jeudi 8 mars 2012

Espérance !

Carême 2. Jeudi (Jérémie 17.5-10)

Jérémie (lecture) reprend pratiquement le langage, les images du psaume 1er. En ces deux textes est résumé le message de toute la Bible : La vie est un combat en lequel nous sommes tous impliqués ! Un combat entre les ténèbres et la lumière. Il englobe tout le réel du temps et de l’espace… Les deux grands acteurs de ce combat sont le “fidèle“ et l’“infidèle“ :
- L’un refuse la lumière de Dieu. “Maudit soit l’homme qui se détourne du Seigneur“, disait Jérémie !
- L’autre se détourne du mal en s’appuyant sur Dieu : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“, disait Jérémie.
- Le premier va vers son malheur : “Il sera comme un buisson dans la steppe!“.
- Le second marche vers son bonheur : “Il sera comme un arbre planté au bord des eaux. Il ne craint pas la chaleur ; son feuillage reste vert… et il porte du fruit !“. Une image très parlante que l’arbre verdoyant en pays très chand ! C’est le “paradis“, mot d’origine perse qui veut dire justement “jardin“ !

La route du malheur est toujours ouverte. Notre société va vers sa perte, dirait Jérémie ! Non point que nous soyons tous des “méchants“, mais parce que nous avons raté le train de l’Espérance. Pourtant : Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“.

On a dit naguère : “Nous entrons dans la société industrielle !“, puis : “Nous sommes dans la société des loisirs !“ ; et maintenant, nous constatons que notre société est largement dépressive, sans espérance ! Pourquoi donc ?
- Parce que nous manquons d’intériorité en ne faisant confiance qu’au thermomètre très fantasque de l’opinion publique et des médias !
- Parce que nous n’avons plus de mémoire comme si le monde n’avait commencé qu’hier soir ou ce matin. Et nous nous enfermons dans la cage de l’aujourd’hui sans ni sur le passé, ni vers l’avenir, et donc sans regard vers les autres et… vers Dieu… ! L’homme se déclare dieu et s’isole. Sans Espérance !
- Parce que chacun, se retrouvant seul, se persuade à lui-même : “Ma vérité est la vérité !“. Et comme nous sommes des milliards, il y a alors des milliards de vérités… qui, bien sûr, s’opposent les unes aux autres. Et c’est le combat !

Oui, Jérémie avait raison : Maudit soit l’homme qui met sa confiance en lui seulement, en l’homme, uniquement ! Même si cet homme cherche et recherche de multiples thérapies (C’est très à la mode, croyez-moi !) aux malheurs qu’il engendre lui-même.

Il n’y a qu’une thérapie : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“ ! L’espérance est le muscle cardiaque, le myocarde, de notre cœur spirituel. Et si ce muscle arrête de fonctionner, la vie s’arrête !

Et n’allez pas dire que cette image engage à une utopie. Une utopie est une espérance qui ne se fonde que sur les propres forces de l’homme. L’utopiste attend quelque chose de neuf, convaincu qu’il va lui-même le réaliser. L’homme d’espérance sait que Dieu seul peut lui porter secours pour qu’il fasse du neuf !

Toute la Bible crie cette espérance plus vivace que tous les défaitismes, espérance qu’entretenait Jérémie malgré les grands malheurs de son temps ! Et il en a connus ! Non pas l’espoir qu’inventent les hommes pour ne pas mourir. L’espérance vient au secours de l’espoir comme on greffe un rameau sauvage. L’espérance dit à l’espoir : “Tu ne te trompais pas. Ton seul tort, c’est de ne pas suffisamment lever les yeux !“. Peut-être faut-il que l’espoir craque pour que commence l’Espérance. La foi est peut-être un doute surmonté, l’espérance un désespoir surmonté ! “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“, disait Jérémie.

Certes, les motifs de découragements sont toujours innombrables et pesants sur la ligne d’affrontement entre les ténèbres et la lumière !
- Oui, le monde est pourri quand des dictateurs peuvent faire disparaître des milliers d’hommes ! Mais le monde est béni quand le pardon peut répondre à la haine, la foi en la vie au massacre.
- Oui, il y a des conflits d’intérêts qui cherchent une solution par la violence. Mais ils sont millions ceux qui cassent le cercle vicieux de la vengeance.
- Oui, les médias multiplient le visage de l’horreur jusqu’à la nausée ; mais ils pourraient aussi multiplier le visage de l’Espérance en mettant le projecteur sur les générosités qui ne prennent parti d’aucune douleur.

Oui, il faut savoir regarder les ombres de notre monde et celles, plus cachées, de notre propre vie pour y discerner, dans la foi, les signes annonciateurs d'Espérance. Il faut savoir regarder nos vies à la lumière du Ressuscité que l'on célèbre chaque dimanche.

Et nous verrons comment nos nuits peuvent voir poindre l'aurore, comment nos croix peuvent devenir des brèches vers une résurrection, comment, humiliés par les épreuves les plus amères, nous pouvons sentir notre cœur devenir tout brûlant sur notre chemin d'Emmaüs.

Alors, nous expérimentons qu’avec l’Espérance, malgré les épreuves même très lourdes, nous ne risquons plus une “crise cardiaque“. Car nous aurons, comme dit St Luc, “un cœur noble et généreux“ ! (“Kalos (beau) agathos (bon), disaient les Grecs), : un cœur bon et beau à la fois, le “beau“ devant être surtout l’éclat du “bon“ ! “Moi, je scrute le cœur…“, disait Jérémie de la part de Dieu !

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