22 Juillet - Ste Marie Madeleine,
Avec la fête
de Ste Marie-Madeleine, nous sommes invités à contempler la mort et la
résurrection du Christ, ce grand mystère que l'on n'aura jamais fini d'approfondir
pour parfaitement le vivre, nous l'espérons, "au jour de notre naissance" - "dies natalis"
-, disaient les Anciens, au "jour de
notre naissance" plénière en la gloire du Ressuscité !
Le mystère
est si grand qu'il y a moult manières de l'appréhender. En tous les cas, ce que
l'on peut dire c'est que les récits évangéliques sont si minutieux dans leur
simplicité, si riches en détails qu'ils n'ont pu être inventés... jusque dans
leur contraste. Contemplons quelque peu !
Jésus meurt
sur la croix entouré de
sa mère, de St Jean et de quelques femmes dont Marie-Madeleine. Grâce,
certainement, à la foi, l'espérance, l'amour de Joseph d'Arimathie, on dépose
le corps de Jésus "dans le tombeau
qu'il s'était fait creuser dans le rocher". Puis, devant ce tombeau,
on roule une grosse pierre !
Selon St
Matthieu et Marc - non loin sans doute de Marie, la mère de Jésus -
Marie-Madeleine était "assise en
face du sépulcre". Et St Luc précise, lui : "Comme le sabbat commençait à luire" (Lc 24.54) - une allusion à l'apparition de
l'étoile du soir qui marque le début du sabbat ou aux lampes qu'on allumait
pour sa célébration -, elle s'en retourna rapidement pour "observer le repos selon le commandement". Tout semble se
terminer et recommencer en ce jour du Sabbat !
Dès lors, il
ne sera plus question de Marie, la mère de Jésus. On ne la retrouvera qu'après
l'Ascension, au Cénacle, avec les apôtres. Au grand jour de la résurrection,
rien n'est dit de Marie. Elle est en silence. Non pas étrangère à ce grand
mystère. Mais en silence. L'amour du cœur de Marie, l'Immaculée, qui englobe sa
foi intense, sa persévérante espérance, cet amour, comme tout véritable amour,
peut se nourrir de silence bien plus que de paroles. Le mystère de Pâques va
lui révéler grandement l'amour de Dieu - "Voyez
de quel grand amour le Père nous a fait le don !", écrira plus tard St
Jean (I Jn 3.1). Marie reçoit d'abord ce mystère
en silence. D'ailleurs, tout au long de sa vie, plus Marie recevait l'amour de
Dieu manifesté par son fils, plus elle entrait dans le silence d'une vie
intérieure, la distrayant de plus en plus des circonstances extérieures. Tant
il est vrai qu'une vie intérieure - une vie d'union à Dieu - échappe à
l'histoire. Cette vie ne se réalise qu'en Dieu. Marie, la mère de Jésus, est
donc en silence, un silence de contemplation, d'adoration, de communion...,
d'union !
Et, comme
par opposition, en quelque sorte, St Jean écrit : "Le premier jour de la semaine, à l'aube, alors qu'il faisait
encore sombre - autrement dit : le temps du sabbat étant à peine écoulé -, Marie de Magdala se rend au tombeau" !
Et sous la plume de l'évangéliste, il nous semble entendre cette Marie si
empressée, impatiente, empruntant la voix de la Bien-Aimée du Cantique des
cantique : "Toute la nuit, j'ai
cherché celui que mon cœur aime. Etendue sur mon lit, je l'ai cherché. Je ne
l'ai pas trouvé. Il faut que je me lève, que je parcours la ville... Je veux
chercher celui que mon cœur aime !" - Avant d'arriver à l'union intime
avec Dieu, comme Marie, la mère de Jésus, avons-nous, comme Marie de Magdala,
ce "désir de Dieu", ce
grand désir de Dieu qui a tellement façonné le cœur des saints ? Etre, par
amour, comme inquiet de Dieu. "Où
es-tu, mon Dieu ? Je te cherche, mon Dieu !". Tel est souvent la
prière des psaumes.
L'ardeur de
son amour presse Marie-Madeleine à vite revenir au tombeau... Mais la pierre du
tombeau est roulée... ; le corps de son Seigneur a disparu : Vite, elle
prévient les apôtres. Et vite elle revient au tombeau ; et ajoute St
Jean : "Elle pleurait !".
Jésus va lui
apparaître. Mais
lorsque Jésus se fait voir après sa résurrection, les sens ne sont plus
habilités à percevoir tout de suite la réalité de sa présence qui, pourtant,
est plus réelle que jamais. Et Marie-Madeleine va le confondre avec le
jardinier !
Il en sera
de même pour les disciples d'Emmaüs qui ne reconnaissent pas l'inconnu qui les
rejoint sur la route. De même pour les disciples au bord du lac. C'est comme
une constance : la présence de Jésus est plus réelle que jamais et on ne le
reconnait pas ! Il se fait reconnaître à la fraction du pain; il se fait
toujours reconnaître au travers de son mystère pascal !
Jésus aimait
Marie de Magdala ; à cause de la générosité de son cœur, il lui fait le don de
sa première apparition ; mais, c'est comme pour purifier sa vie de foi,
d'espérance, d'amour, lui rappeler les exigences d'une union plus intérieure
avec lui, cette union qui maintient la mère de Jésus en silence.
"Ne me touche pas !", lui dit Jésus. N'ayant pas trouvé
le repos d'une vie intérieure avec Jésus, elle s'adonnait à des activités belles,
bonnes, inspirées par la générosité de son cœur souffrant, mais qui étouffaient
en elle les exigences d'une union plus profonde avec le Ressuscité, son
Seigneur. Autrement dit, elle cherchait Jésus - oh ! certes ! - ; mais elle le
cherchait là où il n'était déjà plus !
"Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon
Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu !". On peut dire que toute
l'expérience chrétienne, religieuse se concentre dans un seul petit mot d'une
signification intense, dans une seule syllabe, cette proposition grecque "pros" difficile à traduire ;
elle se trouve curieusement au début de l'évangile de St Jean : "Au commencement était le Verbe ; et le
Verbe était "pros theon", en relation, en élan vers Dieu !
Cette
proposition se trouve donc au début et à la fin de l'évangile de St Jean ;
c'est comme une inclusion qui contient tout notre itinéraire ici-bas ! Jésus,
le Verbe de Dieu, en s'incarnant, a détourné en quelque sorte cet élan éternel
qu'il a vers le Père pour passer parmi nous, les hommes. Et cela afin de nous
entraîner, nous aussi, vers son Père devenu "notre" Père ! Son
itinéraire devient notre pèlerinage. St Ignace d'Antioche avait parfaitement
compris ce sens de notre vie chrétienne. Il parlait de l'Esprit-Saint qui est
comme une source en nous et qui crie : "Allons
vers le Père !". Le Christ, parfaite "Image de Dieu" est venu nous dépanner en quelque sorte,
nous, pauvres "images de Dieu"
défigurées par le péché, nous qui avions comme renoncé à l'aventure du bonheur
que Dieu propose. Il est venu nous rencontrer et nous entraîner dans son élan. "Par Lui, avec Lui, en Lui, dans
l'Esprit-Saint, tout honneur et toute gloire !".
Tout le
voyage terrestre que nous avons à faire peut se résumer en un seul petit mot,
un monosyllabe : "pros" !
Il nous encourage, avec le psaume 94ème, à redire chaque matin : "Oui, je me lèverai et j'irai vers mon
Père !".
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