29 Juillet - Sts Marthe, Marie,
Lazare
Retenons aujourd'hui
cette phrase de la lettre aux Hébreux : "N'oubliez pas l'hospitalité. Elle
a permis à certains, sans le savoir, de recevoir des anges", c'est-à-dire
Dieu lui-même. Une allusion à Abraham qui offrit l'hospitalité à trois étranges
voyageurs. Et c'était Dieu qui se manifestait ! Oui, l'hospitalité est une
grande chose : elle permet d'accueillir Dieu lui-même !
Mais il y s
hospitalité et hospitalité !
La lecture et
l’évangile pourraient faire penser à deux modes d'hospitalité :
- le mode d’Abraham, avec celui de Marthe,
- et le mode de
Marie, sœur de Marthe.
Les premiers
s’investissent pour bien accueillir celui qui vient. Mais la joie de la visite,
que le Seigneur leur rend, est devenue "fatigue" chez Marthe et
"perplexité" chez Sara, l’épouse d'Abraham. Cependant l'hospitalité
donnée se transforma, pour cette dernière, dans la fécondité désirée : "Je reviendrai
chez toi dans un an, est-il dit à Abraham, et, à ce moment là, Sara ta femme,
aura un fils !" (Gn 18,10)..
Mais aujourd'hui, regardons
surtout Marthe qui est heureuse de l'arrivée de Jésus chez elle ! Mais,
avec lui, arrivent Pierre, Jacques, Jean, et les autres ! Ensuite - en Orient,
c'est normal ! - arrivent des disciples qui suivent le Maître. Alors le sourire
d'accueil devient une grimace, signe de nervosité, à la vue des personnes qui
arrivent ! Marthe perd patience avec sa sœur Marie qui ne l’aide pas, et aussi
avec le Seigneur. Quelle signification en cette attitude ?
Le problème de notre
hospitalité est que, en accueillant l’autre (et il y a toujours un "autre" à accueillir), nous ne nous
laissons pas facilement "embrasser", si je puis dire, par celui qui
arrive providentiellement et qui peut nous "enrichir" parce que,
peut-être, envoyé par Dieu... Le problème - et je dirais le péché -, est que,
finalement, nous nous tenons loin de celui qui vient à nous. Toute la fatigue,
toute la tristesse, toute la colère et la perte d’énergie, viennent du fait
que, comme Marthe, nous nous définissons plus par les choses à faire pour
l’invité - et parfois avec grande démonstration et suffisance -, que par
le contact véritable avec la personne qui frappe à la porte de notre cœur
bien plus qu'à la porte de notre maison.
Marie, elle, voit
l’arrivée de Jésus avec cette dimension de l’amitié, de l'union avec le
Christ, avec Dieu. Aussi, veut-elle avant tout "écouter" !
Autrement dit, dans l'accueil de toute personne, on ne devrait jamais se
retrouver à deux..., mais toujours à trois : avec le Dieu ! Ce fut la grande
recommandation que donnait naguère le P. Caffarel aux couples qui venaient à
lui et qui formèrent le mouvement appelé dès lors "Foyer Notre-Dame". Se
parler en présence de Dieu!
Oh ! Certes, il faut
savoir être prudent dans l'accueil de celui qui peut se présenter inopinément,
subitement. Oui, bien sûr ! Et St Benoît, en son époque très troublée, donne de
précieux conseils pour cela. Il n'empêche, l'accueil véritable devrait toujours
nous mettre en contact avec quiconque au niveau de l'amour que Dieu porte à
chacun pour nous enrichir mutuellement...
Un second
enseignement, plus secondaire, est à retenir de l'évangile de Luc. On pense,
nous, que Marthe assume un rôle typiquement féminin envers son invité : elle
est tout occupée à dresser la table...
Mais c'est une grande nouveauté pour l'époque...! Cela n’était pas normal au temps de Jésus !
La femme ne pouvait pas accueillir ; la maison appartient à l’homme et ici, nous
savons que c’est la maison de Lazare, son frère dont, curieusement, Luc ne dit
rien ! Et c'est intentionnel ! Car Luc que l'on a souvent surnommé
"l'évangéliste de la femme" veut dire que toute femme peut accueillir
Jésus. Sans doute, en écrivant cet épisode, Luc pensait à la première personne
qui a "accueilli" Jésus, Fils de Dieu : la Vierge Marie, modèle
d'hospitalité !
Et Luc va insister.
