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T.O. Mardi 12/B - (Eph. 2.12-22)
L’épître
aux Ephésiens est l’un des textes les plus difficiles du Nouveau Testament.
Considérée comme le “waterloo“ des exégètes, elle fut l’objet de bien des
débats contradictoires au cours des siècles, au point qu’on s’est demandé si
elle était de St Paul ! Elle paraît, en effet, étrangère au corpus
paulinien à cause des développements inédits sur le Christ, sur l’Eglise, sur
les rapports entre Juifs et chrétiens, sur l’eschatologie, alors même que bien d’autres
thèmes dépendent de la pensée de St Paul. Une lettre cependant si riche qu’elle
rivalise avec celle adressée aux Romains comme ayant exercé une très forte
influence sur la pensée et la spiritualité chrétiennes.
Après
une adresse et une bénédiction - car en Israël, on ne peut rien faire sans bénir Dieu !
-, la
lettre entre dans un grand thème d’actualité, me semble-t-il, en notre “année
de la foi“ : “la connaissance du Christ par l’Eglise !“.
Hier,
Paul rappelait, en un raccourci saisissant (2.1-3) que l’humanité est “enfermée dans le péché“. Réflexion non point métaphysique
recherchant l’origine du mal, mais simple réflexion qui veut souligner que
l’humanité est dans une situation de mort. N’est-ce pas encore actuel selon
les propos du Cal de New-York, président du synode romain, en son discours
d’ouverture ?
En
cet état, disait St Paul, causé autant par le péché que par suite de la
fragilité humaine, nous sommes soumis aux “désirs de la chair“, ce mot exprimant la “fermeture sur soi“ (c’est toujours d’actualité !), et, de ce fait, la
résistance à l’Esprit ! C’est toujours corrélatif !
“Nous sommes, nous
tous,
dit Paul, voués, par nature, à la colère… !“.
Cet
anthropomorphisme de “la colère“ permet à l’homme d’imaginer la réaction
inévitable de Dieu face au péché qui détruit l’homme et avec lequel Dieu est
incompatible.
Cela
ne veut pas dire que toute l’humanité est réprouvée, mais pour Dieu elle est
regardée “comme enfermée dans la désobéissance“
(Rm
11.32),
l’homme étant incapable de s’ajuster à Dieu (un des thèmes des épitres aux Galates et
aux Romains).
(N.B. : On le sait, ces réflexions furent utilisées comme fondements du dogme du péché
originel)
Face
à cette situation, Dieu agit avec efficacité. Son action est commandée
par ce qu’il est : non seulement “Miséricordieux“, mais “riche en miséricorde“, à
cause de son grand amour ! C’est ce qu’ont rappelé certains évêques du
Synode, face à la tentation de vouloir tout “institutionnaliser“ en vue de
l’évangélisation. Ce n’est plus d’actualité, notre société n’étant plus
chrétienne ! Il faut être avant tout des chrétiens qui témoignent, par
nos actes et nos paroles éventuellement, que notre Dieu est un Dieu d’amour
qui, dit St Paul, “vivifie ensemble“,
ressuscite ensemble“, “fait asseoir ensemble“. Il ressuscite ensemble par
le Christ, car l’opposition de l’humanité à Dieu est si profonde qu’il faut,
pour la dépasser, l’énergie que Dieu a mise, par son Esprit, pour ressusciter
le Christ d’entre les morts. Or, la résurrection du Christ peut devenir
spirituellement nôtre ! C’est cela qu’il faut avant tout proclamer : Oui,
le Christ est ressuscité ! Ce fut le “kérygme“, la première
proclamation des apôtres, ne l’oublions pas !
Et
ce salut dans le Christ est donné gratuitement, durablement, totalement. Mais
il ne peut être reçu que “dans la foi“,
réponse à l’initiative divine. Que “l’année de la foi“ nous soit donc
profitable !
Et
aujourd’hui, dans notre lecture, Paul invite les Nations à faire mémoire de
leur état “dans la chair“, elles
qui, n’appartenant pas au peuple élu, Israël, sont “sans Messie“, totalement étrangères à la première Alliance et à
ses promesses. Elles ignorent donc l’espérance que le Christ seul a pouvoir de
révéler parce qu’il est lui-même “Espérance“ (Cf. Rm 4.18 ; I Thes. 4.13). Elles sont “sans
Dieu“, et même de ce Dieu d’Israël qu’elles ignorent !
