'est pas une prière où c'est l'homme qui cherche peu à peu, en tâtonnant dans les ténèbres, qui cherche à démasquer un Dieu qui semble muet ; non, la prière chrétienne est une prière où c'est Dieu qui cherche l'homme et où celui-ci n'a qu'à se livrer à l'appel entendu en écoutant de mieux en mieux. "A mon avis, disait Ste Thérèse d'Avila, l'oraison est un commerce intime d'amitié où l'on s'entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. Dans cette conversation intime, Dieu est le premier à parler. C'est pourquoi il faut d'abord savoir écouter !". Sachons redire souvent comme St Augustin : "Par tes miséricordes, Seigneur, dis-moi ce que tu es pour moi ... Seigneur, voici les oreilles de mon cœur devant toi ; ouvre-les, et dis à mon âme : "Moi je suis ton salut" (Cf. ps 35/3). Je veux courir après cette voix et te saisir !". (Conf.5,1)

J'ajouterai encore que le pape Benoît XVI soulignait également qu’une véritable “écoute“ ne peut faire abstraction de la dimension communautaire : "Dans notre “moi“ isolé, nous ne pouvons réellement écouter la Parole : c'est seulement dans le “nous“ de l'Eglise, dans le “nous“ de la communion des saints", disait-il !

Je rappellerai, pour terminer, cette remarque humoristique du Cardinal Saliège adressée naguère à Jean Guitton : "Vous avez deux oreilles, l'une pour écouter ce qu'on vous dit, l'autre pour écouter ce que l'on ne vous dit pas !". C’était sans doute l’impression que donnait le Pape Jean-Paul II dont André Frossard disait : "Il écoute si bien que l'on a l'impression de lui dire des choses intéressantes".

Alors, je le pense très fort :
“Quand les choses ont pris le temps d'exister,
quand les premiers cheveux gris se laissent dépister,
quand l'école est un souvenir lointain perdu dans la conscience,
alors, on a suffisamment d'expérience pour savoir
que l'écoute est plus nécessaire que le conseil
et plus difficile que la parole“.

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