samedi 5 juillet 2014

La vraie connaissance !

14ème Dimanche Ordinaire 14

On pourrait être quelque peu choqué, aujourd’hui, par certaines paroles tranchantes de Notre Seigneur : Jésus semble se réjouir à l'idée que la connaissance de Dieu soit cachée à certains ! “Père, dit-il, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits”. Ceux qui, parmi nous, se rangent du côté des “tout-petits” s'en trouveront bien, mais les autres ? Que je sache, ce n'est pas un pêché d'être sage ou savant !

Il faut dire cependant que le chapitre 11ème de l’évangile selon St Matthieu veut souligner la grande difficulté de la prédication de Jésus, de toute prédication, celle des apôtres et la nôtre aussi !
- Jésus a rencontré l'incrédulité.
- Il a envoyé ses disciples en mission, leur annonçant : “vous serez comme des brebis au milieu des loups”.
- Il a aussi regretté que des villes - telles Bethsaïde, Corozïm -, ne se convertissent pas.
- Il a perçu l'hostilité des scribes devant ses paroles...
Et justement, les scribes, ce sont bien les “savants” de l'époque ! Alors que son chemin est déjà marqué d'échecs apparents, et que ce chemin va le conduire jusqu'à la croix, Jésus éprouve un sentiment de reconnaissance, d’action de grâces parce que des hommes et des femmes, ceux qu'il nomme les “tout-petits”, acceptent d'être atteints, transformés, par sa présence !

Il n'empêche, ni vous ni moi, je pense, nous ne pouvons nous réjouir de ce que certains, comme les sages ou les savants, restent à l'écart.
Mais avons-nous bien compris ? Car, dans la suite de cette page d'Évangile il est question justement de connaissance..., de vraie connaissance. Jésus dit : “Personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler”.

En Dieu lui-même, il ne peut être question d’un pur savoir, mais d’une connaissance de personne à personne : Père, Fils et Esprit-Saint ! Autrement dit, avec Dieu, l'histoire que nous tissons ne peut être qu'une histoire d'amour ! "Dieu est Amour !", répétera St Jean. Avec toute personne et avec Dieu particulièrement, lorsqu'il est question de connaissance, il ne peut s'agir d’une connaissance qu’atteste un examen. Ce qui est premier c'est la connaissance - comment dire ? – une connaissance qui est comme la “fréquentation” de quelqu'un qu'on aime bien, et qu'on ne finit jamais de découvrir, de connaître.

C’est comme une personne à laquelle me lie une grande affection (un père, une mère, un enfant). Elle n'est pas avec moi, elle se trouve au loin. Mais que je me lève ou que je me couche, que je travaille ou que je circule, cette personne “demeure en moi”. Connaître Dieu, c'est fréquenter Dieu, c'est demeurer avec lui ; et c'est permettre que Dieu lui-même fasse sa demeure en nous.

Il ne s'agit pas là de faire de “l'anti-intellectualisme” primaire ! Il est très bon de faire travailler notre “intelligence de la foi” comme on dit. "Fides quaerens intellectum", disait St Anselme. La foi cherche à comprendre. Et c'est bien, très bien !
Mais il n’en reste pas moins vrai que l’on n’enferme pas Dieu dans un savoir, et surtout pas dans des lois !
Et réjouissons-nous que Dieu reste un mystère. Et un mystère, ce n'est pas quelque chose que l’on ne comprend pas, c’est une réalité que l’on n’aura jamais fini de comprendre. Un mystère n’est pas un mur d'incompréhension contre lequel on se cogne. Mais, pour prendre une comparaison - inadéquate mais utile sans doute -, c'est comme dans ce couple âgé qui fête ses soixante ans de mariage ; et l’un de dire à l’autre avec un petit air moqueur : “voilà soixante ans qu’on se supporte, et soixante ans que je te découvre” !

“Nul ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler”, dit Jésus. La Révélation, lorsqu'il s'agit de Dieu, ce n'est pas une énigme philosophique, mais le mystère d’une rencontre. Dieu n'en a pas fini avec nous. Son amour n’est pas l’étincelle provisoire d’une solution d’énigme ; son amour est la lumière permanente d’une communion ! Surtout, dit St Paul (2ème lecture) si on se laisse guider par l'Esprit-Saint, cet "Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts...".

Je crois bien que ce qui passionne Dieu, ce n'est pas l'évaluation de notre quotient intellectuel, mais la rencontre vraie des personnes ! Comme elles sont, et là où elles en sont ! Et dans l'Évangile, cela occasionne bien des conflits pour Jésus. Il est souvent en conflit avec les raisonneurs, les connaisseurs de la Loi, parce que ceux-ci ont tendance à utiliser leur science pour s'emparer de la proximité de Dieu, l’enfermer ; ce que j’appelle une “inversion sacrilège” !

Et ne sourions pas de cela, même si nous n’avons aucun diplôme et que nous ne nous rangeons pas parmi les intellectuels, les savants. Chaque chrétien - surtout s’il se veut "engagé" - peut se demander si, peut-être sans s'en rendre vraiment compte, il n’a pas tendance à enfermer Dieu dans ses coutumes, son petit savoir, dans ses manières de pensées qui, souvent, veulent justifier ses manières de faire, et qui deviennent des idéologies impitoyables. “Mes pensées ne sont pas vos pensées”, disait Dieu par son prophète Isaïe.

Et puis, une question qui peut être terrible : On peut donner de son temps, de son énergie, de ses biens, pour témoigner là où nous nous trouvons. Et c’est très bien, évidemment ! Mais quelle part consacre-t-on pour s’ouvrir à ceux qui peuvent être considérés comme des “petits”, par l'éducation, la timidité, et même et surtout par le poids du péché ? Or, ce sont ces petits que Jésus privilégie souvent car ils peuvent aspirer à cette communion de personne à personne avec Dieu !

Ou encore quelle part consacre-t-on à ceux, également, que l’on juge réellement comme des “petits” dans le Royaume de Dieu, parce qu'eux-mêmes se montrent trop savants et sages dans le Royaume du monde ! C’est un peu subtil, allez-vous dire. Oui, mais l’orgueil aussi est toujours très subtil. Et l’on peut devenir véritablement bien petit parce qu'on s'estime trop grand !

Cependant, l’évangile nous donne la clef de tout cela : “Venez à moi, vous tous qui peinez. Mon joug est facile à porter et mon fardeau léger”. Jésus nous invite à être solidaires dans l'adversité. “Prenez sur vous mon joug, et devenez mes disciples”, cela veut dire : “si vous vous aimez les uns les autres, vous vous portez tour à tour, sans distinction, vous vous portez les uns les autres, parce que mon amour demeure en vous”. Entrons dans la joie de Dieu, celle que Jésus manifeste : “Père du ciel et de la terre, tu as révélé ton amour aux petits” à ceux qui gardent cette humble capacité d’ouverture d’un tout-petit, qu’ils se montrent savants, pécheurs, ou même très orgueilleux...

Vous connaissez cette formule : “la vérité sort de la bouche des enfants ”... Marion, - huit ans -, rencontrait sa grand-mère. Celle-ci se pique de lui transmettre la foi. “Tu sais, lui dit-elle, nous sommes tous des enfants de Jésus. Et toi aussi, plus tu avanceras, plus tu pourras être une enfant de Jésus... ”. Et Marion de répondre avec un sens inné du mystère pascal : “Oui, mais un enfant, ça devient grand !”

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