30ème
Dim. T.O. 12/B (Mc 10.46sv)
Vous avez certainement bien entendu !
St Marc nous présente un homme. Il nous rappelle son nom, son prénom, sa
famille, son adresse. C'est Bartimée, le fils de Timée. Il habite
Jéricho. Il est là au bord de la route, à la sortie de la ville.
Il est immobile, à l'écart de la circulation. Car c'est un aveugle. Et
il tend la main. C'est donc aussi un mendiant.
Or Jésus vient à passer et vous savez la
suite...
C’est vrai : Bartimée est un des
privilégiés que Jésus a guéris : “Que
veux-tu que je fasse pour toi ?”. – “Seigneur, que je voie”. – “Va, ta foi t'a
sauvé !”.
Il me semble entendre certaines réflexions
: “Un miracle, et après : qu'est-ce que cela change pour nous ? Un aveugle
a été guéri par Jésus à Jéricho, il y a 2000 ans ! Tant mieux pour lui ! Mais
en quoi cela nous concerne-t-il ?”.
Et ces réflexions se conjuguent avec bien
des réactions quand on lit dans les journaux, qu’on écoute à la radio, qu’on
regarde à la télévision les actualités si souvent assombries par des nouvelles,
des images sinistres, parfois terrifiantes.
Et voilà qu’à l’église, on nous raconte une
histoire qui finit bien, mais pour un aveugle d'autrefois. On ferait mieux de
parler de sujets plus actuels, parler de la vie d'aujourd'hui ! Sans
doute !
Et si cet évangile justement parlait de
nous ? Car Bartimée, c'est moi, c'est vous, c'est chacun de nous. Prenons le
temps d'écouter, car c'est quand même Dieu qui nous parle ici.
Il est question d'un aveugle...
Mais cet aveugle, c'est nous. C'est chacun
de nous. C'est notre monde qui marche à l'aveuglette C’est l’humanité
enténébrée. Reconnaissons-le... Nous
sommes si souvent aveugles qu’il nous arrive de dire : “Je ne sais plus où j'en
suis... Je suis désorienté... Je ne vois pas clair” ... Ou bien, par rapport à
la foi elle-même : “Je suis dans le brouillard ... Je suis un peu perdu”. – Et
puis de cet état déjà sinistre, il y a encore cette constatation : “Il y a
des gens que je ne veux même plus voir !”. Que d'aveuglements, finalement !
Il est question d'un mendiant...
Eh bien ! Le mendiant, c'est nous, … et
peut-être pas assez finalement. Je veux
dire que cette mendicité, il faut nous la souhaiter, car elle se résume à être
ouvert, disponible, à tendre la main ou à prendre la main que l'on nous tend
pour voir plus clair !
Il est question d'une rumeur...
Bartimée entend une rumeur, une foule qui
piétine. “Qui est-ce?”. - “C'est Jésus de Nazareth !”. Quand il
apprend que c'est Jésus qui passe, il a envie de s'approcher. Il jette son
manteau derrière lui et il s'élance.
Aujourd'hui encore, Jésus passe sur nos
routes. Il faut entendre la rumeur autour de lui ! Jésus passe ! La
rumeur s'entend, mais où donc ? Partout où Jésus est annoncé. Partout où il est
célébré. Partout où des gens se rassemblent pour l'écouter, pour parler de Lui
!
Et n’est-ce pas là, en cette année de la
foi, notre responsabilité de faire entendre la rumeur de Jésus qui passe, la
faire entendre à ceux et celles qui sont près de nous !
Une église paroissiale, une maison de
prière, un prieuré ne doivent-ils pas être des lieux de rumeurs, de cette
rumeur de Jésus qui passe, qui veut passer ?
Et pour ceux qui célèbrent un baptême, un
mariage ou autre instant religieux, ne doivent-ils pas, avant tout, faire
entendre la rumeur de Jésus qui passe ?
Et ceux qui s’engagent d’une manière ou
d’une autre à la suite du Christ, dans diverses activités, ne font-ils pas
entendre la rumeur de Jésus qui passe ?
