mercredi 18 mars 2009

Ecoute… ! - Carême 3. Mercredi (Deut. 4.1sv)

“Maintenant, Israël, écoute les commandements…, les décrets que je vous enseigne… pour que vous viviez… !“ … “N’oublie pas… !“.

Ecoute ! Ecouter ! On en revient toujours à cette première disposition pour être en “relation avec Dieu“ (=foi).

Ecouter la Parole ! Dans la Tradition juive, les façons d’écouter la Parole sont mémorisées par le mot “Pardeis“ qui veut dire jardin (d’où le mot “paradis“). Pourquoi ? Parce que, dans un pays chaud, on se réunit à l’ombre des arbres pour parler, bien sûr, … pour s’entretenir surtout de la Parole de Dieu ! Le figuier, à ce point de vue, offre un meilleur ombrage, une plus grande fraîcheur. Les rabbins aimaient s’y rassembler. C’est le sens de la réflexion de Jésus à Nathanaël : “… alors que tu étais sous le figuier, je t’ai vu !“. C’est donc bien un “véritable Israélite“ : Il écoute la Parole de Dieu !

Le mot “Pardeis“, composé de quatre consonnes en hébreu (PRDS), est utilisé comme acrostiche pour mémoriser la progression dans l’écoute de la Parole de Dieu : Il a ainsi :
  • le “P“ (ou “Ph“ avec daguesh), c’est la première lettre du mot : “Phashout“ = “simple“. C’est la simple lecture, ce qui est signifié par simple lecture !
  • le “resh“ : “R“, première lettre du mot “rémez“ = “allusion“. 2ème lecture qui utilise la mémoire. Ce n’est pas défendu, en lisant, de faire jouer sa mémoire pour déceler des analogies entre tel et tel livres, paroles ou expressions semblables.
  • le “daleth“ : “D“, première lettre du mot “Drash“ (d’où vient “midrash“) = “scruter“. C’est scruter, approfondir la Parole de Dieu.
  • enfin le “samek“ : “S“, première lettre de “sod“ : “mystère“. C’est atteindre la profondeur du mystère qu’il y a dans la Parole de Dieu. Mais, à ce niveau, il faut se faire très humble. Certains se sont perdu dans des spéculations mystico-gazeuses… et sont devenus hérétiques.
  • Ces remarques peuvent paraître “intellectuelles“. Si vous voulez ! Personnellement, j’en retiens une leçon : Il faut lire et relire, “ruminer“ la Parole de Dieu selon l’expression des Pères de l’Eglise, commencer par une simple lecture, y découvrir, par analogies, bien des significations qui, rassemblées par la mémoire, aident à “scruter“ le message du mystère de Dieu à notre intention pour enfin parvenir au paradis : parvenir à cette relation amoureuse et facile de Dieu avec ses enfants… Nous serons véritablement les enfants de Dieu si nous savons accueillir le “Verbe de Dieu“, la “Parole de Dieu“ en nous ! Ce sera le “paradis“ ! “Le Verbe était la vraie lumière qui illumine tout homme. Et à ceux qui l’ont reçu, Dieu a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu“. (Jn 19sv).

Cette façon de procéder pour écouter la Parole de Dieu rejoint parfaitement la tradition chrétienne, exprimée par exemple par un certain Guigues le Chartreux (12ème s.) qui parle de “ l’échelle du clostrier“ à l’intention du lecteur de la Parole de Dieu :
  • Il y a, en un premier temps la “lectio“ : l’écoute de la Parole de Dieu au sens littéral. Cela ne veut pas dire la sens “matériel“. Il faut avoir l’honnêteté de chercher à savoir ce que l’auteur a voulu dire, signifier.
  • Il y a ensuite la “meditatio“ : faire comme Notre Dame ; on “remue“ dans son cœur tous les événements… pour y discerner un sens unique !
  • Il y a, en troisième lieu, l’“Oratio“ : l’intelligence s’impatiente, si je puis dire. Alors elle frappe à la prote ; elle prie que Dieu la mène plus loin…
  • Il y a la “contemplatio“ : C’est la réponse à la prière, une réponse qui vient “d’en En-haut“ ! C’est un don que Dieu fait, mais un don qui n’est pas réservé à une élite de “mandarins“ qui peuvent s’adonner à une culture spirituelle. Non et non ! C’est un don qui, tout simplement, peut être donné à quelqu’un qui dit simplement son chapelet, qui médite et qui se sent tout d’un coup unifié dans une joie qui donne envie de retrouver Marie et son Fils. Cela existe ! Oui !
  • Enfin, il y a la “predicatio“. Elle suit la “contemplatio“. On peut retenir la belle formule de St Thomas d’Aquin : “contemplata aliis tradere“ : “traduire, transmettre aux autres ce que l’on a contemplé“. La “prédicatio“ doit être un “débordement“ : “ça déborde“ obligatoirement !

Pour palier à mon style un peu technique aujourd’hui, mais qui veut vous transmettre une manière d’“écouter“ la Parole de Dieu autant dans la tradition juive que chrétienne, je terminerai en vous citant ce que le pape Benoît XVI vient de dire à ses prêtres de Rome au sujet de l’écoute, une écoute qui doit être à l’exemple de Marie !

Marie est la femme de l'écoute :

Au moment de l'annonciation, nous pouvons déjà entrevoir l'attitude d'écoute, une écoute réelle, une écoute à intérioriser, qui ne dit pas simplement oui, mais qui assimile la Parole, prend la Parole. Cette Parole intériorisée devient Parole en nous et pour nous, presque comme une forme de notre vie. Cela me semble très beau : voir cette écoute active, c'est-à-dire une écoute qui attire la Parole de façon à ce qu'elle entre et devienne en nous Parole, la reflétant et l'acceptant au plus profond du cœur. Ainsi, la Parole devient incarnation.

Nous le voyons également dans le Magnificat. Nous savons qu'il s'agit d'un tissu composé de paroles de l'Ancien Testament. Nous voyons que Marie est réellement une femme d'écoute, qui connaissait dans son cœur l'Ecriture. Elle ne connaissait pas seulement certains textes, mais elle s'était tellement identifiée à la Parole que les paroles de l'Ancien Testament devenaient comme un chant dans son cœur et sur ses lèvres. Nous voyons que sa vie était réellement pénétrée par la Parole, elle était entrée dans la Parole, l'avait assimilée et était devenue vie en elle, se transformant ensuite à nouveau en Parole de louange et d'annonce de la grandeur de Dieu.

Il me semble que saint Luc, se référant à Marie, dit au moins trois foi, qu'elle a assimilé et conservé les paroles dans son cœur. C'était, pour les Pères, le modèle de l'Eglise, le modèle du croyant qui conserve la Parole, porte en lui la Parole ; non seulement il la lit, mais il l'interprète avec son esprit pour savoir ce qu'elle a été à cette époque… … C’est alors que la Parole devient Parole en nous, vie en nous et présence du Seigneur.

Cela est évident : la Vierge est la parole de l'écoute, la parole silencieuse, mais également parole de louange, de l'annonce, parce que la Parole dans l'écoute devient à nouveau chair et devient ainsi présence de la grandeur de Dieu.

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