27 T.O. Mercredi 12/B -
- (Gal 2.1-14)
Pour explication :
Les écrits de St Paul ne sont pas toujours
faciles à comprendre tant l’apôtre est parfois subtil et souvent trop concis,
voulant tout dire à la fois !
Ainsi, dès le début de notre lecture, il
précise - remarque apparemment mineure, mais intéressante et exprimée de façon
subtile -, il précise qu’il part à
Jérusalem avec Barnabé, emmenant Tite. “Emmenant“ - sunparalabôn -. Certes, le
verbe se dit de deux personnes (ou plusieurs) qui s’adjoignent une autre
personne, Tite en l’occurrence. - Mais si Paul avait regardé Barnabé comme
étant parfaitement son égal dans l’initiative du voyage, il n’aurait pas
employé le singulier, mais le pluriel “sunparalabontes“, comme il est dit dans
les Actes, à l’occasion d’une circonstance semblable, à propos de Marc (12.25). En ce sens, la
traduction est très bonne : “j’emmenai
aussi Tite avec moi !“, Barnabé n’étant pas nommé ! Cela
souligne simplement - et on le verra - outre le différend qui l’oppose à
Barnabé, que l’ascendant de Paul commence à s’exercer et que déjà il était certainement
un missionnaire ardent et sans doute impétueux.
Il est vrai aussi que Paul monte à
Jérusalem “à la suite d’une révélation“,
dit-il. Certes, dans la “carrière“ de l’apôtre,
les interventions de l’Esprit-Saint sont fréquentes. Les Actes des Apôtres en signalent au moins
une dizaine (Ac.
11.27 ; 13.2.4 ; 16.6.9 ; 18.9sv ; 19.21 ;
20.20sv ; 21.4 ; 22.17 ; 23.11 ; 27.23 etc). Mais notons quand
même que ce voyage à Jérusalem est occasionné par un fort différend, en
l’Eglise d’Antioche, à propos d’une imposition éventuelle de la circoncision
pour les païens devenus chrétiens, différent qui oppose Paul et Barnabé. Aussi,
la précision “à la suite d’une
révélation“ veut-elle signifier que ce n’est pas aux hommes de décider,
mais à Dieu par l’intermédiaire de son Eglise…, précision qui semble corriger
les Actes des apôtres qui impute le
départ vers Jérusalem à la Communauté d’Antioche toute entière (Cf. Ac. 15.2sv). Précision mineure
apparemment, mais significative : au milieu de dissensions inévitables, il
faut toujours avoir une pensée verticale : quelle est la volonté de Dieu.
Les querelles et disputes sont fatales. Pour un chrétien, elles ne se
dissolvent que dans un regard vers Dieu, en union avec l’Eglise !
Autre précision encore anodine au
demeurant : A l’Assemblée de Jérusalem, et en particulier aux notables,
dit Paul, “j’exposai l’Evangile que je
prêche parmi les païens pour savoir si je ne courais pas ou si je n’avais pas
couru en vain“ ! “Pour savoir si…“ (“mè prôs“, en grec, traduit par “ne forte“
en latin).
- Paul manquerait-il d’assurance s’il
n’avait pas l’assentiment des autres apôtres ? Sans doute ! Mais l’apôtre
avait pourtant la certitude de sa “révélation“ dont il a parlé (début de la lettre).
- Craignait-il encore, le fougueux Paul, de
se heurter, s’il n’obtenait pas l’assentiment des notables, à une hostilité qui
serait alors fatale aux Communautés qu’il avait fondées et dont, pourtant, il
ne pouvait douter d’avoir assuré le salut par le Christ ? Une question qui
demande une réponse en forme de “oui“ ou “non“ serait alors un risque pour le
“travail apostolique“ déjà accompli ! Paul n’a certainement pas pris ce
risque !
- Aussi, n’oublions pas encore que Paul, “pharisien, fils de pharisien“ (Ac 23.6) savait
pratiquer, dans sa dialectique, toute la subtilité rabbinique (Il le prouvera lors de son arrestation à
Jérusalem et lors de son procès à Césarée). Aussi le fameux “pour savoir si…“ est à
comprendre comme une interrogation indirecte. Paul ne demande pas qu’on lui réponde
par un “oui“ ou par un “non“ sur la question de la circoncision. Il demande
seulement qu’on se demande s’il n’a pas couru en vain ! Et il fait cette
demande en ayant Tite à ses côtés, un chrétien déjà engagé mais
incirconcis ! Tactique très habile, reconnaissons-le ! La présence de son disciple n'était donc pas indifférente ;
Paul savait ce qu’il faisait en “emmenant Tite avec lui“ (“sunparalabôn“) sans l'accord de Barnabé ! Ainsi Paul ne sollicite pas tant une inflexion de la doctrine chrétienne sur la circoncision qu’une
appréciation de son "travail" missionnaire en présence de Tite qui apparaît alors comme le “cas topique“, typique. C’était, indirectement, rappeler à Pierre
sa position à Césarée face à Corneille sur qui était “tombé“ l’Esprit-Saint (Cf. Actes 10 &
11).
La réponse - peut-être plus ou moins
silencieuse dans un premier temps (c’est souvent ainsi qu’on résout les
problèmes, une manière de faire de Jean XXIII, a-t-on dit) - la réponse fut
aussi subtile et habile que la question. Notre lectionnaire ne la rapporte
pas ; c’est un peu dommage, me semble-t-il. Elle est éloquente dans sa
délicatesse : “Mais, est-il dit
aussitôt, on ne contraignit même pas
Tite, mon compagnon, lui un Grec, à être circoncis !“.
Quoi qu’il en soit de cette manière de
répondre en un premier temps, Paul était certain du résultat, ayant suivi un
Guide divin qui lui avait fait cette “révélation“ qu’il serait l’“apôtre des
païens“ ! Mais, d’autre part, il comprenait - c’était même pour lui d’une
nécessité essentielle - qu’il fallait continuer l’évangélisation en plein
accord avec les apôtres. Déjà l’Eglise naissante formait un “corps“ qui devait
conserver son unité de doctrine et d’action. Et elle conserverait cette unité
en suivant à la fois et les instructions de ses chefs et les inspirations de l’Esprit-Saint.
Et c’est ainsi que cette première crise importante dans l’Eglise fut résolue
par le Concile dit “de Jérusalem“ où il fut proclamé : “Nous et l’Esprit-Saint avons décidé…“ (Ac. 15.28). C’est toujours
l’Esprit qui conduit son Eglise par l’intermédiaire des apôtres qui sont à son
écoute…
Il y aurait beaucoup à dire encore sur la
suite de notre lecture. Mais ce serait long. Aussi, je vous expose mon
inquiétude pour savoir si je n’ai pas couru déjà et si je ne cours pas encore
le risque de trop fatiguer votre attention. Votre silence permanent serait-il
une réponse ? Je n'en suis pas aussi certain que Paul !
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