vendredi 4 février 2011

Vertus chrétiennes

4. T.O. Vendredi - Vertus chrétiennes (Héb. 13.1-8)

La lettre aux Hébreux se termine par quelques conseils évangéliques qui tous sont en référence à l’amour, celui qui nous a été manifesté en Jésus Christ. On peut regretter l’omission, avant l’énumération de ces conseils, de cette toute petite incise qui débute le chapitre 13ème : “Persévérez dans l’amour fraternel !“. St Paul le rappelle si souvent : “Que l'amour fraternel vous lie d'une mutuelle affection ; rivalisez d'estime réciproque“ (Rm 12.10). Car “Vous avez personnellement appris de Dieu à vous aimer les uns les autres“ (I Thess 4.9). “Apprendre de Dieu !“ Et oui, puisque “Dieu est Amour“ (I Jn 4.8)… et “cet amour de Dieu s’est manifesté au milieu de nous : Dieu a envoyé son Fils dans le monde afin que nous vivions par lui“ (I Jn 4.9). Aussi St Bernard écrivait : “L’amour est une grande chose si néanmoins il retourne à son principe, s’il remonte à son origine et à sa source, s’il en tire comme de nouvelles eaux pour couler sans cesse“.

“Persévérez dans l’amour fraternel !“ N’oublions pas le mot de Voltaire, toujours sarcastique, à propos des moines, des communautés chrétiennes : “des gens qui s’assemblent sans se connaître, qui vivent ensemble sans s’aimer et qui se quittent sans se regretter !“. Notre Seigneur l’a assez dit aux pharisiens : Des commandements, des règles, des codes, des pratiques ne sont rien sans l’amour qui doit les inspirer. St Augustin avait raison d’écrire : “Une fois pour toutes t’est donné ce court précepte : Aime et fais ce que tu veux“. Autrement dit, il peut y avoir des originaux dans une communauté. Mais ce grand évêque ajoutait : “Si tu te tais, tais-toi par amour ; si tu parles, parle avec amour ; si tu corriges, corrige par amour ; si tu pardonnes, pardonne par amour. Aie au fond du cœur la racine de l’amour : de cette racine, il ne peut rien sortir que de bon“.

Et si, comme on l’a dit (Lacordaire), l’amour n’a qu’un mot et en le disant toujours il ne se répète jamais; il doit surtout se mettre dans les actes plus que dans les paroles (Ignace de Loyola). Ainsi notre lettre aux Hébreux nous dit aussitôt : “N’oubliez pas l’hospitalité !“. - L’hospitalité est une grande vertu. Les Grecs y voyaient un des traits marquants d’un peuple civilisé. D’ailleurs, dans beaucoup de langues primitives, les mots “hôte“ et “ennemi“ ont une racine commune. En latin “hôte“, c’est “hospes“ ; et “ennemi“, c’est “hostis“ : même racine ! Et certains d’expliquer que la civilisation à franchi un pas décisif le jour où l’étranger, d’“ennemi“ est devenu un “hôte“, c’est-à-dire le jour où la communauté humaine a été créée et que ne résonnait plus le cri de Caïn au seuil de l’histoire humaine : “Je serrai errant et fugitif sur la terre ; et quiconque me rencontrera me tuera“.

Mais pour nous, l’hospitalité est surtout une vertu de foi. St Benoît, dans sa règle, en donne le motif : “Les hôtes seront reçus comme le Seigneur lui-même afin qu’il puisse nous dire au jour du jugement : « J’ai été un hôte et vous m’avez reçu !»“.

Notre foi cherche à honorer Dieu partout où il se trouve ; et il se “cache“ très souvent en nos frères malgré parfois des apparences contraires. Certes, souligne St Benoît, il faut pratiquer envers chacun un “congruus honor“, l’honneur qui convient : on n’accueille pas n’importe qui n’importe comment. Cependant le Seigneur est en chacun de nos frères, car chacun, quelque soit sa pauvreté humaine ou spirituelle, est aimé de Dieu, d’un amour qui l’appelle sans cesse à être de plus en plus “à son image et ressemblance“. Et qui sait si chaque rencontre n’est pas une occasion de détecter et même de promouvoir cette ressemblance.

Oui, Jésus demeure toujours cet étranger près de nous : “Voici que je me tiens à la porte et je frappe“. Au fond, dans la pratique de l’hospitalité chrétienne, celui qui est le plus comblé, ce n’est pas celui qui est reçu, mais celui qui reçoit puisqu’il reçoit le Christ lui-même : “N’oubliez pas l’hospitalité ; quelques-uns à leur insu hébergèrent Dieu lui-même“, dit notre lecture en référence à Abraham qui accueille trois mystérieux visiteurs…

Certes, l’hospitalité est difficile ; c’est pourquoi elle demande tant de foi, car accueillir le Christ, c’est toujours accueillir un crucifié qui entend rester “en agonie jusqu’à la fin du monde“ (Pascal). Mais c’est accueillir aussi un Ressuscité qui œuvre à être bien vivant en tout homme qui l’accueille !

“Que le mariage soit parfaitement honoré !“ Je ne sais trop si c’est le cas aujourd’hui ? Quoi qu’il en soit, tout chrétien - même un moine, une moniale, un prêtre qui ne vivent pas de cette réalité - doit affirmer que la famille chrétienne, comme dit St Paul, est le sanctuaire de l’Amour. Elle doit être comme le miroir de cette famille qu’est Dieu en lui-même : Père, Fils, Saint-Esprit, comme le reflet de la Sainte Famille de Nazareth. Le foyer chrétien - et analogiquement toute communauté chrétienne - ne doit pas être, comme on le voit parfois, ni une auberge pour le vivre et le couvert, ni une salle de jeux pour ses distractions. La famille consacrée par le sacrement de mariage doit être un sanctuaire divin où l’on s’échange l’amour même de Dieu, un lieu de culte, de prière, de grâce… Elle doit être la première cellule de l’Eglise, l’“Eglise domestique“, comme l’on dit.

J’ai été trop long. Aussi je termine par cette belle prière de Charles de Foucauld qui a vécu à Nazareth : “Sainte Vierge, St Joseph, ma mère, mon père, conduisez-moi à Jésus, votre Fils…, en partageant votre amour, votre contemplation, votre oubli de vous-mêmes et votre pauvreté d’esprit. Vous étiez si vides de vous-mêmes et entièrement pleins de Jésus !“.

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