29e Semaine
T.O. 2015 - Samedi -
"Le bien
que je veux, je ne le fais pas ; le mal
que je ne veux pas, je le fais !"
Qui ne souscrirait pas à cette assertion ? Elle fut
celle, d'ailleurs, de nombre de penseurs non chrétiens, depuis l'Antiquité. Euripide
son sa "Médée" avait donné
en spectacle la lutte pathétique de la haine et de l'amour maternel, de la
passion et de la raison ; et il avait conclu que la passion est souvent plus
forte que la volonté lucide.
C'est ce qu'avait bien résumé notre Racine si épris
de tragédie grecque :
"Mon
Dieu, quelle guerre cruelle !
Je trouve
deux hommes en moi :
L'un
veut que plein d'amour pour toi
Mon cœur te
soit toujours fidèle.
L'autre
à ta volonté rebelle
Me révolte
contre ta loi...
Je veux et
n'accomplis jamais,
Je veux, mais
ô misère extrême !
Je ne fais
pas le bien que j'aime
Et je fais le
mal que je hais !". (Œuvres Ed. des
grands écrivains tom. 4.156-7).
Et, plus tard, un moraliste, tel Rousseau, parlant
en philosophe, avouera : "L'homme
n'est pas un ; je veux et ne veux pas ; je me sens à la fois esclave et libre ;
je vois le bien, je l'aime et je fais le mal !" ("Profession de foi du vicaire de Savoyard"
dans "Emile").
Et St Paul, en la description de ce dualisme en
l'homme, cède peut-être lui-même, par la vivacité de son esprit, à une
tentation d'éloquence, à la façon des Tragiques de son temps !
D'ailleurs, à trop préciser certaines locutions, on
en viendrait à nier la responsabilité de qui cède à la tentation : "Si ce que je ne veux pas, je le fais,
ce n'est pas moi qui agis, c'est le péché qui habite en moi !". Alors,
je n'y puis rien !
Non ! Chez l'apôtre, même cédant quelque peu
à une certaine éloquence humaine, la lutte revêt un caractère religieux. Il
veut mettre en contraste l'homme tombé à cause du péché et l'homme en
son besoin de rédemption. En décrivant cette tragédie humaine, "l'apôtre, dit le P. Lagrange, a surtout pour but de préparer l'apparition
de la grâce en plaine lumière", ce qu'il fera presque aussitôt : Le
Christ libère. Et lui seul ! Il donne force pour que l'homme soit
libéré du péché !
Loin d'affirmer comme les païens que le sage doit
puiser en lui-même la force de triompher du mal (1), l'apôtre veut insister sur
la grâce du Christ, du Christ Rédempteur, du Christ pascal qui est
venu sauver l'humanité !
Le Christ de St Paul est Celui qui résout le
problème de la Loi morale, de la Loi de la conscience qui, très souvent, est
dans l'incapacité de sauver véritablement l'homme de tout mal. Le pur moralisme
n'est pas de bon aloi pour un chrétien ! Ce que la Loi n'arrive pas à faire,
"Dieu le réalise en envoyant
son Fils, afin que le commandement de la Loi s'accomplisse en nous !" (Cf. Rm 8.3-4).
St Augustin affirmait : "La Loi dit vrai : celui qui accomplit mes préceptes, vit par eux
! Mais de les accomplir et de vivre par eux, la Loi qui le commande ne le donne
pas ; mais la foi, nécessaire, l'obtient !" (Contre Pélage P.L.44.616).
C'est par la foi en Jésus Christ que l'Amour de
Dieu, infusé en nos cœurs, nous affranchit du péché qui siège en nous. L'homme
n'est véritablement bon et libre qu'en se soumettant à Dieu - Dieu-Amour - par
le Christ qui nous envoie l'Esprit d'Amour ! "Là où est l'Esprit, dira encore St Augustin, le plaisir n'est pas à pécher ; et c'est la
liberté ! Là où l'Esprit n'est pas, le plaisir est à pécher ; et c'est
l'esclavage !". (De Spiritu et littera
16.28 - P.P. 44.218).
Certes, cet idéal de vie avec l'Esprit n'est pas
totalement et immédiatement atteint ici-bas. "Ce n'est pas, dira St Paul aux Philippiens, que j'aie déjà atteint le but, que je sois
parvenu au terme de la perfection ; mais je cours après pour tâcher de la
saisir, parce que j'ai été moi-même saisi par le Christ Jésus !" (3.12-14).
Le Christ nous donne son Esprit qui agit au plus
intime de nous-mêmes, nous porte plus loin que toutes les lois vers une
imitation toujours croissante de la perfection même de Dieu : "Soyez parfaits comme votre Père
céleste est parfait !" (Mth 5.48).
Aussi, qui que nous soyons - riche ou pauvre,
savant ou ignorant, considéré ou méconnu, vieillard comme enfant -, il n'y a
qu'une seule affaire qui importe : l'humilité de cœur pour accueillir de plus
en plus le Christ en nous ! Qu'il vienne en nous et, avec Lui, nous
parviendrons à la Cité Sainte, la Jérusalem céleste où il "sera tout en tous" (Col.
3.11) !
1. "Fouille
en dedans ; c'est en dedans qu'est la source du bien !" (Marc-Aurèle - Pensées 7.59).
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