Le Synode des évêques à Rome n’a-t-il pas
été finalement une rumeur de Jésus qui passe en notre monde. L’entendons-nous
cette rumeur ? Et dans cette “rumeur“, les Pères du
Synode, dans leur discours de clôture, indique que la première expression de la
vie de la foi, c’est “le don et l'expérience de la contemplation. C'est
seulement avec un regard d’adoration sur le mystère de Dieu, Père, Fils et
Saint-Esprit que peut jaillir un témoignage crédible pour le monde“. Et ils expriment
leur gratitude “pour tous ceux qui, hommes et femmes, consacrent leur vie à la
prière et à la contemplation dans les monastères et les ermitages“. - “Etre
rumeurs de Dieu“, c’est un devoir pour tous !
Oui, Jésus passe ! La rumeur doit
s’entendre. Pour nous qui, ce matin, venons participer à l’Eucharistie, Jésus
ne passe-t-il pas ? Il y a toute une rumeur de paroles, de chants… !
Oui, Jésus désire toujours “être avec“,
avec les hommes de notre temps. A nous de faire rumeur de son passage, d’une
manière ou d’une autre ! En cette "année de la Foi !
Chacun pourrait dire les passages de Jésus
dans sa vie et avouer aussi les passages manqués par négligence ou
désintérêt. Il est vrai que, comme pour
Bartimée, il se trouve toujours des gens, des circonstances aussi, pour nous
décourager, nous dissuader, nous dire que ce passage et cette rumeur sont
inutiles, voire irréels !
Mais remarquons-le bien :
malgré les obstacles
... en dépit de ceux qui voulaient le faire
taire,
Bartimée s'est jeté aux pieds de Jésus et a
lancé ce cri de confiance : “Prends pitié
de moi... Seigneur fais que je voie.”. Et pour lui commence l'aventure de
la foi que St Marc résume en disant : “il
se mit à suivre Jésus !“. C'est la définition de tout disciple, celui
qui marche à la suite de Jésus.
Ayons, ce matin, la simplicité confiante de
Bartimée en acceptant de crier nous aussi :
- notre désir de voir,
- notre désir de voir la réalité du monde à
la lumière de l'évangile,
- notre désir de voir les réalités de notre
vie comme Dieu les voit,
- notre désir de voir ceux et celles qui
nous entourent avec le regard de Jésus
- “Seigneur,
fais que je voie !“.
Cela peut tout changer car, de la qualité
de notre regard, dépend la qualité de notre cœur.
Aussi, je terminerai par une anecdote qui
pourrait s'intituler : ”L’histoire d'un regard”. Une anecdote qui dira
mieux que tous les discours combien il est important :
- d'avoir les yeux ouverts,
- de voir avec le cœur,
- d'emprunter le regard d'amour de Jésus.
C'était dans le train Nantes-Paris. Un
homme est près de son fils. Le petit garçon se gifle sans arrêt. Toutes les
trois minutes, il lance un cri d'angoisse, difficile à supporter. Le père
s'occupe de son enfant qui est donc handicapé mental profond, avec une grande
tendresse ; mais dans son regard on peut lire la douleur et la lassitude.
Voilà un arrêt ! Quelques grands jeunes -
quelque peu bruyants - montent et
s'installent pas très loin de l’enfant et de son père un peu isolés. Le petit
garçon, à leur vue, reste un instant calme, puis recommence sa plainte
gémissante. L'un des jeunes se lève et vient s'asseoir en face du petit. Il
prend ses mains dans les siennes et le regarde dans les yeux. Aussitôt
un échange s'établit. Jusqu'à Paris, il restera près du petit, prenant la
relève du père qui le regarde avec gratitude.
A Montparnasse, les deux hommes se serrent
longuement la main, échangeant peu de mots, puis se perdent, chacun de son côté,
dans la foule anonyme…
Aucune parole… mais un regard seulement…
Voir ou ne pas voir ! De la qualité de
notre regard dépend la qualité de notre cœur.
“Seigneur fais que je voie !”.
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