lundi 23 mars 2009

Reconstruire - Carême 4. Lundi - (Isaïe 65.17sv)

La lecture est tirée du livre d’un prophète inconnu et anonyme que l’on appelle communément “Troisième Isaïe“ parce qu’il exprime fortement, d’une part, la foi au Dieu transcendent et Unique que proclamait le “Premier Isaïe“ avant l’exil, et, d’autre part, l’espérance indéfectible en ce même Dieu du “Deuxième Isaïe“, pendant l’exil.

L’écrit date donc du retour d’exil ! Avec l’édit de Cyrus (539), les Juifs peuvent revenir en leur “Terre Sainte“, cette terre que Dieu avait donnée à leurs ancêtres. Beaucoup sont restés en Babylonie ; mais nombreux aussi sont les familles qui sont revenues en Israël ! Elles reviennent en chantant leur espérance : “Quand le Seigneur ramena les captifs, nous avons cru rêver. Notre bouche était pleine de rires et notre langue criait de joie… !“ (Ps 126).

Ils annoncent des lendemains qui chantent ! Très vite ils ont déchanté ! La réalité du retour - … ce “retour des prisonniers !“ - est très dure :
  • Les terres sont restées en friche, en grande part ! Il faut travailler beaucoup pour gagner peu ! La plupart ne retrouvent pas un “chez soi“ qui respire le bonheur. Et les “débrouillards“ sèment troubles et injustices. Evidemment !
  • De plus, il y a des étrangers, ces émigrés envoyés naguère tant par les Assyriens que par les Babyloniens pour remplacer les déportés. Non seulement ils ont pris place, mais leur religion est un syncrétisme des religions de leur pays d’origine et de la religion au vrai Dieu. Ce sont déjà les Samaritains si méprisés de l’Evangile !
  • Alors comment en ce contexte politique et social retrouver véritablement son identité à la fois nationale et religieuse, d’autant que certains de ces étrangers semblent se convertir ?

Alors, ce “Troisième Isaïe“ va répondre au nom de Dieu :

Identité et ouverture à la fois! La “Terre sainte“ n’a été conquise que par la fidélité du peuple au Dieu de l’Alliance au Sinaï, fidélité conservée jusque dans l’exil, la pire des situations, fidélité qui justifie notre retour mais qui demande de reconstruire le Temple comme signe d’avenir pour tous. Car Dieu dit : “je viens pour rassembler toutes les nations de toutes les langues ; elles viendront et verront ma gloire… !“ (66.18).

Autrement dit, l’ouverture aux autres ne doit pas être abdication de ses convictions. Au contraire, c’est lorsque l’on acquiert une certaine consistance dans sa personnalité que l’on devient capable de recevoir son voisin de palier. Fermer portes et fenêtres est un risque d’asphyxie ; les ouvrir sans considération est un appel à une bourrasque. C’est lorsque la foi est profonde qu’elle devient œcuménique. C’est son attachement indéfectible au Christ qui permet à Paul de devenir “l’Apôtre des nations“.

C’est lorsqu’on ouvre sa vie au Christ que l’on devient capable de tout intégrer sans peur ni crainte : “Tout est à vous ; mais vous, vous êtes au Christ ; et le Christ est à Dieu !“. Notre “Troisième Isaïe » nous dirait aujourd’hui : il y a une telle puissance d’intégration dans le Christ que le chrétien ne doit pas avoir peur de s’ouvrir et aux autres et à tout ce qu’il y a de plus beau dans la création… A condition de toujours fortifier sa foi… !
  • Et c’est dans cette aspiration que se pratiquera la justice. La terre sera à tous ; et chacun aura sa place. On pratiquera plus de justice dans la “reconstruction du peuple“ si la fidélité à Dieu reste intacte. Chacun trouvera alors sa place avec justice. Hier, le pape Benoît XVI, depuis l’Angola, a commenté la lecture biblique du retour d'Israël de l'Exil à Babylone, en l'actualisant : “Lorsque la Parole de Dieu n'est plus écoutée - Parole qui a pour objectif de construire les personnes, les communautés et la famille humaine tout entière - et quand la Loi de Dieu est tournée en dérision et méprisée, il ne peut en résulter que destruction et injustice“.
  • Et chacun sera alors dans l’allégresse, le “nourrisson“, comme le “vieillard“ : “on bâtira des maisons que l’on habitera, on plantera des vignes dont on mangera le fruit…“.

Mais “cherchez d’abord le Royaume de Dieu ; et le reste vous sera donné de surcroît“. Que nos prières ne soient donc pas uniquement sur le registre horizontal - même légitimement - mais en même temps sur le registre vertical ! …

Rappelons-nous la guérison du paralytique à Capharnaüm : Il désire instamment et légitimement être guéri. Et Jésus “s’amuse“, si je puis dire, en lui répondant : “Tes péchés sont pardonnés !“. Ce n’était pas le même registre, c’est le moins qu’on puisse dire ! Jésus est toujours d’abord dans la dimension verticale pour que notre dimension horizontale soit féconde, malgré les difficultés que pourraient nous occasionner tous les (supposés) Samaritains de la terre. “Cherchez donc le Royaume de Dieu ; et le reste vous sera donné de surcroît“.

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