jeudi 22 mars 2012

Tentation et humour de Dieu !

Carême 4. Jeudi - (Ex. 32.7sv)

Le désert est le lieu de la rencontre : Dieu conduit le peuple au désert, car : “au désert, je parlerai“, dit-il par le prophète Osée (2.16) - (avec un jeu de mots : “midbar, dibarti“) - Il le conduit au désert pour parler à son cœur et faire alliance avec lui ! Et Jésus lui-même se retirait au désert pour s’entretenir avec son Père… - Mais le désert est aussi le lieu de la tentation. Et Jésus lui-même fut tenté au désert…

Le désert est le lieu l’on expérimente le mieux comme les deux pôles de la condition humaine :
- Dégagé du superflu, on peut valoriser le bon usage de la création, le juste emploi des richesses de ce monde dans l’action de grâces envers le Donateur de tous biens et dans le partage équilibré avec ses frères.
- Et, en même temps, par une sorte de défoulement, on peut expérimenter des tentations de toutes sortes : tentation de la “grande-bouffe“, de l’apostasie… : c’est l’histoire du “veau d’or“ ! Le peuple dit à Aaron : “Fais-nous des dieux qui marchent à notre tête (que nous puissions “voir“ !), car ce Moïse qui nous a fait monter du pays d’Egypte (et qui a disparu dans la montagne de son Dieu !), nous ne savons pas ce qui lui est arrivé… !“. …Et c’est la révolte !

St Paul, se référant à cet épisode, recommandera : “Ces événements sont arrivés pour nous servir d’exemples afin que nous ne convoitions pas le mal comme eux le convoitèrent. Ne devenez pas idolâtres comme il est écrit : « Le peuple s’assit pour manger et pour boire, puis ils se levèrent pour se divertir ! »… Dieu est fidèle ! Il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces…“ (I Cor 10.1-20).

La tentation sournoise et première est peut-être l’impatience ! “Le peuple, est-il dit, vit que Moïse tardait à descendre de la montagne !“. (Ex 32.1). Il faut savoir attendre dans l’espérance. Attendre ! Quelle grande vertu finalement ! Le peuple, dans le désert, voulait voir Dieu, immédiatement : “Fais-nous un dieu qui aille devant nous !“. C’est la tentation de tout homme, d’un Pompée, par exemple, lorsqu’après la prise de Jérusalem, il viola l’interdiction de pénétrer dans le “Saint des Saints“, le lieu de la présence divine. Et il fut fortement déçu de ne rien voir, de ne rien trouver !

Dieu se laisse pourtant apercevoir, voir ! Mais c’est souvent après son passage qu’on s’en aperçoit : “Dieu était là, disait Jacob ; et je ne savais pas ! Mais maintenant, je le sais !“. De toute façon, il faut savoir attendre qu’il se manifeste dans toute sa gratuité. Et d’une manière souvent très inattendue ! Il faut prendre patience !

D’une manière inattendue ! Car il est bon de le remarquer : c’est quand le peuple hébreu fut éduqué à la transcendance de Dieu au point de ne plus oser prononcer le “Nom“ de Dieu, c’est quand le grand-Prêtre, une fois par an seulement, entrait dans le “Saint des Saints“ et bafouillait ce Nom de Dieu, c’est quand les Juifs avait le sens du sacré le plus développé que l’Incarnation se produisit, “à la plénitude des temps“. Il est venu parler aux hommes jusqu’à naître dans une crèche et cheminer sur nos chemins ! Face à la transcendance de Dieu que se font les hommes, Dieu réplique par une immanence… ! C’est l’humour de Dieu !

… Bref, le peuple, dans le désert, manque de patience ; et il cède à la tentation. C’est donc l’histoire du “veau d’or“.

Alors, “Dieu dit à Moïse : “Va, descends de la montagne, car ton peuple s’est perverti… !“. Voyez ! Cette phrase est encore pleine d’humour ! C’est comme dans les scènes de ménage quand l’un des enfants agit mal : il y en a toujours un qui dit à l’autre : ton fils, ta fille a fait ceci, a fait cela…“. Et voilà que Dieu dit à Moïse : “car ton peuple s’est perverti… !“ Et Oui, Dieu a de l’humour ! Plus qu’on l’imagine !

Et Dieu ajoute : “Laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je les exterminerai… !“. Quand Dieu dit dans la Bible : “Laisse-moi faire…“, laisse ma colère agir, c’est justement pour qu’on ne le laisse pas faire ! Dieu, par pédagogie si je puis dire, se met à notre niveau, à ce niveau de palabre-marchandage qu’Abraham avait pratiqué à Sodome et Gomorrhe, ce marchandage que Moïse utilise en s’adressant au Seigneur : “Pourquoi les Egyptiens diraient-ils : « C’est par malice que leur Dieu les a fait sortir pour les faire périr dans les montagnes et les effacer de la terre ! ». Ravise-toi, Seigneur… Souviens-toi d’Abraham, d’Isaac de Jacob… !“… Alors le Seigneur se ravisa du mal dont il avait menacé son peuple“.

Il y a, finalement, beaucoup d’humour dans ce texte à propos des tentations (même si on y succombe). Ayons cet humour de Dieu lui-même ! Ste Thérèse d’Avila écrivait : “Je ne me trouble pas quand je vois une âme aux prises avec des tentations très violentes. Car si elle a l’amour et la crainte de Dieu, elle en sortira avec de grands profits !“. Certes, mais cependant : Merci, Ste Thérèse, pour les tentations ! Je m’en passerai bien quand même !

Il est vrai pourtant qu’“à travers les tentations, l’homme se découvre facilement une âme vulnérable et isolée, et il acquiert cette humilité qui le ramène obligatoirement à Dieu“. (Isaac le Syrien, ermite syrien du 7ème s.).

Et si, direz-vous, nous succombons à la tentation ? Pensons alors à tous ceux qui intercèdent pour nous avec confiance, comme Moïse l’a fait pour son peuple. Et, avec grande contrition, adressons-nous au Christ, le grand-Prêtre par excellence, car “il est toujours en mesure de sauver d’une manière définitive ceux qui, par lui, s’approchent de Dieu, puisqu’il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur“ (Heb. 7.25).

Finalement, peut-être qu’au milieu de nos diverses tentations, Dieu se joue de nous avec humour ! Pour pouvoir enfin nous parler “cœur à cœur“ ! “Au désert, je parlerai - midbar dibarti“ !

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