mardi 8 février 2011

Pharisaïsme !

5 T.O. Mardi - Pharisaïsme ! (Mc 7.1-13)

Quand même ! - “Le doux Jésus“, comme on dit parfois -, il y a va fort avec les pharisiens ! J’avoue aimer ces passages, non à cause des pharisiens rabroués, mais parce que Jésus se montre pleinement homme, avec une sensibilité, une intelligence tellement humaines - on l’oublie parfois - ; et comme un homme, ses réactions sont parfois vives, même avec ses disciples à qui il prête, de temps à autre, une intelligence complètement “bouchée“ !

Oui, mais enfin, ce sont des gens bien, ces pharisiens, d’excellents “pratiquants“, fidèles à toutes les coutumes religieuses, c’est-à-dire aux 613 commandements (248 prescriptions et 365 interdictions !). En fait, ce n’est pas cette fidélité que Jésus reproche, mais de s’abriter derrière elle et d’en oublier l’essentiel ! C’est le danger de toute vie religieuse : s’abriter derrière une collection de rites et de doctrines qui peuvent empêcher d’entendre Dieu lui-même. Tout peut devenir objet d’idolâtrie, malheureusement !

Naguère, on m’avait demandé un petit exposé sur ce sujet, à propos de la liturgie. Et j’avais d’abord rappelé la première faute de David, car ç’en était une : construire à Dieu une maison, alors que Dieu seul peut se construire une maison ! Cette “inversion sacrilège“ est souvent dénoncée dans la Bible : se mettre à la place de Dieu ! Quelle énormité !
C’est ce qui distingue, par exemple, les vrais des faux prophètes. Ces derniers prétendent parler “à la place de Dieu“ (plus fréquent qu’on ne le pense), alors que le vrai prophète ne doit être seulement qu’un “porte-parole“ de Dieu. Moïse, est-il dit, parlait, lui, “al pi Adonaï“, “sur la bouche de Dieu“. Il ne faisait que prêter sa bouche à la bouche de Dieu ! Je suis intérieurement agacé quand on me dit : “Ah ! quelle belle homélie !“. J’ai envie de répondre : “Et Dieu, lui, vous a-t-il parlé ?“. Le grand St Augustin avait raison de dire : “Moi, je ne suis que le répétiteur extérieur du Maître intérieur qui seul instruit les cœurs !“ Il s’agit de découvrir les pensées de Dieu et non celles d’un homme !

Oui, c’est Dieu qui construit sa maison… ! A telle enseigne que Dieu lui-même avait prescrit à Moïse - avec moult détails - la manière de construire l’Arche d’Alliance, signe de sa présence au milieu du peuple (David, justement, semblait l’avoir oublié !) : “Je vais te montrer le plan de la demeure ; c’est exactement comme cela que vous ferez…, selon le plan qui t’a été montré sur la montagne… Tu dresseras la demeure d’après la règle qui t’é été montrée sur la montagne !“. (Cf. Ex 25.10-15).
“Selon le modèle vu sur la montagne !“. La créativité doit s’exercer dans la liturgie ! Ce n’est pas de l’immobilisme. L’histoire de la liturgie le démontre. Cependant, on n’adore pas Dieu n’importe comment. Sinon, on verse facilement dans l’“inversion sacrilège“, l’“idolâtrie“. L’idolâtrie, ce n’est pas seulement adorer des idoles, mais adorer Dieu d’une manière qu’il n’a pas demandée !

Il y a un autre texte encore qui stigmatise l’attitude pharisienne. Un texte de St Paul, un peu abscons, il est vrai (raison sans doute pour laquelle il n’est pas dans le lectionnaire). Vous pourrez vous y référer : Colossiens 2.16 sv.
- “Que nul ne vous condamne pour des questions de nourriture… à propos du shabbat…“. Tout cela, c’est de l’ombre ; la réalité, c’est le Christ… Et vlan pour les pratiques judéo-chrétiennes pharisiennes !
- Ne vous laissez pas abuser “par des gens qui se complaisent dans une dévotion“ qui viendrait soi-disant d’un “culte des anges".Ceux-là se plongent dans leurs visions ; leur intelligence se gonflent de chimères !“ Et vlan pour certaines pratiques ésotériques “charismatisantes“ de mauvais aloi !
- “Vous êtes morts avec le Christ aux éléments du monde !“. Alors “pourquoi vous plier à des règles comme si votre vie dépendait du monde ? Ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas… Tout cela pour des choses qui se décomposent à l’usage. Voilà bien les commandements et les doctrines des hommes ! Ils ont beau faire figure de sagesse - religiosité, dévotion, ascèse -, ils sont dénués de toutes valeurs et ne servent qu’à contenter la chair…“. Et vlan pour le faux ascétisme !

“Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu !“ Soit ! “Sursum corda !“. Mais comment des attitudes, des pratiques qui peuvent être belles soient si facilement critiquées par St Paul ? St Paul se montre, là, très subtil : tout peut devenir objet d’idolâtrie ! Tout ! Même les cérémonies et les règles que l’on a instituées pour éviter l’idolâtrie quand elles deviennent des fins, alors qu’elles ne sont que des moyens, quand “les quo“ deviennent “des quod“, disait le P. Congar. Et plus l’idole est noble, plus c’est dangereux, parce que plus on s’arrête, plus notre aventure d’homme “à l’image de Dieu“, en voyage vers Dieu - jusqu’à ce que l’on puisse voit Celui qui le voit sans cesse - risque d’être contrariée, interrompue.

St Paul avait bien compris la parole du Christ à l’adresse des pharisiens de tous poils : “Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile le culte qu’ils me rendent… !“.

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