mardi 31 mars 2009

Le “Serpent d’airain…“ ! - Carême 5. Mardi - (Nombres 21.4sv)

Le désert fut pour les Hébreux :
  • le lieu de l’Alliance avec Dieu. Et il restera toujours une contrée où Dieu aime parler cœur à cœur avec l’homme. “Midbar dibarti“, dit le prophète Osée dans un jeu de mots : “Au désert, je lui parlerai“. Le désert est un lieu de grande intimité avec le Seigneur. Pensons au prophète Elie. Fuyant la reine Jézabel qui veut sa mort, découragé, déprimé, il va se réfugier vers la montagne de l’Horeb, la montagne désertique, la montagne de Dieu. Et là, Dieu lui parle “dans le souffle d’une brise légère“, dit le texte, en mot à mot – et cela m’enchante – “dans une poussière de silence“ ou “dans l’éclatement d’un silence“. Ce silence du désert qui conduit obligatoirement à un dépouillement de soi !
  • Mais le désert est aussi le lieu de la Tentation ! (C’est normal : plus on veut se rapprocher de Dieu, plus le Tentateur est présent !). Aussi, il est dit qu’au désert, les Hébreux “râlaient“ très souvent !

Nous aussi, en quelque sorte, nous sommes souvent dans un désert : “Je suis dans le monde et non du monde“, disait Notre Seigneur. A sa suite, nous sommes “en exil“… et seuls ! “On est seul aussi chez les hommes“, disait le renard de Saint-Exupéry au petit prince !

- Et, j’en suis persuadé, dans cette solitude, il vous arrive de “faire silence“ convergent et non divergent, un silence que Dieu remplit de sa présence : il se révèle et veut “faire alliance“ !

- Mais il y a aussi des moments sinon de tentation du moins de rouspétance ! Il ne faut surtout pas, en un premier temps, s’en étonner !

J’ai fait, naguère - oh ! quelque peu ! - l’expérience du désert dans le Néguev - un lieu extraordinaire - ! Ce furent avec quelques autres des jours un peu spartiates ! Au début, nous étions subjugués. Et notre guide (un religieux dominicain) nous disait : “Mais vous ne râlez pas ! Un groupe qui ne râle pas, ce n’est pas normal !“ Et, de fait, il nous est arrivé de ronchonner par la suite sous la chaleur, la soif, les scorpions… etc.

Oui, il est normal de maugréer tout au long de notre cheminement à travers le désert de notre vie. Alors, la première réaction qu’il faut toujours garder, c’est l’humour : savoir rire de soi-même ! “Bienheureux celui qui a appris à rire de lui-même ; il n’a pas fini de s’amuser“, disait J. Folliot. Et les grands Saints avaient leurs moments d’humour ! Ainsi Ste Thérèse d’Avila. On raconte d’elle - l’histoire est-elle vraie ? J’en doute, mais peu importe - : elle était en voyage pour la fondation d’un carmel lorsqu’elle trébucha et tomba dans l’eau d’une rivière. Naturellement, en se relevant, elle râlait…, comme les Hébreux dans le désert…, elle râlait contre le Seigneur. Et le Seigneur lui répondit - dit-on - que c’est de cette manière qu’il testait ses amis. Alors Thérèse de lui rétorquer dans un éclat de rire : “Alors, ce n’est pas étonnant que vous en ayez si peu !“.

Savoir rire de soi et des situations de la vie ! Cependant, il y a parfois les chutes, les fautes. “Nous avons péché en récriminant contre le Seigneur… !“, reconnaissaient les Hébreux dans le désert. Alors, à ces moments-là, il faut savoir se relever avec contrition, certes, (c’est la condition du pardon divin, disent les moralistes !!!). Mais se relever également avec grande humilité qui, avec tristesse bien sûr, sait nous faire accepter nos limites et nos faiblesses. Là encore, c’est une façon de ne pas trop se prendre au sérieux et de savoir rire de soi-même. Il faut savoir que le sentiment persistant de culpabilité est souvent une preuve d’un orgueil “renversé“. “Quant il vous arrive, disait encore Ste Thérèse d’Avila, de faire quelques chutes, reprenez vite et aussitôt votre marche en avant. Dieu saura tirer le bien de ces chutes elles-mêmes !“. C’est toujours l’action de sa grande miséricorde !

Moi qui voulais vous donner quelques explications sur ce fameux “serpent d’airain“ dont la lecture nous parle, je me suis laissé entraîner par mon babillage. Je suis tombé dans la distraction. Je vais donc me relever pour une plus grande attention… ! Mais ne m’en veuillez pas !

Pour ceux qui ont encore le courage de me lire, je dirais : il y a un jeu de mots plein d’humour (un peu noir) dans l’expression “serpent d’airain“
- Serpent : nafav (narach). N’oublions pas que les Hébreux venaient d’Egypte ! En ce pays, on croyait qu'un animal dangereux pouvait être neutralisé ou manipulé par son image. Ces représentations transformaient la menace mortelle du serpent en une fonction guérissante. (Des images d'animaux accompagnaient les morts, afin de les protéger des forces du monde souterrain). C’est un peu comme dans l’art de la médecine : on prend un peu du poison, on l’inocule dans l’organisme pour en faire un antidote ! Ainsi, en se moquant, Moïse dit au peuple : en regardant le serpent, regardez bien en face l’objet de votre erreur, votre mal (ne pas croire en Dieu). Et en regardant votre erreur bien en face (avec contrition, dirions-nous), vous serez sauvés !

- Et Moïse insiste ! Dieu lui avait commandé de faire un serpent ! Et lui de se dire : “je le ferai en airain“ : (nérochet !) Il en découle un jeu de mot dans l’expression “serpent d’airain“ : “narach nérochet“.

- Les deux mots ont la même origine, celle du verbe nOfav : faire de la divinisation, consulter les augures, ce que les Hébreux faisaient facilement quand ils se détournaient de Dieu ! Autrement dit, en amplifiant sa moquerie, Moïse leur demande de bien reconnaître leurs erreurs, leur manque de confiance. Et ce faisant, Dieu leur pardonnera et ils seront sauvés ! La faute qu’il regarde bien en face avec contrition devient un antidote par la foi retrouvée.

- C’est cette explication que semble donner Jésus dans son entretien avec Nicodème (Jean 3) : “Ce qui et né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit !“.

+ Reconnaître d’abord que ce qui et né de la chair est chair, comme David qui reconnaît sa faute : “Vois, mauvais, je suis né !“

+ Ce qui conduit à une “renaissance“ : “crée en moi un cœur pur !“ demandait alors David après avoir reconnu sa faute avec contrition : “ce qui est né de l’Esprit est esprit !“.

Aussi, se référant à l’épisode du désert, Jésus peut ajouter : “comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l'homme soit élevé…“. C’est-à-dire regarder avec contrition le Christ en croix dont la mort est le “salaire du péché“, dira St Paul. Regarder en face son erreur ! Et alors, par la foi, le salut est donné !

+ “afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éternelle“.

+ “Qui croit en lui n'est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu“.

+ “Et le jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré l'obscurité à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises“.

+ “Quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de crainte que ses œuvres ne soient démasquées“.

On comprend mieux les phrases de St Jean :

- faire la vérité, regarder en face, le serpent, objet de nos fautes, de nos erreurs… Faire la lumière jusque là !

- Et alors par la foi, le salut est donné !

C’est toujours le même mouvement : descendre jusque dans sa bassesse pour remonter, “renaître“, dit Jésus à Nicodème.

C’est tout le sens de notre baptême : descendre dans la mort avec le Christ pour remonter avec lui vers la VIE.

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