Mais
cela est du passé ! Il n’en est plus ainsi ! Désormais, il y a un
avenir : “vous les éloignés de
jadis, dit St Paul, vous êtes devenus
proches par le sang du Christ !“. Avec le Christ, la distance devient
proximité.
Les
termes “loin“ et “proche“ sont empruntés à Isaïe (57.19), cité peu après. Le prophète proclamait
la paix à tout Israël : à ceux qui étaient “loin“, exilés à
Babylone ; et à ceux qui étaient “proches“ de Jérusalem. Mais Paul
réinterprète ce texte, montrant que la promesse faite à Israël qui, dans
la paix et l’unité retrouvées, devait attirer toutes les Nations vers Jérusalem,
dans un élan de conversion au Dieu Unique (Cf ch. 60sv), est désormais accomplie d’une
manière inattendue et d’une façon “double“, si je puis dire.
C’est
par le sang de la croix que le Christ est notre “Paix“ ! Paix pour
tous !
-
Paix d’abord entre Juifs et Nations ;
des deux, il en a fait un seul peuple ; Israël et les Nations ne
sont plus deux entités qui s’opposent
mais qui sont unies l’une à l’autre pour former un tout. Autrement dit, cette
union est une réconciliation de l’humanité tout entière, une refonte religieuse
dans l’unité, par le Christ qui est “notre Paix“ à nous tous ! (N’est pas là
l’esprit œcuménique dont témoigna le pape Jean-Paul II à Assise ?).
Mais
il faut bien noter que cette unité résulte d’une destruction : le Christ “abat une barrière, un mur de séparation“.
Cette barrière évoque, semble-t-il, la clôture réelle dont parle Flavius
Josèphe dans sa description du temple, clôture qui interdisait l’accès au
Temple aux non-Juifs, sous peine de mort (Malheureusement, il y a toujours des
barrières de ce genre !). Pensant peut-être également au voile du temple qui se
déchire à la mort du Christ en croix, St Paul affirme que le Christ a fait
tomber la “haine“ entre Juifs et les Nations. Et il l’a fait en
supprimant la Loi avec ses commandements et ses interdits, ses observances
si ridiculement rituelles… Le Christ, en abolissant “dans
et par sa chair“ le “mur de
séparation“ a réduit à rien la Loi. Et c’est ainsi qu’est supprimé
l’obstacle qui empêchait les Nations d’avoir accès au temple, de s’approcher de
Dieu. Puissions-nous, en cette année de la foi, ne pas faire obstacle à tout
homme qui cherche Dieu, ne serait-ce qu’en l’ignorant !
-
C’est ainsi que le Christ est encore “Paix“, “en créant en lui un seul Homme nouveau“. Et cet “Homme
nouveau“ que le Christ crée en lui est tout à la fois le Christ lui-même, “Verbe de Dieu fait chair“, et toute
l’humanité qui résulte de ce qu’il est. C’est une création nouvelle ! Le
Christ réconcilie les deux composantes de l’humanité “en un seul corps“. Et le mot “corps“ dans l’épitre aux Ephésiens
est toujours appliqué à l’Eglise.
Ainsi
donc la paix ainsi introduite au sein de l’humanité est liée à la mort de la
haine !
+
Le Christ fait disparaître le motif de la haine en détruisant le mur de
séparation, en annulant la Loi
+
le Christ, en sa mort, a subi la haine, il l’a prise sur lui, il s’en est
chargé pour la clouer sur la croix !
Alors oui ! La paix et la
réconciliation ouvrent désormais “le
libre accès auprès du Père“ pour tous…
Ainsi,
l’humanité tout entière, étant créée dans le Christ, peut bénéficier d’un accès
auprès du Père ; elle n’est plus “étrangère“
à Dieu ; elle devient membre de la famille de Dieu ; elle est
intégrée “dans la construction qui a pour
fondement les apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le
Christ lui-même !“…
Alors
nous sachons reconnaître désormais notre vocation : être “demeure de Dieu dans l’Esprit“ !
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