Il montre Marie, la sœur de Marthe, qui s'entretient avec l'invité ! Un comble
pour l'époque ! C'était encore un rôle réservé à l'homme ! Bien plus, Marie,
en s’asseyant aux pieds du Maître pour l’écouter, devient la figure typique du
disciple. C'est vraiment une nouveauté. En effet, les rabbins n’acceptaient
pas les femmes avec eux ; devenir un disciple, était réservé aux hommes. Mais
pour Jésus, selon Luc, les femmes sont appelées à l’écoute et à devenir des
disciples. Le disciple chrétien (mot qui vient du verbe latin "dìscere" =
apprendre -)
se met d'abord à l'écoute de la Parole, du Verbe fait chair ! La relation
commence par l’écoute et non par le "faire".
Mère Teresa de
Calcutta avait bien compris cela. Ce qu’elle a "fait" et a "fait
faire", était une goutte dans le désert de l’immense pauvreté du monde -
disait-elle -. L'important pour elle, c'était le regard avec lequel, en
partant de l'écoute et de la contemplation de Jésus, elle a regardé l’homme,
chaque homme, du plus pauvre des pauvres au plus puissant. Ce qui compte
avant de faire, c’est d’écouter le Seigneur et ses paroles...
L’homme, en écoutant,
devient facilement la, parole qu'il écoute. S’il écoute Dieu, il devient Dieu.
Il conçoit Dieu, non pas comme concept mais comme Présence qui le transforme
pour savoir accueillir divinement !
Il faut aussi
rappeler que, lorsque Jésus reproche fraternellement à Marthe de s’agiter et de
s’essouffler pour trop de choses, il ne conteste pas la préparation de la
nourriture, mais l’essoufflement, il ne remet pas en question le cœur généreux
de Marthe, mais l’agitation. Il n'y a pas là, comme on l'a fait parfois,
opposition entre vie active et vie contemplative. Luc décrit deux attitudes qui
doivent faire partie de la vie de tout disciple : l’écoute et le service.
La tension n’existe pas entre l’écoute et le service mais entre l’écoute et le
service qui distrait. Marthe est tellement occupée à servir l’invité qu’elle
n’a plus d’espace pour l'écouter. Un vieux rabbin disait en parlant d’un de ses
collègues : "il est tellement occupé
à parler de Dieu qu’il oublie qu’il existe".
Et en écoutant
Dieu, en accueillant Dieu, on devient plus disponible à accueillir son frère
! St Benoît, dans sa Règle, le souligne
fortement. "Les hôtes seront reçus
comme le Christ, écrit-il. En effet,
lui-même dira : "J'étais un hôte et vous m'avez reçu !" (Mth 25, 35). On les reçoit tous "avec le respect dû à chacun, surtout
les frères chrétiens et les étrangers" (Cf.
Gal 6, 10). Et St Benoît de donner des conseils en ce sens
pour savoir qui on accueille et comment accueillir ! On reconnaît là, en même
temps, toute sa prudence.
"C'est pourquoi, dès qu'on annonce l'arrivée d'un
hôte, le supérieur et les frères viennent à sa rencontre avec tout l'honneur
que l'amour inspire. Ils commencent par prier... Puis ils se donnent la paix.
On donne ce baiser de paix seulement après la prière, à cause des tromperies
de l'esprit du mal".
St Benoît sait bien
dire les choses ; car il connait bien le cœur de l'homme qui détourne si
facilement les choses et les actes de leur sens profond. Ce n'est qu'ensuite -
après l'accueil humble, la prière, voire la lecture de la "Loi
divine" -, qu'on pratiquera "toutes
les marques de l'hospitalité" ... de sorte que l'on puisse toujours
dire : "Dieu, nous avons reçu ta
tendresse dans ta sainte maison" (Ps 47,10). Ecouter Dieu
ensemble pour mieux s'accueillir et s'enrichir ! Tel est le secret, pour St
Benoît, de la véritable hospitalité !
Que la Vierge Marie,
que Marthe, Marie et Lazare que nous fêtons aujourd'hui nous aident à pratiquer
les uns pour les autres une profonde et réelle hospitalité qui n'a rien à voir
avec les mondanités du monde, si facilement trompeuses parce que trop marquées
d'égoïsme, de satisfaction sensible, voire d'orgueil, de suffisance ! Et
surtout : "N'oubliez pas
l'hospitalité. Elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir des
anges", c'est-à-dire Dieu lui-même.
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