vendredi 11 février 2011

Cana

5 T.O p. Jeudi – Notre Dame de Lourdes ! (Jn 2.1-11) (Profession d’oblate)

Pourquoi l’évangile des “noces de Cana“ a été choisi en la fête de Notre Dame de Lourdes, en cette “Journée des malades“ qui, humainement parlant, ne sont pas toujours “à la noce“ ! Mais nous sommes tous des malades, spirituellement parlant. Aussi, essayons de déchiffrer.

Dieu, sans cesse - toute la Bible l’affirme - ne cherche qu’à faire alliance avec l’homme ! C’est surtout le prophète Osée (pas uniquement) qui a déchiffré ce mystère de l’union de Dieu avec l’homme à partir de sa vie conjugale qui, semble-t-il, n’a pas été très heureuse. Et justement, il n’a pas trouvé meilleure comparaison que l’amour de l’homme et de la femme, malgré tous les “avatars“ que cet amour peut véhiculer, pour signifier l’Alliance indéfectible de Dieu avec l’homme. Malgré les infidélités de son épouse - c’est-à-dire du peuple de Dieu comme de nous-mêmes -, non seulement Dieu lui reste fidèle, mais il la conduit au désert afin de mieux la séduire (le mot hébreu est très fort), afin de mieux lui parler “cœur à cœur“ (1). Comme au temps de sa jeunesse, des premiers amours ! (Cf Osée 2.16 sv ; cf Jér. 4.24).

“Comme au temps où elle monta du pays d’Egypte“, dit le texte, du pays de sa déchéance. “Israël - car c’est bien lui l’épouse - vit alors avec quelle main puissante le Seigneur avait agi. Le peuple craignit le Seigneur et mit sa foi dans le Seigneur et en Moïse son serviteur !“ (Ex 14.31).

Par cette précision, nous sommes projetés aux noces de Cana : “Jésus manifesta sa gloire (sa puissance) ; et ses disciples crurent en lui !“. Le rapprochement est d’évidence : le premier signe par lequel Jésus manifeste sa puissance divine et qui entraîne ses disciples à croire en lui est semblable au signe de puissance de Dieu, lors de la sortie d’Egypte, qui permit au peuple de croire en lui et de faire alliance avec lui !

A Cana, Jésus n’a pas fait un “tour de passe-passe“ par simple amabilité! Il pensait dans les dimensions verticale et horizontale tout à la fois. Jésus n’était pas un distrait. Tout pour lui a une signification. Et pour lui, le signifié est encore plus important que le signifiant. Jésus est invité à des noces ! “Et quelles noces !, s’écrie St Augustin. Les noces de Dieu avec l’humanité !“. Il ne peut pas ne pas penser à ces noces-là, l’Alliance de Dieu avec l’homme. N’est-ce pas le sens de toute oblation de vie, de toute profession religieuse : manifestation de l’Alliance de Dieu avec l’homme !

Et, dans l’A.T., il n’y a pas d’alliance sans sacrifice, le sang étant symbole de vie, d’un contrat de vie. Après la sortie d’Egypte, il en fut ainsi au Sinaï, la montagne de l’Alliance : “Moïse prit le livre de l’Alliance et en fit lecture “. Puis il prit le sang des victimes et en aspergea le peuple...“. “Les fils d’Israël contemplèrent Dieu (2) ; ils mangèrent et burent !“. (Ex 24). C’est tout le langage de l’Alliance : “livre d’Alliance“ ; “sang d’Alliance“ ; “repas d’Alliance“ ! Il en sera ainsi sur la route d’Emmaüs : les disciples passeront de la liturgie de la Parole à la liturgie de la table, Jésus ayant versé son sang pour l’ALLIANCE. C’est tout le sens de nos Eucharisties : Parole de Dieu, Sacrifice du Christ, Repas d’alliance. Et déjà, en ce mystère d’alliance, nous contemplons Dieu : et “Les fils d’Israël contemplèrent Dieu !“

A Cana, Marie dit : “Ils n’ont plus de vin !“. Il faut savoir que le mot “vin“ se dit parfois en hébreu : “le sang de la grappe !“. Aussi Jésus répond : “Mon heure n’est pas encore venue !“. La pensée de Jésus évolue des noces d’un village aux noces de l’éternelle Alliance, du vin de la noce, du “sang de la grappe“ au sang de l’Alliance, quand “son heure sera venue“ ! Il y a là une inclusion voulue : Le “premier“ signe de Cana devient déjà “l’unique“ signe d’Alliance éternelle. C’est d’une densité de signification telle que tout l’évangile de St Jean - qui est au sommet de le pensée néo-testamentaire - est inclus entre les “noces de Cana“ et les “noces de la Croix“ ! Comme il est bon que toute oblation, consécration, profession soit incluse en l’Eucharistie, signe d’Alliance éternelle !

Et la mère de Jésus était à Cana, comme elle sera présente au pied de la croix, au moment des noces de la nouvelle Alliance. Il ne s’agit plus de donner du vin pour la gaieté d’une noce de village. Il s’agit, pour Jésus, de verser son sang pour la consommation des noces de la nouvelle et éternelle Alliance. Le premier signe d’alliance fut le sang d’un agneau au moment de la sortie d’Egypte. Le premier des signes de Jésus fut celui du “sang de la grappe“ qui annonçait le sang qu’il allait verser pour les noces éternelles…

Et la mère de Jésus était là. Notre Dame des douleurs avant d’être Notre Dame de l’Assomption dans la gloire de son divin Fils ! Et en ce mystère, elle devient la mère des croyants : “Femme, voici ton fils“, lui dit Jésus en désignant Jean. Elle devient la mère de tous les souffrants pour les conduire aux Noces du Royaume, elle devient la mère principalement de tous ceux - les malades - qui participent de façon si visible au mystère pascal du Christ : mystère de mort et de vie. Marie - Notre Dame de Lourdes - se penche avec un amour maternel sur ceux qu’elle voit sur la croix de son Fils ! C’est là que se situe toute oblation ! - “Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance, dit Claudel. Il n’est même pas venu l’expliquer. Il est venu la remplir de sa présence !“. La croix du chrétien et la croix du Christ forment une même croix ! Incapable de souffrir maintenant, le Christ souffre en nous de nos souffrances faites siennes ! “Qu’il nous faut du temps pour nous apercevoir que nous sommes nés crucifiés !“, disait Mauriac. Mais sachons bien que là où se trouve la croix, la résurrection n’est pas loin ! C’est l’espérance de toute oblation. Et le monde en a besoin !


(1) Il y a un jeu de mots en hébreu : “au désert, je parlerai“: “midbar, dibarti“.
(2) Ce n’est pas ainsi qu’a compris la massore : Contempler Dieu, ici-bas, ce n’est pas possible. Alors on a transcris par le passif : “ils furent vus du Seigneur !“ !

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