vendredi 23 octobre 2015

Le Mal - Le Bien - La Grâce !

29e Semaine T.O. 2015 - Samedi -  

"Le bien que je veux, je ne le fais pas ;  le mal que je ne veux pas, je le fais !"

Qui ne souscrirait pas à cette assertion ? Elle fut celle, d'ailleurs, de nombre de penseurs non chrétiens, depuis l'Antiquité. Euripide son sa "Médée" avait donné en spectacle la lutte pathétique de la haine et de l'amour maternel, de la passion et de la raison ; et il avait conclu que la passion est souvent plus forte que la volonté lucide.
C'est ce qu'avait bien résumé notre Racine si épris de tragédie grecque :
"Mon Dieu, quelle guerre cruelle !
Je trouve deux hommes en moi :
L'un veut que plein d'amour pour toi
Mon cœur te soit toujours fidèle.
L'autre à ta volonté rebelle
Me révolte contre ta loi...
Je veux et n'accomplis jamais,
Je veux, mais ô misère extrême !
Je ne fais pas le bien que j'aime
Et je fais le mal que je hais !". (Œuvres Ed. des grands écrivains tom. 4.156-7).

Et, plus tard, un moraliste, tel Rousseau, parlant en philosophe, avouera : "L'homme n'est pas un ; je veux et ne veux pas ; je me sens à la fois esclave et libre ; je vois le bien, je l'aime et je fais le mal !" ("Profession de foi du vicaire de Savoyard" dans "Emile").

Et St Paul, en la description de ce dualisme en l'homme, cède peut-être lui-même, par la vivacité de son esprit, à une tentation d'éloquence, à la façon des Tragiques de son temps !
D'ailleurs, à trop préciser certaines locutions, on en viendrait à nier la responsabilité de qui cède à la tentation : "Si ce que je ne veux pas, je le fais, ce n'est pas moi qui agis, c'est le péché qui habite en moi !". Alors, je n'y puis rien !

Non ! Chez l'apôtre, même cédant quelque peu à une certaine éloquence humaine, la lutte revêt un caractère religieux. Il veut mettre en contraste l'homme tombé à cause du péché et l'homme en son besoin de rédemption. En décrivant cette tragédie humaine, "l'apôtre, dit le P. Lagrange, a surtout pour but de préparer l'apparition de la grâce en plaine lumière", ce qu'il fera presque aussitôt : Le Christ libère. Et lui seul ! Il donne force pour que l'homme soit libéré du péché !

Loin d'affirmer comme les païens que le sage doit puiser en lui-même la force de triompher du mal (1), l'apôtre veut insister sur la grâce du Christ, du Christ Rédempteur, du Christ pascal qui est venu sauver l'humanité !
Le Christ de St Paul est Celui qui résout le problème de la Loi morale, de la Loi de la conscience qui, très souvent, est dans l'incapacité de sauver véritablement l'homme de tout mal. Le pur moralisme n'est pas de bon aloi pour un chrétien ! Ce que la Loi n'arrive pas à faire, "Dieu le réalise en envoyant son Fils, afin que le commandement de la Loi s'accomplisse en nous !" (Cf. Rm 8.3-4).

St Augustin affirmait : "La Loi dit vrai : celui qui accomplit mes préceptes, vit par eux ! Mais de les accomplir et de vivre par eux, la Loi qui le commande ne le donne pas ; mais la foi, nécessaire, l'obtient !" (Contre Pélage P.L.44.616).

C'est par la foi en Jésus Christ que l'Amour de Dieu, infusé en nos cœurs, nous affranchit du péché qui siège en nous. L'homme n'est véritablement bon et libre qu'en se soumettant à Dieu - Dieu-Amour - par le Christ qui nous envoie l'Esprit d'Amour ! "Là où est l'Esprit, dira encore St Augustin, le plaisir n'est pas à pécher ; et c'est la liberté ! Là où l'Esprit n'est pas, le plaisir est à pécher ; et c'est l'esclavage !". (De Spiritu et littera 16.28 - P.P. 44.218).

Certes, cet idéal de vie avec l'Esprit n'est pas totalement et immédiatement atteint ici-bas. "Ce n'est pas, dira St Paul aux Philippiens, que j'aie déjà atteint le but, que je sois parvenu au terme de la perfection ; mais je cours après pour tâcher de la saisir, parce que j'ai été moi-même saisi par le Christ Jésus !" (3.12-14).
Le Christ nous donne son Esprit qui agit au plus intime de nous-mêmes, nous porte plus loin que toutes les lois vers une imitation toujours croissante de la perfection même de Dieu : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait !" (Mth 5.48).

Aussi, qui que nous soyons - riche ou pauvre, savant ou ignorant, considéré ou méconnu, vieillard comme enfant -, il n'y a qu'une seule affaire qui importe : l'humilité de cœur pour accueillir de plus en plus le Christ en nous ! Qu'il vienne en nous et, avec Lui, nous parviendrons à la Cité Sainte, la Jérusalem céleste où il "sera tout en tous" (Col. 3.11) !


1. "Fouille en dedans ; c'est en dedans qu'est la source du bien !" (Marc-Aurèle - Pensées 7.59).

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