lundi 9 mars 2009

La miséricorde… ! – Carême2 - Lundi - (Luc. 6.36-38)

“Soyez miséricordieux…, ne jugez pas…, pardonnez !“.

Qui n’a pas connu dans sa famille, dans son entourage, chez ses amis un drame moral qui pouvait briser certains liens et précipiter vers le désespoir :
  • c’est la brisure incompréhensible d’un amour…,
  • c’est la descente dans l’enfer de l’alcool, de la drogue…,
  • c’est une maternité pour sa fille et qui se retrouve seule…,
  • c’est la trahison d’une longue amitié…,
  • c’est un ami chrétien…, voire un prêtre que l’on estimait fort et qui quitte l’Eglise… On ne comprend pas !
  • Et que sais-je encore… ?

Ces multiples événements qui nous agressent, nous déstabilisent, qui font terriblement souffrir sont de tous les temps. Ils sont peut-être plus visibles actuellement.

Alors que faire ? La réponse de l’Evangile semble paraître lapidaire :

“Soyez miséricordieux…, ne jugez pas…, Pardonnez !“.

Comment cela ?
  • Faut-il faire silence sur le mal et passer outre près d’un frère tombé au bord du chemin… pour ne pas avoir d’histoires ! C’est fréquent cela aussi ! Jamais les saints ne se sont tus, disait Pascal ! Car le silence peut être parfois le plus cruel des mensonges.
  • Faut-il être permissif et admettre les déviances, les erreurs et les fautes, parce que, dit-on, il faut bien s’adapter à notre temps, n’est-ce pas ?
  • Faut-il donc admettre l’inadmissible ?

Et bien non, et non encore ! La miséricorde n’est ni l’affadissement ou la complaisance, ni l’indulgence ou la compassion ! La miséricorde garde sa haine intacte vis-à-vis du mal sous toutes ses formes. Il faudrait toujours avoir, disait Claudel, “une intelligence dure et un cœur tendre !“.

Car, finalement, la miséricorde est une folie d’amour qui à la fois refuse fermement le mal et qui, en même temps, manifeste une extraordinaire tendresse pour celui qui est tombé, parce que justement il est tombé. La miséricorde, c’est la douleur d’un mal qui déchire notre cœur et, par la blessure ainsi ouverte, permet l’invasion d’un amour divin. Car Dieu, lui, ne se résout jamais à la chute de l’une de ses créatures qu’il a créée “à son image“ et qu’il aime pour l’éternité. A un excès du mal, Dieu répond toujours, en Jésus Christ, par un excès d’amour. C’est, en permanence, la réponse de Dieu au mystère du mal !

Et puis, il y a une grande raison : au lendemain de la dernière guerre, le P. Chevignard, dominicain chargé de la formation des novices, enseignait à propos des atrocités de la dernière guerre : “Si vous ne savez pas que nous sommes tous capables d’en faire autant (que les bourreaux si condamnables), vous n’avez rien compris au christianisme. Si vous n’avez pas compris que vous êtes capables d’être des monstres, vous n’avez rien compris !“.

La miséricorde dépasse donc de beaucoup l’utile combat pour la solidarité, la lutte nécessaire pour plus de justice, le louable engagement politique ou social (1)… La miséricorde comporte tout cela mais avec, en plus, une force d’amour inépuisable qui peut toujours dire à celui qui est tombé, qui a offensé gravement : “Mon enfant…, mon ami…, mon frère… !“ (même si justice humaine doit être parfois rendue !).

N’est-ce pas cette miséricorde que le Christ a grandement manifestée du haut de la croix ? A un excès du mal, Dieu répond toujours, par un excès d’amour ! Et St Pierre, lui qui avait trahi et qui avait été guéri par le regard d’amour de son Seigneur, écrivait au commencement de sa lettre : “Béni soit Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus Christ : dans sa miséricorde, il nous a fait renaître !“.

Oui, comme Pierre, il faut d’abord reconnaître sa très grande faiblesse avant de pratiquer véritablement la miséricorde. Au candidat à la vie religieuse, il lui est souvent adressé cette interrogation aux étapes décisives de son engagement : “Que demandez-vous ?“. La réponse doit être précise, autant simple qu’insondable (la vie ne suffira pas pour en découvrir tout le sens) : “La miséricorde de Dieu et la vôtre !“. C’est la seule condition pour être religieux… et donc pour être chrétien !

(1) Robert Schuman, un des “pères de l’Europe“ avait bien compris cela. Il est regrettable que l’on ne connaisse pas suffisamment son action politique, sociale qui était profondément chrétienne.

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