samedi 12 février 2011

Pain du ciel

5 T.O. Samedi - Multiplication des pains (Mc 8.1sv)

Il faut toujours se rappeler la réalité de la “Bonne Nouvelle“, de l’Evangile : “Le Verbe s’est fait chair !“. Et dès le commencement de sa vie publique, Jésus - Verbe de Dieu - s’est fait parole d’homme ! Il a enseigné (Discours sur la montagne, paraboles…). Il enseignait si bien que l’on disait : “Jamais homme n’a parlé comme cet homme !“ - “Il ne parle pas comme les scribes… Il parle avec autorité !“. Pour un Juif, ce mot évoque l’expression parfaite des paroles prononcées par Dieu - le Dieu de l’Alliance - au Sinaï. Jésus - Verbe de Dieu - parle donc avec autorité divine !

Et tout est parole en Jésus : gestes, comportements, silences, regards… Marc nous a déjà présenté le premier geste de Jésus aux noces de Cana qui nous projette immédiatement à la réalité des noces de la nouvelle et éternelle Alliance, aux noces du mystère pascal… Et puis, il y a le geste de la multiplication des pains. C’est LE GESTE par excellence que soulignera surtout St Jean. C’est le geste en lequel Jésus se met tout entier, si je puis dire, comme il le précisera littéralement lors du dernier repas de la Cène.

Une petite précision : en Matthieu et Marc, il y a deux multiplications des pains. Quand on lit un peu les ouvrages sur la question, on aurait tendance à attribuer ces deux multiplications à deux traditions différentes : l’une dans la tradition judéo-chrétienne et l’autre dans la tradition pagano-chrétienne. On a vu que Marc surtout montre souvent Jésus en séjour chez les païens. Peut-être a-t-il cru bon de transcrire, d’adapter pour ces derniers devenus chrétiens le récit primitif de Matthieu. Et, ensuite, les deux textes se seraient comme réfractés, reflétés en deux traditions. C’est possible ! Peu importe sinon pour signaler - et c’est d’importance - que l’évangéliste Marc, avec sa préoccupation très universaliste, a eu le souci d’évangéliser tout homme quel qu’il soit : “Allez dans le monde entier…“.

La multiplication des pains ! Il faut se rappeler qu’on en trouve trace déjà dans la “geste d’Elisée“, Elisée qui était à la tête d’une communauté de “prophètes“ (les charismatiques de l’époque si je puis dire non de façon péjorative). Ils vivaient très pauvrement dans des sortes de “bicoques“, au bord du Jourdain (comme Jean-Baptiste, plus tard). Or, dans leur cuisine très sommaire (peut-être pas très hygiénique) un incident s’est produit qui a failli tous les empoisonner ! Elisée multiplia les quelques pains (biologiques, ceux-là) qu’on lui apporta ! Pour le bien de ses frères ! (Cf. II Rois 4.42sv). Je remarque cela pour rappeler que nous sommes tous des empoissonnés par le péché !

Il y avait aussi, bien sûr, un signe analogue, accompli par son maître, le prophète Eli auprès de la veuve de Sarepta (I rois 17) : “Cruche de farine ne se videra ; jarre d’huile ne désemplira…“, avait-il prophétisé.

Mais surtout, il faut remonter encore plus haut, se rappeler tout ce qui est dit de la manne que Dieu donne en nourriture au peuple affamé dans le désert… Jésus, se montre, en ce geste comme le nouveau Moïse annoncé par Moïse lui-même !

Tous ces récits viennent enrichir le geste de Jésus qui prendra sa signification (surtout chez St Jean) dans le repas de la Cène, dans le repas avec le disciples d’Emmaüs comme en ceux que Jésus partage après sa résurrection, signification qui se prolonge actuellement, bien sûr, dans l’Eucharistie en attente du repas dans le Royaume de Dieu : “heureux, celui-là qui prendra part au repas du Royaume de Dieu !“ (Lc 14.15).
C’est pourquoi Jésus, juste avant sa mort, sera encore plus explicite : “Je suis le pain vivant qui descend du ciel“ (Jn 6.41) - “Celui qui mangera de ce pain vivra éternellement !“ (6.51).

Or, nous sommes tous des sous-alimentés (spirituellement) comme les “prophètes“ au temps d’Elisée. Aussi, est-il dit, “Jésus fut pris de pitié“. Le terme évoque les entrailles maternelles. Jésus est toujours profondément ému devant notre détresse !

Mais comment rassasier des hommes dans un désert ?, est-il écrit. Pourtant, Jésus est bien en Galilée, non dans un désert ! D’ailleurs il sera noté par Jean (et aussi par Marc) qu’il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Que voulez-vous, dans la Bible, la géographie revêt souvent une signification théologique. Ne sommes-nous pas tous des “errants“ dans le désert de ce monde, comme les Hébreux à la sortie d’Egypte ?

Il est précisé dans le premier récit (ch. 6ème) : “Jésus commanda aux apôtres d’installer tout le monde par groupes de 100 ou 50. Cette notation rappelle la structuration du peuple hébreu faite par Moïse dans le désert. C’est le “Pain venu du ciel“ qui structure le peuple de Dieu, qui structurera l’Eglise primitive (“Ils étaient assidus à la fraction du pain“ Ac. 2.42), qui structure notre Eglise : “Aucune Communauté chrétienne, dit le Concile Vatican II, ne peut se construire sans trouver sa racine et son centre dans la célébration de l’Eucharistie“.

Il est encore précisé : “Jésus donnait aux apôtres qui, eux, donnaient à la foule“. Ce n’est pas un détail anodin, là non plus. En tous les cas, on ne se passait pas la corbeille de l’un à l’autre… !

Jésus prend le pain, il le lèvre et la donne… Le geste à la fois vertical et horizontal, comme le signe de la croix ! C’est toute la condition humaine, à la fois royale et sacerdotale, qui est là comme restaurée. Comme c’est consolant de pouvoir renouveler en notre vie ce geste auquel il ne manque plus rien : “Par lui, avec lui, en lui, tout honneur et toute gloire…“.

Un auteur spirituel avait raison de commenter : “On ne peut aller au-delà, ni rien ajouter ; après l’Eucharistie, il n’est plus rien vers quoi on puisse tendre. Il faut s’arrêter là !“.

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